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Les boutiques ferment les unes après les autres dans le centre de Namur: deux commerçants livrent 5 RAISONS

Des vitrines vides, des affiches "À louer" et des portes closes : le centre-ville namurois est bien triste, quand il s’agit de commerces. Ces derniers mois, plus de cinquante petites boutiques ont dû mettre la clé sous le paillasson. Les raisons sont multiples. Deux commerçants nous en soumis un certain nombre. Mais sont-elles fondées?

Début septembre, RTL info exposait les difficultés rencontrées par les commerçants du centre-ville de Namur (voir le reportage "Je crains le pire": comment expliquer les 20% de commerces vides dans le centre de Namur?). Un magasin sur cinq est concerné par la faillite et près de 20% des cellules commerciales du centre-ville sont vides. "C’est une problématique qui existe depuis plusieurs années et ce n’est pas uniquement lié à Namur. La fréquentation des commerces, les flux de piétons sont en baisse. C’est aussi lié aux attentats" explique, de façon générale, l’échevin en charge du développement économique. Mais Luc Gennart sait que, si la conjoncture n’est pas extrêmement favorable, la situation namuroise présente d’autres soucis qu’un simple désintérêt du public. En trois mots ? Mobilité, loyer et marché.

"J’ai un complément d’information à vous communiquer au sujet de la situation dramatique des commerces namurois" nous a écrit Isabelle. "Je suis commerçant à Namur, il y a un secret de polichinelle dont personne n’ose parler" a précisé Loïc. Ces deux commerçants ont appuyé sur le bouton orange Alertez-nous pour apporter leurs éclaircissements sur la situation namuroise.

Loïc est le responsable d’un magasin de vêtements du centre-ville. Son épouse et ses beaux-parents sont également commerçants dans la capitale wallonne. Il distingue trois phénomènes pour expliquer cette désertion:

1. La présence du marché du samedi
2. Le prix absolument incroyable au m² des locations
3. L’immobilité totale de la ville de Namur

De son côté, Isabelle, gérante d’une boutique depuis plus de 25 ans, pense que la mobilité et le stationnement constituent le noeud du problème. Loin de tout fatalisme, elle a élaboré différentes propositions pour "redynamiser la ville".

Nous avons soumis les causes pointées par Loïc et les idées d’Isabelle à un spécialiste et au responsable politique concerné.


Marche arrière dans le plan de circulation

En août 2016, le sens de circulation dans le quartier de la gare (et donc l’accès aux principales rues commerçantes du centre-ville) avait été profondément modifié. Près d’un an plus tard, la Ville revoyait sa copie après que les commerçants –déjà– s'étaient plaints des difficultés d’accès au centre. Depuis ? "C’est un peu mieux maintenant que c’est revenu comme c’était avant" concède Loïc. "Mais un certain mal est fait. Ils ont fait une tonne de travaux, il y a eu des déviations à droite puis à gauche. Moi qui vis à Namur, je ne sais pas toujours comment faire". Un constat pas tout à fait partagé par l’échevin du développement économique. "On a rouvert l’entrée par la rue Godefroid. Cette mesure a eu un impact direct, on voit déjà qu’il y a plus de flux de véhicules" préfère préciser Luc Gennart.


Parking à l'extérieur + navettes vers le centre: "Cela ne correspond pas à l'expérience shopping"

Corollaire des questions de mobilité : le stationnement. Les commerçants estiment que de nombreuses places en surface ont disparu. La Ville a mis en place des parkings en périphérie de la ville avec des systèmes de navettes, "mais ça ne correspond pas à l’expérience shopping, se désole Isabelle. Quand on va faire des courses avec la volonté d’acheter et de revenir avec des paquets plein les bras, on n’a pas envie de le faire en transport en commun". Alors oui, Namur a lancé des initiatives et pourra compter sur de nouveaux parkings dans les années à venir. Mais supprimer des places avant d’en créer de nouvelles, est-ce que ce n’était pas mettre la charrue avant les bœufs ? "Les grands projets, ça prend des années, se défend Luc Gennart. Le projet du Grognon, c’est 670 places qui vont s’ouvrir mais il faut encore un peu de patience. Pour la place du palais de justice, l’appel d’offre est fait…"


Stationnement, ton univers impitoyable

Isabelle en a assez d’attendre que les projets annoncés se concrétisent. "Si ça continue comme ça, je vais bientôt devoir mettre la clé sous le paillasson". Alors la brune s’est lancée. Elle a décidé d’agir par elle-même. Elle a constitué un dossier avec des idées réalistes pour faire revenir des acheteurs. "Le client fuit Namur à toutes jambes, mais pour l’attirer il faut lui proposer, lui offrir des choses". La commerçante met sur pied une série d’initiatives : "Un système d’heures de parking gratuites, prises en charge par la Ville par exemple. Cela nous permettrait d’offrir le stationnement aux bons clients. S’ils viennent faire des courses et qu’ils doivent payer pour leur voiture, c’est la double peine".

Isabelle a rencontré le bourgmestre, Maxime Prévot. Elle lui a expliqué à quel point la situation était tendue. Mais depuis, d’après elle, plus rien. "Après 25 ans, je ne suis pas d’accord". A l’échevinat, a-t-on eu vent de cette série de propositions ? "Il y a l’association des commerçants, il y a les idées d’Isabelle, il y en a beaucoup d’autres. On n’avance pas aussi vite que certains le voudraient, mais on avance. Des initiatives excellentes, il y en a et c’est difficile de toutes les suivre. Il faut gagner la confiance de l’administration et de l’ensemble des commerçants pour être sûr que les projets aboutissent" se défend Luc Gennart.


Une surface commerciale de 100 m2 dans les meilleures rues: environ 8000 euros/mois

Des commerçants namurois ont du mal à boucler leurs fins de mois parce qu’ils manquent de clients. Mais ce n’est pas la seule difficulté. "Un problème, c’est le prix absolument incroyable des locations au mètre carré dans Namur, précise Loïc. Dans les artères principales, pour une boutique d’une centaine de m², il faut compter plus ou moins 20 000 euros par mois". Le montant parait gigantesque. Nous l’avons donc soumis à l’avis d’un expert immobilier installé dans la région. Il n’est pas d’accord. "20 000 par mois pour 100m2 ? C’est une information totalement fausse, estime Paul de Sauvage, patron de la société de promotion immobilière Actibel. Quand on parle de loyers, il faut bien nuancer". D’après lui, une surface commerciale dans les endroits les plus prisés (les mieux situés dans la rue de fer ou dans la rue de l’ange) se négocie autour de 1000 euros par an et par m², soit 8000 euros par mois pour une superficie de 100m².


Comptages précis des piétons par trottoir

Et ce prix diminue au fur et à mesure que l’attractivité du lieu descend. D’après notre expert, dans la rue des carmes, le loyer d’une surface similaire tombe à 1500 euros par mois. Et cela se justifie. "Il existe des comptages précis des piétons par trottoir. Il est normal de payer plus cher là où il passe peut-être 100 fois plus de clients à l’heure" résume Paul de Sauvage. Pour conclure, l’expert estime que le montant des loyers namurois correspond à ceux pratiqués dans des villes équivalentes, qu’ils sont adaptés par la loi du marché.


Le marché, vecteur de clients ou repoussoir ?

Quand on interroge Loïc sur ce qu’il estime être le plus gros problème, il ne doit pas réfléchir longtemps. "L’inaccessibilité du centre le samedi à cause du marché ! Aucune ville en Europe n’est privée de son plus gros jour de la semaine au profit du marché" s’exclame-t-il. L’affirmation n’est pas tout à fait correcte. A Nivelles, à Saint-Gilles, à Ixelles ou à Verviers, le marché a lieu le samedi. Mais que d’autres villes installent leur marché le samedi ou non ne change pas grand-chose au quotidien des commerçants. Ce qui reste, ce sont les perturbations. D’après notre témoin, les rues sont complètement bloquées et le centre-ville inaccessible. "Normalement, le chiffre d’affaires de 2 à 3 samedis par mois paye tous les frais fixes mais avec l’inaccessibilité causée par le marché, les commerçants ne travaillent pas du tout le samedi" avance Loïc. Qu’en pense l’échevin concerné ? "C’est une question que j’ai souvent, réagit Luc Gennart. On entend souvent les commerçants sédentaires se plaindre du marché mais le jour où le marché n’est plus là, ils seront tous là à se plaindre du contraire. On convient qu’il y a un petit souci au moment du remballage mais on essaye de faire respecter ces horaires".


La Ville en fait-elle assez ?

Le point commun entre les interventions de nos deux témoins, Loïc et Isabelle, c’est ce qu’ils appellent "l’inaction", "l’immobilité totale" de la Ville de Namur. Loïc déplore un manque de communication, de publicité autour des commerces namurois. "Rien n’est fait pour les commerçants textiles qui pourtant sont ceux qui font vivre cette ville" précisait-il dans le message qu’il a envoyé à la rédaction. Isabelle estime de son côté que "dans 5 ans, Namur sera une ville magnifique, mais sans commerces". Une dernière critique dont l’échevin se défend, évidemment. "On a pris des mesures pour promouvoir l’activité commerciale à Namur. Il y a eu des subsides pour les associations de commerçants, à Namur et à Jambes. Par ailleurs, de la communication, il y en a" Et Luc Gennart d’ajouter qu’un important budget sera libéré avant la fin de l’année, pour cibler plus particulièrement la Flandre.

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