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Le maire de Sao Paulo, Bruno Covas, doit mener deux combats de front : contre un grave cancer et contre la pandémie de coronavirus qui fait des ravages dans la plus grande mégalopole d'Amérique latine.
Confiné dans son bureau à la mairie, où il a installé un lit et une table de nuit, le jeune édile de 40 ans veut être disponible 24h/24h pour s'occuper de la crise sanitaire qui touche ses 12,2 millions d'administrés.
L'an dernier, le diagnostic est tombé : cancer du tube digestif. Après de longues séances de chimiothérapie, il a dû débuter l'immunothérapie le 26 février, le jour où Sao Paulo a recensé le premier cas confirmé de Covid-19 au Brésil.
"Je n'ai jamais pensé à quitter mon poste, parce qu'à aucun moment les médecins ne l'ont jugé nécessaire", explique le quadragénaire lors d'un entretien avec l'AFP.
Bruno Covas ne quitte pratiquement jamais la mairie, installée dans un imposant immeuble de 15 étages entouré d'arbustes et de plantes. Divorcé, il reçoit la visite de son fils de 14 ans plusieurs fois par semaine.
Il ne sort que pour se rendre dans des hôpitaux ou pour des réunions avec le gouverneur de l'Etat de Sao Paulo, Joao Doria, qui est aussi son prédécesseur.
- Aux prises avec Bolsonaro -
Pâle, maigre, totalement chauve, vêtu d'un pull-over noir, avec un masque assorti lui barrant le visage, il puise sa force dans une volonté de fer d'endiguer une pandémie qui a fait déjà plus de 3.000 morts dans sa ville, plus de 20.000 dans tout le pays.
À chaque conférence de presse, le message "#Fique em casa" (restez chez vous) est collé au pupitre, même si le maire admet une certaine frustration face à la réticence de nombreux habitants face aux mesures de confinement.
Ces mesures ne sont pas coercitives et consistent surtout en la fermeture des commerces considérés non essentiels, seuls les supermarchés et les pharmacies restant ouverts.
Le taux de confinement mesuré à partir du signal de téléphones mobiles tourne péniblement autour des 50%, alors que l'objectif était de dépasser les 70%. Mais Bruno Covas trouve tout de même "gratifiant que près de 6 millions" de ses administrés acceptent de rester chez eux.
"Nous sommes déjà confinés depuis près de deux mois, chaque jour de plus est un sacrifice qu'on demande à la population", poursuit l'édile, dont les efforts sont constamment sapés par les appels répétés au déconfinement du président d'extrême droite Jair Bolsonaro.
"Le président ne suit aucune directive médicale, mais veut imposer par décret l'usage de la chloroquine", dont l'efficacité contre le Covid-19 n'est pas prouvée scientifiquement. "Cela fait vraiment du tort au pays", lâche-t-il.
"Le virus n'est pas de droite ni de gauche, c'est une réalité scientifique qu'il faut affronter", insiste le maire.
Il juge néanmoins "impossible" de décréter un confinement total dans sa ville sans un consensus total avec les autorités de l'Etat de Sao Paulo, le plus riche et le plus peuplé du pays, et les maires des villes voisines.
- Course aux lits d'hôpitaux -
Malgré sa jeunesse, il est loin d'être un novice. Petit-fils de Mario Covas (1930-2001), figure politique de grande envergure à Sao Paulo et à l'échelle nationale, Bruno Covas a obtenu son premier mandat à 26 ans, se faisant élire député régional pour le parti de centre droit PSDB, de l'ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002).
En 2016, il a été élu vice-maire aux côtés de Joao Doria, qui lui a cédé la place en avril 2018, pour briguer le poste de gouverneur.
Même si Sao Paulo est le principal foyer du virus au Brésil, Bruno Covas considère que la mégalopole "traverse la crise dans une meilleure situation que d'autres grandes capitales d'Etats" du pays.
D'après les derniers chiffres officiels, 88% des lits en réanimation sont occupés à Sao Paulo et sa banlieue, alors que d'autres grandes villes, comme Manaus (nord), ont déjà dépassé les 90% depuis plusieurs semaines.
Deux hôpitaux de campagne ont été installés par la mairie, l'un d'eux au stade de football Pacaembu, et le maire tente à présent d'obtenir des lits supplémentaires dans le privé.
"Certaines villes ne se sont pas occupées de leur population et ont dû ouvrir des fosses communes pour enterrer leurs morts", constate-t-il.