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Ligue des champions: les supporters européens peu enthousiastes sur la future formule

Trop répétitive, peu lisible et menaçante pour les championnats nationaux: pour les supporters européens et leurs représentants, la réforme de la Ligue des champions de football, susceptible d'être adoptée lundi, risque de lasser son public traditionnel à force de courir après l'argent.

"On ne peut pas vendre n'importe quoi aux supporters", peste Ronan Evain, coordinateur de Foot Supporters Europe (FSE).

Les fans allemands, très attachés aux traditions du football, sont farouchement opposés. Lors du huitième de finale Dortmund-Séville, une banderole géante barrait le célèbre Mur Jaune: "Stop UCL Reforms!" ("Arrêtez la réforme de la Ligue des champions").

"Personnellement, cela ne me plaît pas du tout", réagit de son côté Antonio Armero, 57 ans, "socio" du Real Madrid depuis 1985 et membre de l'influente peña "La Gran Familia".

"Je comprends que les grands clubs veuillent ce type de compétition parce que cela va générer plus de bénéfices. Mais ils sont en train de mercantiliser le football et l'essence de ce sport", ajoute ce supporter merengue.

De nombreux supporters contestent notamment la possibilité qui pourrait être offerte à certains clubs de se qualifier en vertu de leur historique dans les compétitions UEFA lorsqu'ils n'ont pas obtenu de ticket sur le terrain par le biais de leur championnat, une situation menaçant cette saison Liverpool ou Dortmund, par exemple.

Beaucoup soulignent aussi, comme Ronan Evain, "l'hyper concentration" de la C1, "avec quelques clubs ou pays, même trois, quatre pays, qui remportent la compétition, qui devient de plus en plus resserrée, de moins en mois européenne".

"Au détriment des ligues" 

"La seule façon de compenser serait de permettre à plusieurs pays de qualifier leurs représentants (...) qui doivent aujourd'hui passer par la phase de qualification", poursuit le coordinateur de FSE, citant les cas des champions d'Ecosse, du Danemark ou de Serbie actuellement contraints de franchir des barrages.

La formule qui se dessine (en savoir plus en cliquant sur ce lien) se fait également "au détriment des ligues nationales", écrit "Unsere Kurve" ("Notre Virage"), qui regroupe des associations de fans de plusieurs grands clubs allemands.

Pour Sig Zelt, porte-parole de l'alliance ProFans, la réforme "va encore agrandir le fossé entre les clubs internationaux et les autres dans les ligues nationales, et cela va rendre les championnats nationaux moins intéressants".

"Autant de matches, autant d'équipes, ça va menacer les compétitions domestiques", approuve Antonio Armero. "Cette réforme va porter atteinte aux plus petits clubs."

La formule dite "suisse" qui se dessine, une grande poule de 32 ou 36 équipes avec dix matches pour chacune, donc pas contre tous les adversaires, a également "un problème de lisibilité", note Ronan Evain.

"L'UEFA est convaincue que ça va permettre de réduire le nombre de matches +morts+, sans enjeu, mais je n'en suis pas convaincu", ajoute-t-il.

La multiplication des affiches entre grands d'Europe pourrait également les déprécier. "Multiplier les Bayern-Real va diminuer la valeur intrinsèque de chaque match", regrette Ronan Evain.

"Clientèle captive" 

"Sur cinq ou dix ans, le nombre de clubs différents en phase à élimination directe est en chute libre, tous les matches vont finir par se ressembler", ajoute-t-il.

Les supporters ont bien compris que la menace brandie par certains clubs (le Real, les deux clubs de Manchester, la Juventus...) d'une Superligue privée poussait l'UEFA à réformer sa compétition majeure de club.

"L'UEFA veut faire ça pour sauver les meubles, de peur de perdre les gros clubs", résume Jonathan Partula, supporter du Paris SG.

Pour Kevin Miles, le directeur exécutif de la Football Supporters' Association (FSA) anglaise, si l'UEFA veut "couper court aux projets de Superligue européenne dissidente, l'alternative proposée par l'UEFA n'offre rien d'autre aux supporters que des pas plus petits sur le même mauvais chemin".

Enfin, Ronan Evain remarque que les dirigeants du foot, obnubilés par la conquête de nouveaux marchés, sont peut-être trop confiants envers leur "clientèle captive".

"Ils pensent que le public va continuer à investir de l'argent dans son équipe quoiqu'il arrive", note-t-il. "Si en courant après un nouveau public on perd les consommateurs les plus fidèles, qu'est-ce qui reste?"

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