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Le motard Jean-Loup Lepan a 24 ans, le dossard 76 et un targui tatoué sur le bras gauche. Fred porte lui le logo du Dakar sur le bras droit. A 20 ans d'intervalle, père et fils vivent "l'aventure humaine" du rallye-raid et en perpétuent la légende.
"Je baigne dans le Dakar depuis que je suis tout petit: je suis né en 1998, mon père est parti sur son premier Dakar en 2002, et quand on est gamin, on idolâtre son père", raconte "le petit", moustache et petites créoles à l'oreille.
"Je me suis toujours dit que je voudrais le faire, je trouvais ça un peu déjanté cette course et quand j'ai vu les images de l'Arabie saoudite (où l'épreuve s'est implantée en 2020, NDLR), ça m'a rappelé les histoires folles que mon père me raconte tous les jours, j'ai eu trop envie d'y aller", raconte le motard originaire du village d'Embreville (Somme, nord).
Il a souscrit un emprunt bancaire conséquent, mis son poste d'assistant d'éducation de côté pour s'aligner l'an dernier aux côtés des Sam Sunderland, Ricky Brabec et autres pontes qu'il n'avait vus jusque-là "qu'à la télé".
Il a terminé 29e en moto, des débuts prometteurs.
Comme en 2022, son père est du voyage pour la 45e édition qui a débuté samedi, afin d'être à ses côtés, sa tente plantée en plein désert dans la terre poussiéreuse à proximité de celle de son fils dans un bivouac où il connaît "presque la moitié des gens", dit-il. "L'ambiance Dakar, l'aventure humaine, est toujours là", selon lui.
- "Accueil de fou" -
Fred a plongé dans le Dakar fasciné par le désert de Mauritanie, "c'était le Dakar qui faisait rêver", celui lancé par Thierry Sabine en 1978 et "qu'on regardait sur La Cinq, l'aventure, quelque chose d'inaccessible".
Dans ce Dakar-là, la caravane allait de bivouac en bivouac, installés dans des aéroports militaires, se souvient-il: "On pouvait galérer à rouler la nuit si on s'était perdu, passer trois jours sans voir son assistance. On était tous un peu en mode malle-motos", catégorie spécifique du Dakar d'aujourd'hui, uniquement sans assistance, raconte, intarissable, celui qui a fait neuf Dakar et terminé 20e, notamment en 2005.
De l'Amérique latine, où la course s'est délocalisée en 2009 pour des raisons de sécurité, Fred retient "l'accueil de fou", "l'avenue du 9-Juillet à Buenos Aires avec un million de personnes, on était accompagné de quatre policiers tellement il y avait du monde!"
Durant ses Dakar, "les motos tenaient plus ou moins debout. Maintenant, c'est une grosse machine, de plus en plus professionnalisée, il y a une sélection" d'après le curriculum sportif.
- Photos en pleine spéciale -
L'autre sélection est financière. Jean-Loup a dû débourser plus de 15.000 euros d'inscription, auxquels s'ajoutent 30.000 euros pour la moto et 22.000 pour les services d'une assistance, racontent les Lepan.
Alors Fred épaule Jean-Loup en amont pour passer ces obstacles, de l'entraînement à la recherche de partenaires jusqu'aux mises en garde contre les "frustrations complètes du sport de haut niveau", que Jean-Loup convoitise.
Il le soutient également pendant la course: "Je me lève en même temps que lui, je le regarde partir le matin, je fais rien, mais je suis là pour lui et je connais la pression et la peur d'avant l'étape, ça rapproche."
Il faut aussi alimenter le compte Instagram de vidéos et de photos, pour la famille et pour les sponsors. "Moi, ma femme me donnait deux-trois appareils photos jetables et je m'arrêtais en pleine spéciale quand c'était beau pour (en) faire", raconte Fred.
Jean-Loup ne se permettra pas ces écarts. Il caresse l'espoir de chatouiller les cadors, même si, selon lui, le Dakar, "c'est une compétition pour très peu de pilotes, c'est une aventure pour 99% des autres, il faut le budget et puis l'audace de se lancer, c'est énormément de temps et d'entraînement".
Une fois relevé le défi de son second Dakar, un autre l'attend: "Je vais travailler, pour rembourser les rêves que j'ai vécus avec mon père."