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Confinés et heureux: Yamba et Jocelyne vivent leur meilleure vie depuis plus d'un an

Depuis le mois de mars 2020, l'épidémie de coronavirus bouleverse nos vies. La plupart des Belges n'ont pas subi d'impact financier, car ils n'ont pas perdu leur travail, et qu'ils ont globalement moins dépensé. Cette perte d'acticités sociales déplait à une majorité de personnes. D’autres, et vivent leur plus belle vie depuis plus d'un an. C'est le cas de Yamba (Liège) et Jocelyne (Chaumont-Gistoux). Ils ont accepté de nous rencontrer.

Tout semble opposer Yamba et Jocelyne : l'un est étudiant, l'autre retraitée. Le premier vit à Liège avec sa famille, l'autre vit seule à Chaumont-Gistoux. Ils n'ont pas la même réalité, ni le même vécu. Pourtant, face au confinement, ils sont d'accord : leur quotidien depuis plus d'un an leur convient très bien. 

Yamba : la positive attitude

Nous rencontrons Yamba chez lui, là où il se sent le mieux. Détendu, cet étudiant en comptabilité nous accueille dans son appartement familial, allongé près de sa mère et de sa petite soeur âgée d'à peine quelques mois. Le bonheur de passer du temps près de ses proches, chez lui, fait de Yamba ce qu'on appelle un "confiné heureux". "Pour moi, le plus important, c'est la famille", confie l'homme de 21 ans. "Souvent, je dois aller travailler ou aller à l'école, donc je n'ai pas le temps d'être avec ma soeur."

Sourire jusqu'aux oreilles, Yamba n'a pas le temps de pleurer les libertés perdues, ou le manque de sortie. Au contraire, c'est une aubaine, pour ses études. "Je suis dans ma bulle, et j'essaye de me concentrer. Tandis que quand tout était ouvert, je me concentrais pas du tout, je sortais avec mes amis. Comme j'ai pas envie de rater mon année, j'essaye de faire mes exercices."

Pour lui, ce n'est pas évident : Yamba n'a pas d'ordinateur pour suivre ses cours à distance, il utilise donc son smartphone. Il a aussi perdu son travail dans l'Horeca, ce qui l'empêche d'économiser pour investir dans un ordinateur. Malgré tout, le jeune homme n'est pas découragé. "Souvent, je dis : 'mon meilleur ami, c'est la solitude'. Je préfère être seul que mal accompagné."

Jocelyne : le calme et les plaisirs simples

À Chaumont-Gistoux, chez Jocelyne, il n'y a pas un bruit. Ce silence ne dérange pas cette retraitée : au contraire, elle y trouve la paix. Comme Yamba, Jocelyne est une confinée heureuse. "Je n'ai pas eu l'impression d'être privée de liberté", assure-t-elle, dans son canapé. "Ça m'a apporté du calme. Je me suis recentrée sur moi, j'ai fait des choses que je ne faisais plus, comme lire. Donc j'ai pu relire quelques livres, bien calme à la maison : un petit thé, un café, une praline."

Jocelyne vit seule, et ça lui convient très bien. "Je ne souffre pas tellement de solitude. Je suis seule, mais pas isolée, j'ai des voisines, des amies." En confinement, elle profite du calme pour faire des mots fléchés, du nettoyage, ou encore pour regarder la télévision, sans être importunée par des bruits extérieurs. 

Trait de caractère ou trouble ?

Pour mieux comprendre ces confinés heureux, nous avons contacté Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l'UCLouvain, également membre du groupe d'experts 'psychologie et corona'. "Il y a des gens plus introvertis, qui sont très satisfaits dans ces situations, qui peuvent se contenter d'un nombre restreints d'interactions 'en direct'. Et avec tous les moyens qui existent au niveau des contacts 'virtuels', ils sont satisfaits également", explique-t-il. "Ce sont des aspects de personnalité, qu'on appelle extraversion et introversion, et qui expliquent que certaines personnes se sentent bien dans la situation actuelle".

Ces confinés heureux ne sont a priori pas nombreux, selon le psychologue. Il s'agit de profils de personnes dont on n'entend pas souvent parler, car par nature, ils ne prennent pas beaucoup de place dans un groupe d'individus, dans une conversation, etc. "Oui, ce sont des gens qui spontanément, ne vont pas se mettre à l'avant-plan ; et en plus, comme la situation est satisfaisante pour eux alors qu'ils se rendent compte que c'est difficile pour la plupart des gens, ils ne vont pas se vanter" de leur ressenti actuel. "Ils vivent heureux et cachés".

Au-delà de l'introversion (trait de personnalité) qui caractérise certaines personnes, il y a aussi "les gens qui ont très peur des foules". On dira qu'ils souffrent alors d'un trouble, "l'anxiété sociale". Ceux-là aussi "sont actuellement dans un meilleur confort, car pour eux, à chaque fois, prendre les transports en commun, traverser une place où il y a beaucoup de monde, ce sont des situations qui créent énormément d'anxiété". Il s'agit, là aussi, "d'une petite partie de la population qui préfèrent le télétravail total et l'évitement des grandes foules".

"Revenir à la vie d'avant, ça va prendre un certain temps"

Toujours selon le psychologue Olivier Luminet, la plupart des gens à travers le monde, cependant, "ont ce besoin humain fondamental, ce besoin de base: le sentiment d'être reliés aux autres. On l'a depuis notre naissance, et toute une série d'études montrent que, de manière générale, c'est un besoin vital ; pour la très grande majorité de la population, ce besoin de connexions sociales, de relations, est là depuis le début et doit être en permanence alimenté. Au contraire, dans des situations de solitude, les études montrent que les gens sont moins heureux, et vivent aussi moins longtemps. On constate ces drames dans les lieux hospitaliers, où des gens isolés voient leur état de santé se détériorer davantage".

Une vie loin de tout contact social ne semble donc pas une option viable sur le long terme. Que penser alors de cette crise sanitaire qui a bouleversé nos quotidiens depuis plus d'un an ?  "Tout le monde a dû s'adapter", conclut le psychologue. "Au début du premier confinement, c'était très difficile. Et puis un processus de changement se passe en nous, et on apprend à accepter les choses." 

Dès lors, quand on va rouvrir les vannes (les salles de cinéma, les restaurants, etc), "les gens ne vont pas tout de suite se précipiter. On a été tellement longtemps dans cette situation, qu'il va y avoir un mouvement relativement lent pour se remettre en route. On l'a constaté avec les étudiants, quand on leur a proposé des cours en présentiel, ils n'étaient pas très nombreux. Revenir à la vie d'avant, ça va prendre un certain temps".

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