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Elle est difficile, celle-là. La France est passée à deux doigts d'un deuxième sacre mondial consécutif, emmenée par un Kylian Mbappé qui avait décidé qu'abandonner à 2-0, ce n'était pas quelque chose à faire. Mais au bout du bout, ce sont les tirs au but qui ont offert le graal à l'Argentine. Et depuis lors, on se croirait remonter en 2018, mais aussi en 2016 ou encore en 2006.
Comme on l'a connu un sombre soir d'été en 2018, c'est une déferlante de seum qui se ressent aujourd'hui. Partout, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans la rue: les Français sont tristes, fâchés, parfois dégoûtés. Comme nous l'étions nous, en 2018, quand Samuel Umtiti a crucifié les espoirs de toute une génération belge, qui a depuis fait du déambulateur sa seule arme, au grand dam des supporters (pas taper !).
Alors pour Noël, j'ai décidé de faire un geste: un énorme achat groupé de cartes de membre du FC Seum. On peut y inviter absolument n'importe quel joueur ou fan de football qui a déjà été de très mauvaise foi après une défaite douloureuse. Parce que le seum, en vérité, c'est ça: de la mauvaise foi, de la réaction purement émotionnelle tournée à la dérision pour chambrer un adversaire. Mais elle est totalement logique et inévitable. Elle s'exprime par des pétitions bidons, par des réactions pas très amicales ou infondées. Elle s'estompe toujours, sauf si on renchérit pour que la plaie ne cicatrise jamais.
Dans ce club du FC Seum, j'ai envie d'inviter tous les supporters belges, tous les supporters français, tous les Bleus et les Diables Rouges. Cette année, nous sommes des frères de la Lose. On y a tous cru (bon, nous, on a cru à un huitième de finale, mais comme il y a le mot finale, on va dire que c'est pareil). (Vous voyez, la dernière partie de la phrase, c'est mon petit seum à moi, que j'élève seul depuis tant de temps). On peut aussi y inviter les fans du PSG qui ont construit leur succursale le 8/3/2017, ouverte en grande pompe en Catalogne. On peut même y inviter n'importe qui, en vérité, je pourrais en citer 20.000. Y compris hors du football (Felipe Massa, à jamais dans mon coeur).
Ensemble, nous créerons des pétitions insensées basées sur des règles interprétées dans notre sens, parce que quand même, ça nous arrange. Ensemble, nous irons crier à jamais que "la meilleure équipe n'a pas gagné", nous irons de toute notre droiture affirmer qu'on méritait mieux que l'adversaire et qu'au bout, nous sommes de beaux champions. Le tout en ravalant, sans réussir à le dissimuler, notre immense haine temporaire, cette rage qui nous donne envie de tout casser, y compris la télé, avant qu'on ne se rappelle que Krëfel ne la remboursera pas cette année. La beauté de l'émotion brute.
Pour la France, il y a eu Materrazzi. Dans l'autre sens, Thierry Henry a sans doute créé un tsunami de seum en Irlande (on va les inviter aussi, en place d'honneur, avec l'alcool en plus, ça promet des grandes choses). Nous, on a connu 2018. Et peut-être David Platt, que toute une génération a maudit, y compris le commentateur. Notre seum est ancestral, le vôtre aussi, en voilà un joli point commun.
L'important à Noël, c'est d'être bien entouré. Dans la défaite ou dans la victoire. Ici, célébrons ensemble nos défaites, célébrons ensemble nos échanges de vannes et arrêtons de nous prendre la tête sur "oui mais c'est lui qui a commencé". On ne sait même plus qui est le premier à avoir crucifié les espoirs de l'autre et au fond, on s'en fout. Je veux bien être le trésorier de ce FC Seum, avec Thibaut Courtois en président et Theo Hernandez en responsable de la communication. On offrira les clés à Georges Leekens qui fera 90% du boulot et on trouvera ensemble des moyens de chambrer notre vrai adversaire commun: la Suisse, qui nous a offert nos humiliations les plus décevantes de ces dernières années. Et pour éviter toute friction, j'inviterai volontiers Pierluigi Collina, dont le regard est plus effrayant que n'importe quelle arme posée sur la tempe.
Blague à part, le seum, ça va deux secondes. Depuis quelques années, il crée une ambiance que je trouve regrettable entre des Français et des Belges qui n'ont rien à opposer. Quand on perd, on est déçus. Parfois on l'exprime maladroitement ou bêtement. Parfois on est un peu plus digne. Mais on est tous les mêmes et on ne saura jamais être à 100% honnêtes dans la défaite, dans l'émotion. Vos larmes sont nos larmes. Nos vannes sont vos vannes.
Bienvenue au FC Seum, le club officiel de ceux qui savent rire de leur propre défaite. Vive le seum. Vive la France. Vive la Belgique. Vive la défaite amère.