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AfricaMuseum - Le Congo belge n'a jamais suscité l'enthousiasme de la population

(Belga) L'AfricaMuseum, nouveau nom du musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren, rouvre ses portes samedi après cinq ans de travaux. Il présente une nouvelle exposition permanente, qui porte un regard plus critique sur la colonisation. C'est un événement: l'exposition n'avait plus été modifiée depuis les années 1950, soit avant la décolonisation. Un temps long, symptomatique du désintérêt de la population belge pour la colonie congolaise, explique Pierre-Luc Plasman, collaborateur scientifique à l'institut des sciences politiques Louvain-Europe.

"Il n'y a jamais eu un intérêt important et enthousiaste pour la colonie au Congo", avance Pierre-Luc Plasman. "C'était plutôt une affaire de missionnaires et de capitalistes qu'une affaire nationale", explique le chercheur. Il compare cela à l'équipe nationale masculine de football: "Ca flatte l'égo, tout le monde aime les Diables Rouges mais si on prend l'équipe il y a 15 ans, personne ne regardait les matchs." En outre, le musée de Tervuren n'était pas centré sur l'histoire de l'Afrique mais abordait aussi d'autres aspects comme l'anthropologie. "On visitait le musée pour la pirogue et l'éléphant empaillé. On venait voir mini-Afrique comme on visite mini-Europe", ironise-t-il. Par ailleurs, "le récit sur l'histoire coloniale belge est resté longtemps de la propagande", poursuit ce spécialiste du passé colonial belge. "Le but était de présenter le Congo comme une colonie modèle à tous points de vue, de 1908 à 1960." L'histoire de la colonie remonte à l'Etat indépendant du Congo, créé en 1885, comme propriété personnelle de Léopold II. Celui-ci a fortement été critiqué pour sa gestion de la colonie, marquée par une extrême violence. Le Royaume a ensuite repris l'administration du pays, en 1908. "En réaction aux critiques, la Belgique a voulu montrer qu'elle était la meilleure colonisatrice du monde." En 1960, le Congo prend son indépendance. Le sujet, qui ne soulevait déjà pas d'enthousiasme particulier, est délaissé. "Le musée a perdu une partie de ses moyens", explique le directeur de l'AfricaMuseum, Guido Gryseels. "L'aspect muséal a été mis de côté et l'accent a été posé sur la recherche scientifique (le musée emploie 85 chercheurs, ndlr), ce qui explique que l'exposition n'a pas évolué." A la fin des années 1990, "deux bombes arrivent", poursuit M. Plasman. Deux publications abordent l'histoire avec un regard bien plus critique. "Les colonisateurs deviennent des crapules et ce discours n'est pas compris par une partie de la population, qui reste dans l'idée que la Belgique était une bonne colonisatrice." Mais une nouvelle génération arrive, "qui n'a pas connu le Congo ou le Zaïr. Elle n'a pas d'attache sentimentale ou idéologique avec ce passé colonial et le travail sur le récit de la colonisation est ainsi plus aisé". Une autre partie de la population se trouve, elle, dans un espace de revendication, "surtout à Bruxelles, qui comprend une grande communauté africaine". Cette rupture entre absence et arrivée des critiques explique aussi en partie pourquoi le débat peut être virulent dans l'espace public. "Aux Pays-Bas par exemple, les historiens n'ont jamais quitté le domaine colonial. Le discours a donc pu se développer, avec nuance." (Belga)

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