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Routes et voies ferrées coupées, échauffourées avec la police à l'aéroport de Barcelone : les militants indépendantistes catalans ont réagi à la condamnation lundi de leurs dirigeants en descendant en masse dans les rues. "On va se faire entendre, pour qu'ils sachent que ça n'est pas fini", dit Jordi, agent commercial de 44 ans.
"Jusqu'à présent, nous étions à l'arrêt, dans l'attente de la sentence. Et l'Etat espagnol, comme toujours, n'a pas déçu", ajoute ironiquement ce quadragénaire, qui ne veut pas donner son nom et est ulcéré par la condamnation de neuf dirigeants indépendantistes à des peines de 9 à 13 ans de prison pour la tentative de sécession de 2017.
Face à lui, l'important dispositif policier protégeant les accès à l'aéroport de Barcelone, premier objectif des protestations après l'annonce de la condamnation.
Sous la pluie, les centaines de manifestants se confrontent à la police qui charge et lance des balles de plastique couvertes de mousse. La foule répond par des insultes et des jets de poubelles ou de canettes.
Selon les services d'urgence, au moins 53 personnes blessées ont reçu une assistance médicale à l'aéroport.
"Nous avons toujours cherché des voies pacifiques mais personne ne fait attention à nous (...) Nous sommes obligés de nous tourner vers la désobéissance", soutient Carles Navarro, consultant de 49 ans. "L'indignation est trop grande et affecte trop de gens, nous n'arrêterons pas".
La condamnation a aussitôt fait sortir des milliers d'indépendantistes dans les rues, pour des manifestations spontanées.
La tension était palpable dès l'aube dans la ville survolée par un hélicoptère, où de nombreux fourgons de police protégeaient les éventuelles cibles des protestations, comme la principale gare ferroviaire ou les bâtiments judiciaires.
- "Nous ne pouvons pas rester chez nous" -
"C'est un jour historique, ça se sent, c'est dans l'air. Il se passe des choses très graves, nous ne pouvons pas rester chez nous", lâchait un agent immobilier de 47 ans, Oscar Quiles qui était sur le point d'arriver à son bureau quand les peines ont été rendues publiques.
Il a immédiatement appelé sa mère pour qu'elle se rende avec lui dans le centre-ville, sur la place de Catalogne, point de rencontre de nombreux militants.
Vers 13H00 (11H00 GMT), quelque 25.000 personnes y étaient réunies, selon la police municipale, répondant à l'appel lancé sur les réseaux d'une mystérieuse plateforme baptisée "Tsunami démocratique", créée pour gérer les protestations après la sentence.
Lancée par des personnes dont l'identité n'a pas été révélée, qui communiquent entre elles par des applications de messagerie cryptées, cette plateforme a plus de 150.000 "suiveurs" sur Telegram.
Le groupe a appelé à paralyser l'aéroport de Barcelone, le deuxième plus important d'Espagne... Et aussitôt, à pied, en métro, en train, en taxi ou véhicules privés, des milliers de personnes se sont dirigées vers l'aéroport, en bloquant les accès.
Ils ont cependant été empêchés d'entrer dans le terminal, protégé par un important déploiement policier.
- Marches prévues dès mercredi -
Sur la route, entre les files de voitures bloquées, des touristes tiraient leur valise, pour tenter de ne pas manquer leur vol... A l'intérieur, ceux qui atterrissaient découvraient le terminal assiégé, sans taxis, et avec des services de métro et de train perturbés.
Selon le gestionnaire d'aéroports AENA, au moins 108 vols ont été annulés lundi.
A Gérone, à 100 km au nord de Barcelone, les manifestants sont parvenus à interrompre la circulation des trains à grande vitesse entre la France et Madrid.
"J'espère que ça aura une répercussion mais je suis un peu sceptique. On a fait tellement de choses et ça n'a servi à rien", disait, aux portes de l'aéroport barcelonais, une jeune infirmière de 27 ans, Anna.
Les prochains jours s'annoncent aussi agités: à partir de mercredi, des marches sont prévues dans toute la Catalogne et doivent converger vendredi à Barcelone, jour où une grève a été convoquée par des syndicats indépendantistes.
"La seule voie qui nous reste, c'est celle de la désobéissance. Ce sera une semaine entière de mobilisations et ça va durer", pronostiquait une fonctionnaire de 44 ans, Juli Cuéllar.