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"Toutes les semaines, il me battait": Asma, victime confinée d'un mari violent

Son confinement, Asma dit l'avoir passé "surtout dans la cuisine". Pas tant pour préparer les repas que pour échapper à un mari violent, dont elle vient de se séparer, soutenue par l'association Léa qui lui a proposé une solution d'hébergement. Dans le trois-pièces de banlieue parisienne qu'elle partage depuis octobre avec une autre victime de violences, le confort est sommaire mais cette femme de 28 ans, mère d'une fillette de 4 ans, se sent "enfin réveillée" après six années et demi de violences physiques et psychologiques, qui ont culminé ces derniers mois.

"Pendant le confinement, je cuisinais, je cuisinais, surtout pour ne pas le voir", raconte à l'AFP cette jeune femme brune, visage enfantin et grands yeux marrons, dont le prénom a été modifié par sécurité. "Il y avait énormément de tension à la maison et n'importe quel détail pouvait mener à des coups."

Mariée à 21 ans avec un garçon de son âge, rencontré par l'entremise de sa famille, Asma reçoit son premier coup à peine une semaine après la noce.

Rapidement, son mari se met à "tout contrôler": son téléphone, son alimentation, ses vêtements et même la couleur de ses cheveux. Il l'isole de sa famille, ses études et sa vie sociale.

"Il me disait que j'étais moche, bonne à rien... Toutes les semaines, il me battait. J'avais perdu toute estime de soi, je voyais tout en noir", poursuit cette ingénieure informatique à la recherche d'un emploi, qui a mené ses études en cachette pendant que son conjoint travaillait.

Au printemps, le confinement pèse sur la famille et les coups et menaces s'intensifient. Un jour que la casserole est mal rangée, il l'étrangle devant leur fille. "C'était si fort que je ne pouvais plus respirer. Mais je n'ai rien dit, rien fait", se remémore-t-elle.

Violences "crescendo"

"Toutes ces années, j'ai gardé pour moi car j'ai toujours eu espoir qu'il change. Cette année j'ai compris que non, c'est comme si je m'étais enfin réveillée", poursuit Asma, qui a récemment déposé plainte et est en instance de divorce.

Lorsqu'elle parcourt son téléphone et voit les photos d'elle durant cette période, elle se "fait peur": "J'étais jaune, bleue, gonflée. Mais personne n'a jamais rien dit".

C'est grâce à la mairie de sa commune de l'Essonne, où elle trouve spontanément refuge début octobre après que son mari a encore menacé de la tuer, qu'elle pousse la porte de l'association locale Léa Solidarité femmes. Fondée en 1999, cette structure dispose d'un accueil de jour où les femmes peuvent venir sans rendez-vous, d'une ligne d'écoute téléphonique, et propose un accompagnement juridique et un suivi psychologique.

"Ici, elles peuvent se poser, avoir une écoute bienveillante, mettre des mots sur leur mal-être, mais aussi se détendre, faire à manger ou laver leur linge", présente Patricia Rouff, fondatrice de l'association.

Pendant le premier confinement, l'association a connu une hausse d'activité de 40%. Elle a aussi "mis en sécurité", dans des chambres d'hôtel ou de résidences universitaires partenaires, près de 800 femmes.

Les 126 places d'hébergement dont elle dispose dans des appartements ou maisons de la région, où les femmes peuvent rester entre 6 et 18 mois le temps de se reconstruire, sont toutes occupées.

"En ce moment, on a 50 familles sur liste d'attente, contre 30 avant la crise sanitaire", souligne la directrice, pointant le manque patent de structures d'hébergement spécialisées.

Il y a tout juste un an, le gouvernement concluait un "Grenelle" contre les violences conjugales par une série de mesures, "encore insuffisantes" pour Patricia Rouff.

"Le Grenelle a permis de sortir des femmes et des enfants de l'ombre, mais il n'a pas anticipé les besoins des associations pour prendre en charge toutes les situations", observe-t-elle. "On n'arrivait déjà pas à faire face et le confinement est arrivé juste derrière".

La crise entraînée par le coronavirus n'a fait qu'"exacerber le côté répétitif et crescendo des violences", analyse Mme Rouff. "Pour celles qui avaient tenu au printemps, l'annonce du nouveau confinement a entraîné un grand désarroi".

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