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"Addio Maradona": Naples, pieuse et pauvre, pleure son "roi immortel"

Recueillis devant son portrait et un cierge comme autant d'autels de fortune érigés dans les venelles mal pavées de la ville, les Napolitains endeuillés pleuraient jeudi Diego Maradona, dont la vie flamboyante et tragique entre "amour et anarchie" se confondait avec la leur.

A Naples, cité de piété, de mafia et de foot, les plus pauvres s'étaient reconnus et avaient projeté leurs désirs dans le destin hors du commun du gamin des bidonvilles venu porter les couleurs de leur club entre 1984 et 1991.

"Je représentais une partie de l'Italie qui ne comptait pas", confiera l'Argentin dans le documentaire que lui a consacré Asif Kapadia en 2019.

Pour Il Mattino, le quotidien de la grande ville portuaire d'Italie méridionale où le taux de chômage atteint 30%, trois fois la moyenne nationale, Naples est désormais "le tombeau de Maradona".

Malgré le confinement restreignant la liberté de mouvement dans la région de Campanie durement touchée par la pandémie de Covid-19, une foule éplorée rendait hommage au "bad boy" du calcio depuis l'annonce de sa mort à 60 ans mercredi.

Jeudi matin, les grilles d'enceinte du stade San Paolo étaient pavoisées d'écharpes bleu-blanc, de fleurs, de bougies et de pochoirs à l'effigie du numéro 10.

Campés devant une banderole confectionnée avec un simple drap sur laquelle on pouvait lire "Au roi immortel, ton drapeau flotte à jamais", trois gaillards masqués entonnaient le chant des "tifosi" de l'âge d'or du SSC Napoli: "Oh maman, maman, maman, tu sais pourquoi mon cœur bat, j'ai vu Maradona, j'ai vu Maradona, et oh maman, je suis tombé amoureux".

Des policiers tentaient de fendre la foule en demandant, en vain, aux centaines de personnes venues communier de ne pas former de rassemblements.

Devant les nombreuses caméras, Rosario, 77 ans, célèbre pour être le poète du stade, déclamait une ode composée la veille: "J'ai entendu cette voix qui chante et notre chœur. Tu nous as fait gagner et nous te portons dans notre cœur".

- Exemple pour les enfants pauvres -

Ferveur et recueillement aussi dans les "Quartieri Spagnoli", le coeur historique et populaire de la ville dont les églises, les étals de poisson frais et les lieux de débauche ont fait la légende.

Sur le front de mer, dans le quartier de San Giovanni a Teduccio où la Camorra, la mafia napolitaine, a remplacé les usines de conserves et de locomotives, une fresque à l'effigie de Maradona orne le flanc d'une austère barre d'immeuble.

Pour les jeunes de familles pauvres qui rêvaient de pousser les murs étroits de leur existence, "Maradona était un exemple à suivre", confiait au pied de l'immense portrait Ciro Cocozza, un comédien de 51 ans interrogé par l'AFP.

Résident de l'immeuble, Fernando Carfora, un chômeur de 46 ans, explique qu'il habite "au troisième étage, au niveau du cou de Maradona".

"Maradona était notre loisir du dimanche, peu importe l'heure à laquelle il jouait, c'était un jour de fête. Quand il ne jouait pas, nous étions tous tristes".

Le maire de Naples, Luigi de Magistris, qui a décrété une journée de deuil jeudi, s'est engagé à donner le nom de Diego Maradona au stade San Paolo, dont le joueur foula la pelouse pour la première fois le 5 juillet 1984 devant 60.000 supporteurs.

Jeudi, les joueurs de Naples se préparaient à recevoir en soirée le club croate de Rijeka en Ligue Europa et à rendre un dernier hommage à leur illustre prédécesseur avec une minute de silence. A huis clos et sans supporters, à cause du confinement.

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