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Barbarin, prélat conservateur et symbole de l'omerta dans l'Église

Devenu le symbole des silences de l'Église face à la pédophilie, le cardinal Philippe Barbarin quitte l'archevêché de Lyon avec l'image d'un homme aux positions rigoristes, dont l'intransigeance a fait grincer des dents jusqu'au sein du diocèse.

Condamné en première instance en mars 2019 à six mois de prison avec sursis pour avoir tu les agressions sexuelles commises - bien avant son arrivée - par un prêtre du diocèse, Mgr Barbarin a été relaxé le 30 janvier en appel.

A chaque étape de ce calvaire judiciaire, le Primat des Gaules a proposé de remettre sa démission au pape. Elle a été finalement acceptée vendredi, avec effet immédiat.

"Je lui ai remis cette charge. Pourquoi? Tout le monde le devine parce que ces quatre années ont été des années de grande, grande souffrance et il est bon de tourner une page", a indiqué le prélat dans une déclaration à la chaîne catholique KTO.

Lui que les victimes du père Bernard Preynat ont accusé de manquer d'empathie à leur égard a reconnu qu'il fallait prier "d'abord pour elles". Ce sont "des actes affreux et il est important qu'une page se tourne" avec un nouvel archévêque.

"Le cardinal a constaté que le diocèse était divisé et que les victimes ne supportaient pas qu'il reste là", a expliqué l'administrateur apostolique Michel Dubost, qui assurait la gestion du diocèse au quotidien depuis la mise en retrait de Mgr Barbarin.

Arrivé à Lyon en 2002 avec l'image d'un prélat dynamique qui lui vaut le surnom de "Monseigneur 10.000 volts", le Primat des Gaules voit son destin basculer en 2015 lorsqu'éclate l'affaire Preynat. Cet ex-prêtre du diocèse de Lyon, dont le jugement est attendu le 16 mars, est suspecté d'avoir abusé sexuellement de nombreux scouts entre 1971 et 1991.

Le scandale éclabousse toute l’Église et devient vite l'affaire Barbarin quand des témoins affirment que le cardinal savait mais n'a rien dit à la justice, et l'assignent. Un premier couperet tombe avec la condamnation à six mois de prison avec sursis.

Le prélat de 69 ans se rend dans la foulée à Rome pour remettre sa démission au pape mais ce dernier la refuse au nom de la "présomption d'innocence".

Une décision vue d'un mauvais œil par une partie des prêtres lyonnais qui réclamaient déjà le départ de l'archevêque. Un vicaire épiscopal de la Loire démissionne de ses fonctions en signe de désapprobation.

Depuis, le climat était resté "très lourd" dans le diocèse, divisé face à un cardinal présenté comme "autoritaire" et "décidant seul".

- "Inclassable" -

Intellectuel à l'élocution singulière, voire déroutante, polyglotte et tintinophile, Philippe Barbarin est né le 17 octobre 1950 à Rabat, dans une famille de onze enfants.

Cet évêque de terrain, dans son diocèse comme à l'étranger, est ouvert au dialogue inter-religieux. Il va à la rencontre des sans-papiers et des Roms; il est présent sur les réseaux sociaux comme aux premiers rangs des manifestations anti-avortement.

"S'il n'y a plus beaucoup de chrétiens en France, ce n'est pas mon problème. Mon problème, c'est que nous, chrétiens, ne sommes pas assez chrétiens", avait-il déclaré en arrivant à Lyon. "Je sais que cela choque mais je le répéterai: le christianisme cool n'a pas d'avenir".

Il fait ainsi preuve de beaucoup de conservatisme sur les enjeux sociétaux comme le mariage homosexuel auquel il s'est farouchement opposé.

"Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre... Après, un jour peut-être, je ne sais pas quoi, l'interdiction de l'inceste tombera", déclarait-il en 2012. Des propos qu'il avait tenté de nuancer par la suite.

"Inclassable, il est en fait un évêque de la génération Jean Paul II", écrivent à son propos Jean Comby et Bernard Berthod dans leur "Histoire de l’Église de Lyon".

Maître en philosophie et en théologie, après des études à la Sorbonne et à l'Institut catholique de Paris, disciple du théologien Hans Urs von Balthasar et du cardinal Henri de Lubac, il est ordonné prêtre en 1977 dans le diocèse de Créteil où il reste près de 17 ans. C'est le moment "le plus heureux" de sa vie de prêtre, confiait-il à l'hebdomadaire Paris Match en 2012. Il est ensuite envoyé à Madagascar.

De retour de l'océan Indien, il devient évêque de Moulins (Allier) avant d'être nommé archevêque de Lyon en 2002 puis cardinal en 2003. A ce titre, il participe à deux conclaves, en 2005 et 2013, pour élire les papes Benoit XVI et François.

Mgr Barbarin s'est beaucoup investi notamment auprès des chrétiens d'Orient en proie aux persécutions, en particulier en Syrie ou en Irak où il s'est rendu à plusieurs reprises.

Chevalier de la Légion d'honneur, il est l'auteur de plusieurs livres, dont un paru en 2015: "Dieu est-il périmé?"

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