Partager:
Armateur fortuné, patron de médias et propriétaire de clubs de football, Evangelos Marinakis figure parmi les personnalités les plus puissantes mais aussi les plus controversées de Grèce, désormais en guerre ouverte contre le Premier ministre.
Sur fond de scandale d'écoutes illégales qui éclabousse le gouvernement depuis l'été, l'homme d'affaires de 55 ans, originaire du grand port du Pirée, règle actuellement ses comptes avec le conservateur Kyriakos Mitsotakis.
Selon les révélations récentes d'un hebdomadaire grec, Evangelos Marinakis, qui détient les clubs de foot grec Olympiakos et anglais Nottingham Forest, figure sur une liste de 33 personnalités publiques, dont des ministres en exercice, cibles d'écoutes du gouvernement avec le logiciel espion Predator.
- Force de frappe -
Si Kyriakos Mitsotakis a catégoriquement réfuté les allégations du journal Documento, il n'a pas convaincu Evangelos Marinakis qui dispose, grâce à son empire médiatique composé de chaînes de télévision, journaux et sites internet, d'une force de frappe conséquente.
Dans un communiqué, l'armateur s'en est directement pris au Premier ministre.
"Seuls les acteurs de la pègre recourent à de tels moyens" de surveillance, a-t-il dénoncé.
"Le Premier ministre doit trouver le courage, remuer ciel et terre, pour clarifier cette affaire sordide et traduire les coupables en justice", a-t-il insisté, évoquant avec cette affaire d'Etat une "corruption de la démocratie".
A la télévision juste auparavant, le chef du gouvernement s'était montré cinglant: "certains pensent qu'ils peuvent faire du chantage, dicter la ligne de conduite du gouvernement parce qu'ils détiennent un club ou contrôlent des médias".
Evangelos Marinakis figure pourtant parmi les proches de la famille au pouvoir et de la Nouvelle Démocratie (ND), le parti de M. Mitsotakis.
Il fut ainsi en 1998 le témoin de la sœur du Premier ministre, Dora Bakoyiannis, elle-même députée de la majorité et ex-ministre des Affaires étrangères notamment, lors de son mariage.
- Sphère d'influence -
Le sulfureux homme d'affaires, issu d'une famille d'armateurs, a également financé un QG de campagne de ND avant les élections de 2019 remportées par le parti conservateur.
Son père était par ailleurs l'ami de Constantin Mitsotakis, le père du chef du gouvernement et ancien Premier ministre (1990-1993).
Durant la décennie de marasme économique qu'a traversée la Grèce, le magnat, dont la fortune est estimée à plus 600 millions de dollars, a tiré profit de la crise pour étendre sa sphère d'influence.
L’armateur, classé 47ème personne la plus influente dans l'industrie de la marine marchande par la revue Lloyd's List en 2021, est également conseiller municipal du Pirée depuis 2014, exerçant ainsi son influence sur la gestion de l'un des principaux ports de la Méditerranée.
Sa société Capital Maritime et ses succursales exploitent une flotte totale de 98 navires.
L'homme aime à cultiver l'image d'un bienfaiteur œuvrant dans l'intérêt général, finançant des unités de soins intensifs pendant la crise du Covid-19.
Il a également signé un partenariat avec l'Unicef au nom du club de football de l'Olympiakos, dont il est propriétaire depuis 2010.
Détenir le club le plus titré et le plus populaire de Grèce confère à M. Marinakis un prestige et un soutien indéfectible des supporters de foot.
Il possède aussi Nottingham Forest, club de Premier League anglaise.
Giannis Zaïmakis, professeur de sociologie culturelle à l'Université de Crète, décrit "une relation de patronage et de clientélisme, à l'image de la société grecque".
D'où les nombreux accrochages entre ce patron et différents acteurs du football grec. En conflit ouvert avec la Fédération "où règne l'Etat profond et le crime organisé", selon ses propres affirmations, M. Marinakis a récemment menacé de retirer l'Olympiakos du championnat national.
A sa réputation sulfureuse s'ajoutent des démêlés avec la justice.
Acquitté à l'issue d'un procès fleuve pour matchs truqués, il reste sous le coup d’une enquête pour une participation présumée dans l’affaire du "Noor 1" un cargo stoppé alors qu'il transportait 2,1 tonnes d'héroïne.
M. Marinakis dément catégoriquement toutes les accusations.