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Tor des Glaciers (450 km de long et 32 km de dénivelé): Victor a dompté cette course d'ultra-trail hors-norme

Victor Richard est un homme motivé. Ce Français vivait en Belgique, du côté de Saint-Georges-sur-Meuse, jusqu’en septembre dernier. Passionné par la course à pied, il a notamment créé une société spécialisée dans le chronométrage, Ultratiming.be. Mais il est surtout un grand sportif. Particulièrement actif dans le monde du trail, il vient de finir sur le podium de la course à pied la plus compliquée de la planète. Portrait de ce coureur hors-pair.

Si vous aimez la nature et que courir ne vous fait pas peur, peut-être serez-vous tenté par le trail. Cette discipline, qui consiste à courir dans des environnements naturels et parfois non-balisés, est en pleine expansion chez nous. Des parcours de plusieurs dizaines de kilomètres, qui offrent une bouffée d’air frais aux participants, tout en faisant appel à leurs capacités physiques, entre chemins vallonnés et passages escarpés.

BeTrail, qui fait office de "fédération" du trail en Belgique en l’absence d’organisme officiel, confirme l’enthousiasme progressif pour cette discipline. Le site, qui permet de regrouper les résultats enregistrés en Belgique, a vu le nombre de coureurs et de courses augmenter considérablement : 2,3 millions de résultats ont été encodés depuis 2015, dont 118.000 en 2018. Ils étaient 39.000 coureurs enregistrés en 2016, contre 60.000 aujourd’hui. La tendance est donc clairement à la hausse.

Objectif ultra-trail

Victor Richard, lui, préfère les ultra-trail, ces courses extrêmes de plusieurs centaines de kilomètres, à parcourir en totale autonomie le plus rapidement possible. Bien entendu, on ne devient pas un spécialiste de la longue distance sans être préparé. Comme tout le monde, Victor Richard a débuté par des courses aux longueurs raisonnables.

Sa passion est née d’une rencontre pour le moins inattendue, alors qu’il dirigeait un magasin dédié… au triathlon. "Raymond, un de mes clients, m’a proposé de faire un trail à Stavelot, un tour de 30 kilomètres, ça s’est bien passé", nous explique le coureur français. Depuis, il ne s’est plus jamais arrêté. "J’ai progressivement augmenté les distances, j’ai fait un 50 kilomètres l’année suivante. J’ai ensuite fait 80 kilomètres. En 2014, je me suis inscrit à la TDS (Sur les Traces des Ducs de Savoie, course qualificative à l’Ultra-Trail du Mont Blanc, considérée comme l’un des monuments du trail mondial, ndlr). C’était 120 kilomètres, avec un parcours un peu plus technique.

Je suis passé directement d’une course qui durait 8h à une épreuve de 24 heures

C’est là que les choses sérieuses ont commencé pour lui. Victor Richard va alors participer, en 2015, au Tor des Géants, course de 330 kilomètres courue dans la Vallée d’Aoste en Italie. Un monument de l’ultra-trail, d’une immense difficulté. Course que le Français a bel et bien terminée. "La course a été arrêtée alors que j’avais parcouru 260 km", nous explique-t-il. Un arrêt provoqué par de mauvaises conditions climatiques. Classé, Victor Richard a alors reçu l’autorisation de participer cette année au Tor des Glaciers.

La course la plus compliquée au monde

Le Tor des Glaciers, c’est un peu le Tour du France de l’ultra-trail. La Coupe du Monde de cette discipline. Une course réputée extrême, longue de 450 kilomètres avec un dénivelé positif de 32.000 mètres. Du moins en théorie. "Tout le monde est arrivé à la conclusion qu’on avait en réalité parcouru 480 kilomètres avec un dénivelé de 37.000 mètres", nous précise Victor en rigolant.

Une épreuve courue dans les montagnes italiennes, dont le parcours est en grande majorité situé au-dessus des 2.000 mètres d’altitude. Le parcours, très technique, comporte notamment des passages à la corde. Seuls les habitués de l’ultra-trail ont une chance d’arriver au bout.

Victor Richard l’a fait, en 139 heures et 46 minutes. Le tout en totale autonomie, franchissant les sections les unes après les autres. Sections au bout desquelles se trouvent des refuges, supposés accueillir les coureurs désireux de se reposer quelques heures. Supposés. "J’avais planifié mes temps de passages en fonction des sections. Je suis parti un poil vite, j’étais d’ailleurs en tête au premier refuge, mais je ne me sentais pas bien", nous explique le coureur Français. "J’ai voulu m’arrêter pour dormir, sauf que ce refuge-là n’était pas du tout au courant qu’on allait arriver. Je n’ai pas pu dormir alors que j’avais le mal des montagnes", nous précise-t-il ensuite.

Un mal des montagnes qui va le poursuivre pendant quelques jours. "C’était un peu galère, mal de tête, nausées… mais il fallait bien que j’avance. La deuxième nuit, j’ai sorti toutes mes tripes en haut d’un col à 3200 mètres. Je suis redescendu au prochain refuge qui était à 2600m et j’ai dormi 8 heures", nous explique Victor Richard, alors au bord de la rupture.

On m’aurait dit au bout de deux heures que je devais repartir, je crois que j’aurais abandonné parce que je ne me sentais vraiment pas bien

La suite relève de l’irréel. Le Français va parcourir des centaines de kilomètres et retrouver des couleurs au classement général, comprenant un total de 100 coureurs. "Je suis reparti 30ème. Là j’ai repris les gens un par un, assez rapidement jusqu’à la 10ème place. Après je suis remonté tranquillement, j’étais même à une heure du premier à l’avant dernier jour", nous explique-t-il.

Mais ses chances de victoire vont malheureusement disparaître à moins de 48h de l’arrivée. "Je me suis blessé dans une petite descente, j’ai préféré dormir et le lendemain, j’ai eu un peu de mal à finir. Mais je termine finalement à un peu plus de 5 heures du premier, ce qui reste très bien", nous précise-t-il. Résultat : une deuxième place dans l’épreuve la plus compliquée qui existe dans le monde de l’ultra-trail.

Une performance stratosphérique qu’il impute d’abord à sa stratégie. Le chrono se déclenche au départ et ne s’interrompt jamais. A charge des coureurs d’organiser leurs temps de repos, certains préférant parfois courir de nuit et ne jamais prendre le temps de s’offrir une bonne nuit de sommeil.

Une stratégie à l’opposé de celle adoptée par Victor Richard. Ce dernier s’accordait en moyenne entre 1 et 5 heures de sommeil par jour. Seule une contrainte de santé l’aura forcé à plonger dans une nuit de 8 heures en début de course. "Je crois que je suis le seul à avoir dormi aussi longtemps. Les autres ont dû dormir 5h30-6h sur toute la course", nous précise-t-il. "Je préfère dormir et être frais, au moins je ne somnole pas la journée, j’en profite, surtout qu’on avance moins bien la nuit. Ce sont deux stratégies totalement différentes".


S’il adore cette discipline, Victor Richard n’est pas pour autant un sportif professionnel. Que du contraire. Ce dernier est toujours à la tête de sa société de chronométrage et passe peu de temps à courir. Son entraînement ne consiste qu’en des courses, relativement longues. Il n’a aucunement vocation à faire partie des rares coureurs ayant fait de l’ultra-trail un mode de vie. Il couvre les dépenses liées à sa passion sans l’aide de sponsors. Le Tor des Glaciers, par exemple, lui a coûté plus de 5.000 euros, entre le trajet, le matériel et les 1.000 euros d’inscription. Une contrainte vue par le Français comme une marque de fabrique de cette discipline singulière.

La potentielle arrivée du trail aux Jeux Olympiques de Paris en 2024 n’est d’ailleurs pas une bonne nouvelle pour l’ancien habitant de Saint-Georges, qui considère que cette discipline est  réservée avant tout aux passionnés et amateurs. "Pour moi, le trail, c’est quelque chose qui est nature. OK, on se chronomètre, OK, on fait la course mais le premier doit être aussi bien loti que le dernier. Je pense que ce n’est pas bon qu’on arrive dans le sport professionnel avec tous les abus qu’il peut y avoir", nous explique-t-il.

Reste que parcourir des centaines de kilomètres, en solitaire, pendant des heures, en s’auto-gérant en permanence, cela reste du sport. Professionnels ou non, les participants à ces épreuves extrêmes méritent le respect de tous.

Victor Richard, deuxième du Tor des Glaciers, aura au moins gagné le nôtre. J’ose espérer qu’après lecture de cet article, vous aussi, vous aurez envie d’exprimer votre respect envers cette performance stratosphérique. 

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