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Tour de France: "On m'a remis un paquet", racontait le premier maillot jaune

"On m'a remis un paquet de six maillots (jaunes)", racontait Eugène Christophe, le premier porteur de la tunique qui fête cette année son centenaire dans le Tour de France.

Dans l'émission "Soyez témoin" de La Chaîne Parisienne en 1956, rediffusée par France-Culture, le "Vieux Gaulois", l'une des grandes figures de l'époque des pionniers, se confiait sur les débuts du maillot jaune.

"Quand il a été créé par (Henri) Desgrange en 1919, on m'a remis un paquet de six maillots le 18 juillet 1919, à Grenoble. Comme il y avait un jour de repos entre chaque étape, les étapes étaient très longues à l'époque, j'ai endossé le premier maillot jaune le matin du 19 juillet".

"J'ai été maillot jaune jusqu'à (l'étape de) Dunkerque. Malheureusement, six kilomètres après Valenciennes, sur les pavés de Raismes exactement, une route épouvantable, les deux fourreaux de ma fourche ont cassé. J'avais exactement 33 minutes d'avance, il n'y avait plus que 500 kilomètres à faire, nous n'étions plus que onze coureurs, je ne pouvais plus être battu", regrettait Christophe, d'une voix claire et précise.

- "Le peloton, c'était un nuage de poussière" -

"J'ai pu terminer troisième seulement. Je n'ai jamais gagné le Tour de France, j'ai beaucoup de places d'honneur, deuxième, troisième, cinquième, septième, neuvième... mais j'ai gagné, c'est une grande récompense pour moi, l'estime et l'amitié de tous", ajoutait le "Vieux Gaulois", qui était âgé de 34 ans en 1919.

Christophe courait alors pour la septième fois le Tour de France. A 18 ans, il avait assisté -et participé - au départ de la première édition en 1903: "J'étais apprenti-serrurier à Paris, je commençais à gagner quelques petites épreuves, je me suis rendu avec deux autres camarades l'après-midi et nous avons été voir ce départ à la sortie de Villeneuve-Saint-Georges, au Réveil-Matin, à la jonction des routes allant à Corbeil et Melun. Nous avons vu les as de l'époque, les Maurice Garin, les Pottier, les Muller, les Fischer..."

"Nous avons pris avec mes camarades la queue du peloton, il y avait une poussière fantastique, nous avons quand même pu tenir le coup jusqu'à la forêt de Fontainebleau. Je me souviens d'avoir été lâché dans la descente, j'étais dans la poussière, je ne savais pas où me diriger. A l'époque, le peloton des coureurs, c'était un nuage de poussière. On a continué tranquillement, on a échoué dans la nuit du côté de Montargis, nous sommes revenus le lendemain seulement. J'ai donc accompagné le premier Tour de France jusqu'à l'entrée de Fontainebleau", détaillait le futur maillot jaune qui allait faire ses débuts dans l'épreuve trois ans plus tard.

- "On jouait au vélo" -

"J'avais déjà l'envie mais j'étais effrayé par la distance, reconnaissait-il. On faisait des petites courses interclubs, des Paris-Meaux, des Paris-Montargis, Paris-Honfleur, on arrivait à 5-6 minutes les uns des autres après 80 kilomètres, avec les jambes raides. Il faut vous dire qu'on passait toute la journée devant l'étau et puis, le dimanche matin, on prenait le départ d'une course. On jouait au vélo, comme on va jouer à la chasse, au billard, à la pêche", soulignait Christophe, décédé en 1970.

Le futur héros de la forge de Sainte-Marie de Campan, où il répara sa fourche cassée dans le Tourmalet en 1913 après avoir parcouru 14 kilomètres à pied, le vélo sur l'épaule, voyait alors les premiers pionniers comme "des surhommes": "Des hommes comme Garin, Pottier et autres, pouvaient faire 400 kilomètres, relier Paris à Lyon, Lyon à Marseille, etc, avec les engins de l'époque. Les vélos pesaient 13,500 à 14 kilos, il n'y avait pas de changement de vitesse, un petit frein à patin... Moi je n'étais qu'un petit amateur de vélo. Mais j'avais la passion, j'avais la foi. J'avais peur du Tour de France, c'était monstrueux pour moi, mais j'ai pris part à 11 Tours de France."

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