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Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif depuis 10 ans, va s'éteindre: la fin d'un long combat entre son épouse et ses parents

L'arrêt des soins de Vincent Lambert, patient tétraplégique en état végétatif depuis plus de 10 ans, a débuté lundi matin au CHU de Reims, a-t-on appris auprès de l'avocat des parents et de source familiale.

Validée par le Conseil d'Etat fin avril, l'interruption des soins prévoit, selon une source médicale, l'arrêt des machines à hydrater et alimenter ainsi qu'une sédation "contrôlée, profonde et continue" de cet homme aujourd'hui âgé de 42 ans, ainsi qu'une prise d'analgésiques "par précaution".

"Dans cette période douloureuse, j'espère pour Monsieur Vincent Lambert que chacun saura ouvrir une parenthèse et se rassembler, auprès de lui, afin que ces moments soient le plus paisibles, intimes et personnels possible", a écrit le Dr Sanchez, chef de service des soins palliatifs, dans un mail à la famille dont l'AFP a obtenu copie.


Les parents intentent encore des recours

Les parents de Vincent Lambert ont saisi lundi le Conseil d'Etat, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et la Cour d'appel de Paris pour demander le maintien des soins prodigués à leur fils.

Saisissant la CEDH selon une procédure d'urgence, les parents de cet homme de 42 ans, tétraplégique depuis dix ans, et deux autres membres de sa famille font valoir que le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU a souhaité que la France suspende toute décision en attendant qu'il examine le dossier sur le fond, a précisé la CEDH.

Ils invoquent notamment le "droit à la vie" et l'interdiction des "traitements inhumains ou dégradants", garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme, selon la cour.

Celle-ci "rendra sa décision dans des délais aussi rapides que possibles", a assuré la CEDH, qui avait déjà validé le 30 avril une décision d'arrêt des soins prise par le Conseil d'Etat.

Les parents de Vincent Lambert ont déposé parallèlement un recours devant le Conseil d'Etat "ce (lundi) matin", après le rejet par le tribunal administratif de Paris de leur requête en référé le 15 mai, a indiqué le Conseil.

"Nous avons obtenu de plaider en urgence ce lundi à 17h à la Cour d'appel de Paris à qui nous demandons le respect des mesures provisoires réclamées par l'ONU", a indiqué par ailleurs Me Jérôme Triomphe, avocat des parents, dans un communiqué.

Rappel du combat judiciaire entre l'épouse et les parents


2008: l'accident

Ancien infirmier psychiatrique, Vincent Lambert est hospitalisé à Reims depuis qu'un accident de la route, en septembre 2008, l'a plongé à 32 ans dans un état végétatif.


2013: son épouse souhaite lancer le protocole de fin de vie

Le 10 avril 2013, le CHU engage un protocole de fin de vie, en accord avec son épouse Rachel et une partie de la famille. Vincent Lambert avait, selon ces proches, "clairement" indiqué avant l'accident ne pas souhaiter d'acharnement thérapeutique, sans laisser de consigne écrite.


2013: mais les parents veulent le maintenir en vie coûte que coûte

Saisi par les parents, fervents catholiques soutenus par une soeur et un demi-frère, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) ordonne en mai 2013 de rétablir l'alimentation. Il constate que les parents n'avaient pas été explicitement informés de la décision des médecins.

Le 11 janvier 2014, le CHU informe la famille qu'il va de nouveau arrêter nutrition et hydratation, conformément à la loi Leonetti qui permet de refuser l'acharnement thérapeutique.

Le 16 janvier, le tribunal saisi par les parents ordonne la poursuite du traitement. Rachel Lambert et le CHU en appellent au Conseil d'État.


2015: la Cour européenne donne raison à l'épouse mais les médecins refusent de se prononcer

Après une nouvelle expertise, confirmant l'incurabilité et une "dégradation" de l'état général, le Conseil d'État se prononce le 24 juin 2014 pour l'arrêt des soins.

Saisie par les parents, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) valide cette décision le 5 juin 2015.

Le 10 juillet, le CHU de Reims annonce qu'il va engager une nouvelle procédure -la troisième- d'arrêt des traitements.

Le 23, contre toute attente, les médecins refusent de se prononcer sur l'arrêt des soins, arguant que les conditions de "sérénité et de sécurité nécessaires" ne sont pas réunies.

Le 9 octobre, le tribunal administratif rejette une demande d'arrêt des soins présentée par le neveu de Vincent Lambert, qui fait appel.


2016: l'épouse désignée comme tutrice

Le 10 mars 2016, le juge des tutelles de Reims choisit Rachel Lambert comme tutrice, décision validée en appel puis en cassation.

La cour administrative d'appel de Nancy décide le 16 juin 2016 la reprise des consultations d'experts pouvant mener à un arrêt des soins. Décision confirmée par le Conseil d'Etat en juillet 2017.


2017: un énième recours des parents rejeté... mais ils n'en restent pas là

Le 27 septembre 2017, le CHU de Reims annonce une quatrième procédure pouvant mener à l'arrêt des soins. Un recours des parents est rejeté par le Conseil d'État le 31 janvier 2018.

Le 9 avril, après plusieurs mois de consultations, le CHU de Reims se prononce de nouveau pour "l'arrêt des traitements". Mais le 20, le tribunal administratif, saisi par les parents, ordonne une nouvelle expertise médicale.

Le 14 juin, les trois médecins-experts désignés par le tribunal se désistent, invoquant leur incapacité à résister aux "tentatives de manipulations et aux critiques".

Le 18 novembre, une nouvelle expertise ordonnée par le tribunal conclut que "l'état végétatif chronique" de Vincent Lambert est "irréversible".


2019: un tribunal valide l'arrêt des soins, décision confirmée par le Conseil d'Etat et la Cour européenne

Le 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne valide la procédure d'arrêt des soins lancée par le CHU.

Saisis par les parents, le Conseil d'Etat puis la CEDH confirment cette décision en avril.

Le 4 mai, un comité de l'ONU demande à la France de suspendre toute décision d'arrêt des soins, dans l'attente d'une instruction sur le fond.

Le lendemain, la ministre de la Santé Agnès Buzyn souligne que la France n'est "pas tenue" de respecter cette demande.

Le 11 mai, le médecin traitant de Vincent Lambert annonce à la famille l'interruption des traitements la semaine du 20 mai. Les parents multiplient les recours, en vain.


Du drame privé au symbole national

Aucune information ne filtre sur le dispositif de sécurité concernant la mise en place de ce protocole au CHU de Reims, où est hospitalisé sous haute surveillance cet ancien infirmier en état végétatif et tétraplégique depuis un accident de la route en 2008.

Tragédie intime à l'origine, cette affaire est devenue le symbole du débat sur la fin de vie et déchire sa famille depuis six ans. D'un côté, les parents fervents catholiques, un frère et une soeur s'opposent à l'arrêt des soins. De l'autre, son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et soeurs du patient veulent mettre fin à cet "acharnement thérapeutique".

Vincent Lambert n'a pas laissé de directives anticipées. Mais son épouse et son neveu affirment qu'il avait pris position contre tout acharnement thérapeutique.


L'obstination des parents

Les parents Viviane (73 ans) et Pierre (90 ans), qui considèrent leur fils comme lourdement handicapé et réclament à ce titre son transfert dans un établissement spécialisé, ont multiplié en vain les recours depuis que la plus haute juridiction a validé la procédure d'arrêt des soins, demandée par le CHU en avril 2018. La quatrième depuis 2013...

Les parents de Vincent Lambert
 
Seul le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) de l'ONU est allé dans le sens des parents, demandant à la France de maintenir les soins, dans l'attente d'un examen du dossier sur le fond, qu'il mènerait.

Mais la France répète que ces mesures conservatoires "sont dépourvues de caractère contraignant" et met en avant le "droit du patient à ne pas subir d'obstination déraisonnable".

Samedi, Me Jean Paillot et Me Jérôme Triomphe ont donc imploré Emmanuel Macron de maintenir les traitements, qualifiant la mort programmée du patient de "crime d'Etat commis au prix d'un coup de force contre l'Etat de droit".

"Le président de la République ne veut pas aller à l'encontre de décisions de justice", a répondu Nathalie Loiseau, tête de liste de la majorité aux élections européennes.


Les avocats des parents prévoyaient encore des recours

Faute de réaction, ces mêmes avocats avaient promis "trois nouveaux recours dès lundi" - refusant d'en dire plus. Ils mettaient en avant notamment le dernier rapport d'experts mandatés par la justice, rendu fin 2018. Ces derniers avançaient que la condition médicale de Vincent Lambert "n'appelle aucune mesure d'urgence" et qu'"il existe en France des structures pouvant l'accueillir jusqu'à sa disparition si le maintien au CHU de Reims s'avérait impossible pour des raisons autres que relevant de la simple technique médicale".

Ces mêmes experts affirmaient toutefois que son "état végétatif chronique irréversible" ne lui laisse plus "d'accès possible à la conscience".

Maîtres Paillot et Triomphe réclament aussi la radiation et des poursuites à l'encontre du docteur Vincent Sanchez, qui dirige le service des soins palliatifs et l'unité "cérébrolésés" de l'hôpital Sébastopol. C'est lui qui leur a annoncé l'arrêt des traitements pour la semaine du 20 mai. Saisiront-ils à cet effet le Conseil de l'ordre des médecins?

"S'il s'évertue à violer les mesures provisoires qui sont obligatoires comme l'a rappelé le Défenseur des droits et qui ont été rappelées deux fois par l'ONU, il sera seul à devoir assumer la responsabilité de cette violation", a en tout cas tonné auprès de l'AFP Jérôme Triomphe.

Dimanche, quelque 200 personnes ont manifesté devant l'hôpital Sébastopol dénonçant à l'instar de Viviane Lambert "une euthanasie déguisée".

"Pourquoi cette précipitation pour le conduire vers la mort ?", s'est aussi étonnée la Conférence des évêques. François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux élections européennes, a également demandé qu'on "se laisse le temps".

Père de la loi de 2016 régissant la fin de vie, Jean Leonetti, également premier vice-président LR, estime au contraire que l'arrêt des soins de Vincent Lambert s'inscrit bien "dans le cadre de la loi", affirmant que "dans les hôpitaux, presque 60% des patients lorsqu'ils meurent, ils meurent après une limitation ou un arrêt des traitements".

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