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Ces jeunes joueurs belges ont aussi leur Super Bowl: immersion au coeur de l'équipe de jeunes des Tigers

Le Super Bowl, la grande finale du championnat de football américain, a lieu cette nuit aux États-Unis. Les stars de la NFL (National Football League) seront scrutées par des millions de téléspectateurs à travers le monde. Les joueurs belges de foot US attirent moins les foules mais leur sport a gagné en popularité dans notre pays. Notre journaliste est allé au devant des champions de Belgique, les Tigers d'Evere en région bruxelloise.

Aussi inattendu que ce soit, Bruxelles vit aussi au rythme du football américain. Notre capitale possède plusieurs clubs, dont le Brussels Tigers (dans la commune d'Evere) qui évolue depuis plusieurs années au sein de l’élite nationale. Si le rugby jouit déjà d’une certaine popularité en Belgique, le foot américain, lui, cherche encore à se dessiner comme une discipline de référence dans notre pays.

Pour mieux comprendre les rouages de ce sport et ses valeurs, nous avons été invités à suivre une rencontre des U19 des Brussels Tigers. Et pas n’importe laquelle : la finale du Junior Bowl, dérivé du célébrissime Super Bowl. Une finale du championnat de Belgique 100% bruxelloise, entre les Tigers d’Evere et la Brussels Football Academy, disputée le 1er décembre dernier.

Côtoyer ces jeunes permet de se rendre compte de la dimension profondément humaine du football américain, loin des clichés construits, bien involontairement, par les plus grands professionnels américains. La magie d’un sport en développement.

Les choses débutent plusieurs heures avant la rencontre, programmée à 14h. Les équipes techniques s’activent dès 9h15. Objectif : transformer le terrain de football d’Evere en pelouse de football américain. Nouvelles lignes, installation des sécurités nécessaires sur les poteaux, préparation technique… Un travail de fourmis, qui permet à ces jeunes joueurs de profiter de bonnes conditions de jeu.

N’oublions pas non plus ces personnes de l’ombre venues installer les tentes dédiées au catering. Parce que ce genre de rencontre est avant tout une occasion en or de rassembler diverses personnes autour d’un terrain de sport.

Les joueurs, eux, ont rendez-vous à 10h30 pour profiter ensemble d’un lunch collectif, histoire de souder les joueurs avant de disputer une finale cruciale. Tout va alors s’enchaîner, entre les réunions collectives, le passage par le vestiaire et l’arrivée sur le terrain pour l’échauffement.

L’un des moments forts de cet avant-match se passe avant même de se changer. Chaque joueur va dédicacer son match à une personne de son choix. "Cela  permet de renforcer le fait de jouer pour les autres, pas pour soi-même", nous explique Pascal Decoo, le président des Brussels Tigers. Un instant mélangeant subtilement l’humour et l’émotion, chacun prenant le temps de se livrer devant ses coéquipiers.

Voilà venu le temps de l’échauffement. Exercices physiques, étirements… et discours motivant. C’est au capitaine de prendre ses responsabilités le temps d’un speech dynamique. Il faut trouver les mots justes, parfois provocants, pour motiver l’ensemble du vestiaire et aller chercher le succès tant désiré.

La tension monte et la détente fait place à l’ultime concentration. Le coup d’envoi est donné : c’est parti pour une lutte âpre, physique, mais profondément fair-play. Au bout du compte, les jeunes des Tigers l’emportent 38-6 et décrochent leur deuxième titre consécutif.

Le public exulte et salue ses joueurs, qui viennent leur offrir un "high five" personnel et bien mérité. Parce que c’est aussi ça le football américain : défaite ou victoire, tout se joue collectivement, entre joueurs et supporters. Place aux célébrations, internes au vestiaire, qui n’ont besoin d’être détaillées dans la presse. La détente se fait à huis-clos, avec toute la bonne humeur que l’on peut imaginer !

"Les jeunes veulent essayer autre chose"

Vous l’aurez compris, le football américain est porteur de plus de valeurs qu’on ne peut le penser de prime abord. Pour faire le point sur cette discipline et sa progression en Belgique, nous avons contacté Christophe Olenaed, le président de la fédération belge.

Si le football américain est encore loin de faire partie des disciplines les plus plébiscitées chez nous, la discipline jouit tout de même d’une certaine popularité. "Quand j’ai commencé dans ce sport, vers 2009, nous jouions nos matchs dans des stades quasiment vides", nous explique l’un de ceux qui ont importé le football américain chez nous. "Mais ces trois dernières années, le nombre de spectateurs est en énorme progression. L’an dernier, 2.000 personnes sont venues voir le Belgian Bowl, qui est l’équivalent de notre Super Bowl".

Un engouement nouveau qui se reflète aussi au plus haut niveau. La Belgique dispose de son championnat à trois niveaux, compte une vingtaine de clubs et sa propre équipe nationale, les Belgian Barbarians. Au total, 1.500 personnes sont affiliées à notre fédération, dont de nombreux jeunes, qui commencent à s’essayer à ce sport.

Mais comment expliquer ce phénomène ? Christophe Olenaed a sa petite idée sur la question. "Je pense que les jeunes veulent faire quelque chose de différent : rugby, hockey, base-ball… les gens se détachent doucement des sports traditionnels et le football américain évolue très vite. De nouvelles équipes arrivent, nos sélections ont de bons résultats. Tout cela ne peut que nous aider", estime le président de la fédération, non sans une certaine joie.

Une "BeNeLeague" chez les juniors

Pour favoriser la croissance de ce sport et l’évolution des joueurs, la fédération a décidé de créer un championnat commun avec les Pays-Bas. L’International U19 League s’adresse aux équipes juniors, mais l’idée pourrait s’étendre aux équipes d’élite dans les prochaines années.

Cette organisation permet de former une génération de jeunes joueurs aux dents acérées, désireux de briller, tant en club qu’en sélection. Ces jeunes talents sont ensuite observés et intègrent fréquemment la sélection, à qui ils offrent de nouvelles opportunités.

La Belgique aux portes du top européen

A tel point que nos équipes nationales sont aujourd’hui en très bonne posture. Si les Barbarians n’ont aucune chance face aux meilleurs éléments mondiaux, comme les Etats-Unis, le Japon ou encore le Canada, ils ont cependant une vraie carte à jouer au niveau européen.

"Quand l’équipe nationale a été créée il y a 6 ans, nous étions 42ème mondial. Aujourd’hui, nous sommes 19ème", situe Christophe Olenaed. "Au niveau européen, nous faisons partie des 12 meilleures nations. Ce qui est, pour un petit pays comme le nôtre, totalement inespéré. Nous espérons être 'les meilleurs des autres', parce que nous ne pourrons lutter contre l’Allemagne, l’Autriche et autres, mais nous sommes juste derrière eux. Je pense que l’on fait du très bon travail".

Et la marche n’est pas si haute : la Belgique est à deux matchs d’accéder au Groupe A, composé des douze meilleures nations du continent. Des matchs qui se disputeront dans les prochains mois et qui, sans aucun doute, feront office de tests pour notre petit pays.

Vous aussi, devenez un Barbarians

Particularité du football américain : le mode de fonctionnement des sélections. Chaque année, entre juillet et octobre, 85 joueurs belges sont impliqués dans un véritable processus de formation. Ces derniers forment le noyau dur des Belgian Barbarians. Contrairement au football, par exemple, la sélection ne se fait pas uniquement par le talent et sous la houlette d’un coach fédéral.

"Chaque année, on repart de 0. Notre mission est double : représenter la Belgique sur la scène mondiale et en même temps d’offrir une expérience aux joueurs, qu’ils peuvent ramener en club pour les rendre meilleurs", nous explique le président de la fédération. L'idée est née d'organiser une journée de détection afin de recruter les meilleurs éléments disponibles. 

Si certains joueurs sont invités, le processus de sélection est aussi ouvert… à chaque joueur de football américain. "Nous avons entre 8 et 9 coachs, qui observent les matchs et invitent certains joueurs à cette séance. Mais c’est aussi ouvert à tous ceux qui veulent venir. Si vous pensez être assez bon, vous pouvez venir et nous prenons entre 85 et 90 joueurs par an".

Inévitablement, certains éléments évoluant à l’étranger sont quasiment assurés de rester en sélection d’une année à l’autre. De plus en plus de joueurs belges évoluent à l’étranger, y compris aux Etats-Unis, territoire-mère de la discipline. L’expérience de ces joueurs est inestimable et les rend indispensables.

Peu financée, la fédération mise sur les volontaires

Alors que de nombreuses fédérations sportives belges bénéficient d’aides financières publiques, le football américain, lui, ne peut compter sur un tel soutien. La seule source de revenus provient des frais d’affiliation payés par les clubs.

Les clubs, eux, misent sur le sponsoring. L’intérêt étant croissant, le nombre d’accord est lui aussi en expansion "mais ne représente pas des millions d’euros", réplique immédiatement Christophe Olenaed. Des discussions sont en cours pour être reconnus par nos instances sportives, mais cela n’a pas encore abouti à ce stade.

Cette situation financière force d’ailleurs la fédération à compter sur plusieurs volontaires dans son organisation. «Pour le Belgian Bowl, cela ne concerne que 7 personnes, qui font ça gratuitement et qui n’ont donc pas énormément de possibilité d’évolution», regrette le président de la fédération belge.

Le football américain est aussi victime de ses clichés, qui peuvent freiner son évolution chez nous. Un combat que mène Christophe Olenaed afin d’attirer encore d’avantage de joueurs dans nos nombreux clubs. «Les gens pensent que c’est un sport violent, mais c’est faux. C’est évidemment un sport de contacts, mais c’est un sport très technique. Il y a beaucoup de clichés. Si vous êtes grand, petit, rapide, intelligent… c’est un sport d’équipe et nous avons besoin de profils très différents. C’est quelque chose à essayer», nous prône-t-il.

Le message est passé !   

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