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"Ne rien laisser au hasard". En quête d'une médaille aux Jeux olympiques de Paris-2024, les relayeurs du 4x100 m de l'équipe de France d'athlétisme s'entraînent aussi dans un monde virtuel, à la recherche du passage de témoin parfait.
Casque noir sur la tête, Pablo Mateo plie les jambes et tend un bras en arrière, comme pour recevoir un témoin, puis déclenche sa course sur trois appuis massifs qui font souffrir une moquette grise, au lieu du tartan habituel.
Le jeune athlète (22 ans), membre du relais 4x100 m de l'équipe de France, s'agite en ce jeudi 1er juin dans une salle du niveau -1 du siège de la fédération française d'athlétisme (FFA), dans le 13e arrondissement de Paris. Virtuellement, il est bien au Stade de France, entend le grondement de la foule, et voit un équipier virtuel qui fonce pour lui passer le témoin sur la future piste violette des JO.
L'objectif: le sprinteur doit déclencher sa course au bon moment pour assurer un passage fluide, avec une marge d'erreur de 80 cm, soit quelques millisecondes. Les capteurs sur ses chaussures et dans la pièce rendront leur verdict: vert en cas de succès, rouge en cas d'échec.
"Ca me permet de faire beaucoup plus de répétitions que dans la vraie vie, où l'on doit aller vite et puiser physiquement et nerveusement. Là ce n'est pas trop fatigant. Ca nous permet de travailler la précision de la prise de décision", apprécie Pablo Mateo.
- "Optimiser" -
En quelques minutes, l'athlète enchaîne une trentaine de passages, sollicité par son infatigable coéquipier imaginaire, contre trois ou quatre pour une séance sur piste classique, réduisant quasiment à néant le risque de blessure.
"L'idée c'est de ne rien laisser au hasard et d'optimiser au maximum leur préparation pour les Jeux olympiques de Paris en proposant un maximum d'outils", résume à l'AFP le responsable du relais Richard Cursaz, qui a convoqué les relayeurs pour plusieurs jours de regroupement.
Le 4x100 m masculin, vice-champion d'Europe en août 2022 et finaliste aux Mondiaux un mois plus tôt, fait partie des rares espoirs de médaille de l'athlétisme tricolore aux Jeux de Paris. Le collectif s'étalonnera vendredi soir lors du meeting de Ligue de diamant de Paris, une première sortie cette saison pour préparer les Championnats du monde de Budapest (19-27 août).
"Ça ne va pas être la révolution non plus, ce seront des gains marginaux quoi qu'il arrive", prévient M. Cursaz à propos de la réalité virtuelle. "Ca a aussi pour effet de montrer aux athlètes qu'on ne laisse rien au hasard, et qu'il est important de se préparer à toute situation".
- "Grosse pression" -
Dans la petite pièce blanche où défilent les athlètes tout l'après-midi, une demi-douzaine de personnes scrutent écrans et ordinateurs, replacent les capteurs, et donnent les consignes.
Ces chercheurs de l'Institut des sciences du mouvement (ISM), de l'Université Aix-Marseille, font partie du projet Revea (Optimisation de la Performance grâce à la Réalité Virtuelle). Coordonné par l'Université Rennes-2, Revea regroupe trois projets à destination des fédérations de gymnastique, de boxe et d'athlétisme pour Paris-2024.
"Il y a une partie techno qui est quand même assez coûteuse et chronophage, parce qu'il a fallu développer une application spécifique dédiée à l'entraînement, puis l'optimiser sur la base de tests qu'on a réalisé sur le terrain avec les entraîneurs et avec les athlètes", explique Gilles Montagne, le chef de projet athlétisme.
"On était partis avec une grosse pression parce que le temps de la recherche est un temps long. On a réussi à déployer la technologie à moins d'un an des Jeux, de ce point de vue, le contrat est rempli", apprécie le chercheur, seulement deux ans après l'appel à projet, financé en partie par l'Agence nationale de la recherche (ANR).
"On n'a pas eu vent de ce type de solution à l'étranger", pointe M. Montagne, à propos de cet atout unique pour briller aux Jeux olympiques.