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Qui sont les jeunes américains donnant un nouveau souffle au mouvement anti-armes?

Unis, meurtris et éloquents: les jeunes survivants de la tuerie en Floride sont déjà parvenus à maintenir la fusillade en Une plus longtemps que les autres récents massacres aux Etats-Unis. A la tête du mouvement #NeverAgain, ils espèrent désormais forcer un changement de lois sur les armes.

"Honte à vous": le cri d'Emma Gonzalez, dénonçant les liens entre responsables politiques et le puissant lobby des armes NRA, et les discours passionnés de ses camarades sont parvenus à maintenir l'attention sur la mort de 17 personnes au lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, le 14 février.

Elevés au rythme des exercices pour se préparer à l'irruption d'un tireur dans leur école, ces "millenials" ne supportent plus l'inaction face au fléau. Et, cette fois, le cri d'indignation semble porter.

"Ils sont assez jeunes pour être perçus comme des victimes innocentes mais assez mûrs pour s'exprimer par eux-mêmes", analyse Frank McAndrew, professeur de psychologie à l'université américaine de Knox et expert en fusillades de grande ampleur.

"Ils expriment leur choc, leur rage, leur tristesse et un éventail d'émotions innocentes et brutes qui ne sont pas souillées par des objectifs politiques", ce qui confère à leur discours un sentiment "d'extrême sincérité", poursuit-il.

- Sur internet et dans la rue -

Derrière le visage de ces jeunes meneurs d'à peine 16 à 18 ans, des personnalités passionnées transparaissent: outre Emma Gonzalez, Cameron Kasky, qui a lancé le mot-dièse #NeverAgain (#PlusJamaisCa); David Hogg, qui a interviewé ses camarades pendant la fusillade; Chris Grady, l'un des animateurs du compte Twitter @neveragainMSD (pour les initiales de Marjory Stoneman Douglas).

Soutenus à coup de déclarations et de centaines de milliers de dollars par George et Amal Clooney, Oprah Winfrey ou encore Steven Spielberg, ces "jeunes de Parkland" prévoient une "Marche pour nos vies" le 24 mars à Washington.

Mais des mouvements de soutien ont déjà surgi à travers le pays, des élèves quittant les cours pour aller manifester, comme encore mercredi, en se coordonnant notamment avec le compte Twitter @studentswalkout.

"Tout le monde veut agir et faire changer les choses dans ce pays", explique à l'AFP la créatrice de ce compte, élève de 19 ans d'un autre lycée, qui préfère rester anonyme. "Ceux qui ne veulent rien faire, c'est parce qu'ils n'ont pas vu les vidéos" d'élèves pendant la tuerie, leur silence terrifié brisé par les hurlements de leurs camarades abattus et les rafales de balles.

- 'L'Amérique de Trump' -

Las Vegas et ses 58 morts en octobre 2017, Orlando et ses 49 morts dans une boîte gay en 2016, les 26 victimes --dont 20 enfants-- de Sandy Hook en 2012, les 32 étudiants de l'université de Virginia Tech en 2007... Malgré ces lourds bilans, rien n'a changé.

Pourquoi le débat semble-t-il perdurer cette fois?

Pour Dana R. Fisher, sociologue de l'université du Maryland et spécialiste des mouvements de protestation aux Etats-Unis, "l'étincelle" a surgi avec la "Marche des femmes" au lendemain de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2017.

"Un des effets collatéraux de l'Amérique de Donald Trump, c'est que tout le monde est désormais beaucoup plus engagé politiquement que jamais auparavant", explique-t-elle à l'AFP, "y compris les jeunes".

Si elle compare le mouvement #NeverAgain à la vague #MeToo qui, comme #balancetonporc, a éclaté sur les réseaux sociaux pour dénoncer les agressions sexuelles, la sociologue voit chez les lycéens un mouvement "plus organisé et qui cherche, entre outre, à changer les lois plutôt que les mentalités".

- 'Pas intimidés par la NRA' -

Plus qu'à l'aise sur les réseaux sociaux, ces "millenials" offrent en plus un front particulièrement uni.

Les petits rescapés de Sandy Hook étaient trop jeunes pour s'exprimer ainsi. Quant aux clients du Pulse à Orlando ou les amateurs de country de Las Vegas, ils n'étaient rassemblés que par un hasard de circonstances.

A Parkland en revanche "nous sommes face à un groupe qui a quelque chose en commun", explique M. McAndrew.

"Lors de nombreuses autres fusillades, les victimes ne se connaissaient pas et n'avaient pas le sentiment de cohésion et d'appartenance que partagent ces élèves", poursuit-il.

Professeur de psychiatrie à l'université de Californie, à San Diego, J. Reid Meloy avance en outre que "ces jeunes viennent de familles aisées", ce qui leur confère un autre "pouvoir bien réel".

"Ils ne sont pas intimidés par les vieux hommes blancs de la politique et par la NRA. Et ils en ont assez d'être des victimes potentielles passives".

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