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Pourquoi les jurés du procès des attentats ont-ils été transférés vers un hôtel tenu secret? "C'est important"

Après 7 mois d'audiences du procès des attentats de Bruxelles, les débats sont clos. Le jury entre désormais en délibération

La cour d'assises de Bruxelles a mis jeudi soir un point final à sept mois de débats au procès des attentats jihadistes qui avaient fait 32 morts en mars 2016 dans la capitale belge, et un premier verdict est attendu courant juillet.

Il s'agit du verdict sur la culpabilité des dix accusés, dont le Français Salah Abdeslam. Le seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre encourt une nouvelle peine de prison à vie après celle qui lui a été infligée l'an dernier à Paris.

Après les derniers mots des accusés, la présidente Laurence Massart a déclaré les débats clos peu après 21H00 (19H00 GMT).

Le jury devait ensuite se retirer dans un lieu tenu secret pour sa délibération. "Je crois que c'est important pour leur permettre de travailler de manière sereine et aussi pour leur éviter des problèmes de procédures", justifie le porte-parole du procès des attentats de Bruxelles, Luc Hennart

Les douze jurés titulaires, assistés par les trois magistrats de la cour, doivent répondre à près de 300 questions. La présidente a prévenu qu'un travail de "plusieurs jours voire plusieurs semaines" les attendait.

Comme le veut la loi belge, les peines en cas de culpabilité ne seront prononcées que dans un deuxième temps, après une nouvelle phase de réquisitions et de plaidoiries de la défense. Cette étape n'interviendra qu'après la coupure du mois d'août.

Je pense que ce qui est clair, c'est qu'ils regrettent tous ce qu'ils ont fait

Dans son réquisitoire au printemps, le parquet fédéral a demandé la condamnation comme "coauteurs" des attaques de huit des dix accusés, dont Salah Abdeslam et Mohamed Abrini.

Ils encourent la réclusion à perpétuité pour les infractions d'"assassinats et tentatives d'assassinat dans un contexte terroriste".

A l'encontre des deux derniers, les frères Smail et Ibrahim Farisi, ont été réclamés respectivement une condamnation pour "participation aux activités d'un groupe terroriste" (ce qui peut valoir dix ans de prison aux assises) et un acquittement.

"Je pense que ce qui est clair, c'est qu'ils regrettent tous ce qu'ils ont fait", estime Guillaume Lys, avocat des parties civiles. "Ils ont manifesté de manière très claire que le terrorisme, c'est une voie sans issue, c'est tout".

Selon l'accusation, rien n'a prouvé qu'Ibrahim Farisi était conscient d'aider un groupe terroriste quand, au lendemain des attentats, il a aidé son frère aîné à vider et nettoyer son appartement, prêté à certains des assaillants.

Le matin du 22 mars 2016, deux hommes s'étaient fait exploser à l'aéroport international de Bruxelles-Zaventem, et un troisième une heure plus tard dans un métro en plein quartier européen.

Outre les 32 morts, l'acte d'accusation a recensé quelque 700 blessés ou traumatisés. Il y a environ un millier de parties civiles.

Six des dix accusés étaient déjà concernés par le procès-fleuve achevé en juin 2022 à Paris pour les attentats du 13 novembre 2015 (130 morts), commis par la même cellule et également revendiqués par l'organisation Etat islamique.

A l'inverse d'Abrini, "l'homme au chapeau" qui accompagnait les deux assaillants de Zaventem, Abdeslam conteste sa participation aux attentats de Bruxelles. Arrêté le 18 mars 2016, il était en prison le jour des attaques-suicides.

Sofien Ayari demande aux jurés de tenir compte du contexte de la guerre en Syrie

"Je vais vous demander de ne pas ignorer ce qu'on a vu, vécu [en Syrie]. Ça ne veut pas dire excuser ce qui s'est passé après (les attentats NDLR). Après, vous pouvez être sévères autant que vous voulez", a déclaré jeudi soir, devant la cour d'assises de Bruxelles, Sofien Ayari, accusé dans le procès des attentats du 22 mars 2016. "Je ne le demande pas comme une circonstance atténuante, juste de le mentionner et ne pas juste dire que c'est une rhétorique djihadiste", a-t-il prononcé comme derniers mots avant l'entrée en délibération du jury.

"Je ne vais pas vous dire pourquoi je suis parti en Syrie, mais ce que j'ai vu là-bas. C'est ça qui a fait changer quelque chose dans mon esprit, dans manière de penser", a raconté l'accusé, fatigué et visiblement ému également, faisant référence à des exactions de l'armée de la coalition internationale en Syrie, dont il dit avoir été témoin.  

"Je ne suis pas venu pour tuer des gens parce que leur mode de vie ne me convient pas. Ce qui m'a poussé à quitter la Syrie, c'est ce que j'ai vu là-bas, face auquel on est impuissant, face auquel on n'est pas préparé. On vous a dit ici 'la Belgique n'était pas en guerre'. Ce n'est pas ce que j'ai vu. Nier à ce point ce que des gens [civils en Syrie] ont enduré... Vous avez bombardé des hôpitaux, des mosquées, tué des enfants, des femmes, des vieux... À des milliers de kilomètres de chez vous."

Ces déclarations n'étonnent pas l'avocat des parties civiles, Guillaume Lys : "C'est un discours qu'on connaît, parce qu'il y a toujours ce lien entre ce qui se passe là-bas de manière très lointaine en Syrie et ce qui se passe ici, ou ce qui s'est passé le 22 mars. C'est un discours qui toujours très difficile à accepter par les victimes."

Les témoignages entendus devant la cour "m'ont ramené à où j'étais avant [en Syrie], ça m'a brisé le cœur", a livré Ayari. L'accusé a confié que ce n'était pas une peine de prison qui pourrait le faire se remettre en question, mais bien les victimes qu'il a entendues. Il a assuré qu'il avait conscience du mal qu'ont causé les attentats et de leur répercussion sur tout le peuple belge, mais, a-t-il ajouté, "ça ne veut pas dire que je vais nier des choses que j'ai vécues [en Syrie]".

Guillaume Lys voit dans le discours de Sofien Ayari une victoire pour les parties civiles: "Il dit très clairement qu'il a changé d'attitude depuis qu'il a entendu nos clients, les victimes, ce qu'elles ont raconté, leurs souffrances. Ça montre que effectivement, ce qu'elles ont dit n'ont laissé insensible personne dans cette salle d'audience."

Une sincérité à nuancer : "Ce n'est pas pour autant que le discours est totalement légitime sur le fond. Il faut bien garder du recul par rapport à ce qui est dit, même si on voit qu'il y a une prise de distance par rapport à ce qu'ils ont fait", rappelle l'a

Je crois que j'ai assez payé ma fréquentation d'Ibrahim El Bakraoui

"Cela fait sept ans que je clame mon innocence", a déclaré jeudi soir, lors de son dernier mot avant que le jury ne parte en délibération, l'accusé Ali El Haddad Asufi. "Je n'ai pas participé à ces actes terroristes, ni de près ni de loin. (...) Je crois que j'ai assez payé ma fréquentation d'Ibrahim El Bakraoui. Il est temps que ça s'arrête", a-t-il demandé aux jurés de la cour d'assises de Bruxelles.

Un procès d'assises à Paris, un autre à Bruxelles,... "J'ai l'impression que pendant tout ce temps, on veut me faire porter les habits d'Ibrahim El Bakraoui, qu'on veut me faire payer à sa place", a-t-il affirmé. Il a rappelé ne pas avoir connu le kamikaze dans un cercle religieux, mais à l'école. "Il ne m'a rien dit parce qu'il savait que jamais je n'aurais pu adhérer à ces atrocités." L'accusé a déclaré avoir été trahi par le kamikaze, qui a continué à le fréquenter tout en sachant qu'il pouvait lui attirer des ennuis.  

"Je crois que j'ai assez payé ma fréquentation d'Ibrahim El Bakraoui. Il est temps que ça s'arrête", a-t-il demandé. "Tout ce que je veux, c'est que le jury me croie et m'acquitte, tout simplement parce que je suis innocent."

 

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  • "encourt une nouvelle peine de prison à vie après celle qui lui a été infligée l'an dernier à Paris." Combien de vies a-t-il encore ? N'est-ce pas un peu ridicule de consacrer du temps et du fric à juger quelqu'un qui est déjà condamné au maximum dans un autre pays, et un ays d'Europe en plus ?

  • "'un travail de "plusieurs jours voire plusieurs semaines" les attendait." Autrement dit, les jurés sont emprisonnés dans cet hôtel pendant que leurs familles partent en vacances. Belle récompense ! Si on me demande d'être juré un jour, je remets immédiatement un certificat médical.