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Pendant que les universités de Virginie fermaient leurs portes pour freiner l'épidémie de coronavirus, le président de celle de Liberty, à Lynchburg, accueillait ses étudiants de retour de vacances. Jusqu'à lundi soir, quand Jerry Falwell a dû se résoudre à annuler les derniers cours dispensés sur le campus.
Le 23 mars, jour de rentrée après le "Spring Break", près de 2.000 étudiants avaient retrouvé le campus de cette grande université chrétienne privée dirigée par Jerry Falwell, fils d'un célèbre pasteur évangélique américain.
Parmi eux, 750 étudiants étrangers qui n'avaient selon lui "pas d'alternative et nulle part où aller sinon leurs dortoirs".
La maire de Lynchburg, Treney Tweedy, s'était alors dite "surprise et déçue" de cette décision "insensée" en pleine crise de santé publique.
"J'étais horrifié", confie à l'AFP James Bagans, qui suit un master de santé publique, accusant la direction de l'établissement d'avoir instrumentalisé la réouverture à des fins politiques.
"La direction n'a pas pris cette crise au sérieux" et "l'a utilisée pour montrer son soutien" au président Donald Trump, que Jerry Falwell soutient publiquement, comme la majorité des chrétiens fondamentalistes.
M. Falwell a d'ailleurs récemment salué l'action du milliardaire républicain, estimant qu'il gérait la crise du coronavirus "comme on l'attendrait d'un dirigeant".
"L'université utilise notre foi pour justifier ses actes", dénonce l'étudiant de 22 ans. "En tant que chrétiens, nous devrions réfléchir à la façon dont nos actes affectent les autres et comment nous pouvons les protéger".
La bibliothèque, les restaurants et les parties communes sont restés ouverts et les consignes de distanciation sociale n'ont pas du tout été suivies ces derniers jours, à la faveur du beau temps et malgré les ordres de la police du campus, raconte-t-il.
- "Au jour le jour" -
James Bagans, qui vit seul dans un appartement hors du campus, explique avoir choisi de revenir à Lynchburg pour se mettre en quarantaine après des vacances à San Francisco. Il terminera son année en suivant les cours en ligne dans sa famille, dans le Michigan.
Pour Jared Marshall, étudiant à l'école de l'aviation, c'est au contraire l'annulation des cours encore dispensés sur le campus qui est incompréhensible.
Il assure avoir respecté depuis la semaine dernière les précautions sanitaires "à la bibliothèque, dans le simulateur de vol, à l'aérodrome".
"Tout le monde était en bonne santé et les mesures de précaution étaient strictes", affirme-t-il.
L'étudiant de 20 ans assure ne pas s'inquiéter des risques de propagation du coronavirus. Dans un communiqué, l'Université a indiqué mardi qu'il n'y avait pas de cas de Covid-19 signalé sur le campus. Un seul étudiant, suivant des cours en ligne à son domicile de Lynchburg, a été testé positif et 14 autres se sont mis en quarantaine.
Mais le décret de confinement strict promulgué lundi par le gouverneur démocrate de la Virginie Ralph Northam a finalement poussé l'université Liberty à annuler tous ses cours et isoler les 1.000 étudiants encore présents à Lynchburg.
Jared Marshall, qui vit en colocation hors du campus, va rester dans son appartement et suivre les cours en ligne "en espérant que tout recommence bientôt". Il ne veut toutefois pas retourner dans sa famille, qui vit dans le sud de l'Etat, de peur de la contaminer.
Olivia Damron, étudiante en psychologie de 19 ans, avait elle aussi choisi de revenir sur le campus, désert mardi matin.
Elle se dit convaincue que Dieu l'a placée là "pour une bonne raison, même si je ne sais pas encore laquelle".
"Nous comprenons que la situation n'est pas idéale, mais on tente d'en tirer le meilleur parti en étant conscient de notre environnement", dit-elle.
La jeune femme se dit inquiète de l'épidémie, mais "le coronavirus se propage partout, on court les mêmes risques que dehors et l'université a pris beaucoup de précautions".
"Je vis au jour le jour", explique-t-elle en évoquant le confinement dans sa chambre d'étudiante. "La situation n'est pas aussi mauvaise que ce qu'on pourrait croire".
"C'est une nouvelle façon de vivre et tout le monde dans le pays doit faire des ajustements", dit-elle.