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A Charleston, l'ombre du passé esclavagiste plane sur la présidentielle

D'un côté, un homme agite un drapeau confédéré; de l'autre, une femme brandit une pancarte contre le racisme. A Charleston, en Caroline du Sud, les tensions autour de l'histoire esclavagiste des Etats-Unis restent vives, exposant une des lignes de fracture de l'élection du 3 novembre.

Depuis que George Floyd, un quadragénaire noir de 46 ans, est mort étouffé fin mai sous le genou d'un policier blanc, le pays a été secoué par un mouvement historique contre le racisme et les violences policières.

Plus de 100 monuments et autres symboles de la Confédération - les Etats pro-esclavage du Sud qui ont fait sécession en 1861 - ont été retirés d'espaces publics depuis, et cette question, toujours très sensible, s'est bien sûr invitée dans la campagne pour la Maison Blanche.

A Charleston, les tensions éclatent ainsi régulièrement au grand jour.

Chaque week-end depuis cinq ans, Braxton Spivey déploie un drapeau confédéré au-dessus d'un monument surplombant le port de la ville.

"Je suis ici pour préserver l'Histoire", dit M. Spivey, qui s'est habillé en Robert E. Lee, le général confédéré. Car "si nous effaçons l'Histoire, elle se répète".

M. Spivey l'assure, il n'est pas raciste. Pour lui, ce sont seulement quelques personnes mal intentionnées qui ont déshonoré sa cause.

De l'autre côté de la rue, Rita Kazirskis ne l'entend pas de cette oreille.

"Ils se mettent devant cette statue en disant que c'est une noble cause, alors que la vérité c'est que c'est une bande de racistes qui célèbrent une Histoire raciste, et c'est pour ça que nous sommes ici", dit la retraitée de 53 ans, qui brandit une pancarte proclamant "Le racisme tue".

La police garde un oeil sur les deux groupes. Parmi les automobilistes qui passent, certains klaxonnent, d'autres font un doigt d'honneur.

L'un d'eux crie qu'il faut "rendre à l'Amérique sa grandeur". C'est l'un des slogans phares du président Donald Trump, qui refuse de condamner sans appel les suprémacistes blancs et veut les renvoyer dos à dos avec l'extrême gauche.

- "Bon vieux temps" -

La Caroline du Sud, où la Guerre civile a commencé, est en train d'affronter son passé raciste et ses conséquences, mais elle doit aussi faire face à un nationalisme blanc dont les effets, disent certains habitants, se font sentir au quotidien.

Il y a cinq ans, un suprémaciste blanc tuait neuf personnes dans une église de Charleston.

Après cette tuerie, la gouverneure républicaine de l'époque, Nikki Haley, avait fait retirer le drapeau confédéré du capitole local.

En 2018, Charleston, par où près de 40% de tous les Africains réduits en esclavage sont arrivés aux Etats-Unis, s'est excusée pour son rôle dans le commerce des esclaves.

Et en novembre, la Caroline du Sud pourrait élire son deuxième sénateur noir, le démocrate Jaime Harrison, ce qui en ferait le premier Etat du pays avec deux sénateurs afro-américains ayant un mandat au même moment.

Et pourtant, explique l'artiste noire Tynishia Brown, la discrimination est inévitable ici, et elle est alimentée par ce qui se passe au niveau national.

"L'actuel président ne m'a pas convaincue qu'il n'était pas proche du suprémacisme blanc", dit la jeune femme de 26 ans, qui se trouvait dans un centre de vote par anticipation.

Les injustices raciales sont réelles ici, insiste-t-elle. "Nous le voyons tous les jours".

M. Harrison, le candidat au Sénat, le reconnaît: "C'est l'héritage, la douleur historique avec laquelle tant de personnes noires vivent aujourd'hui encore", a-t-il dit à la presse samedi.

"Je comprends donc ce que dit cette jeune femme. C'est difficile", a-t-il ajouté.

Le rival républicain de M. Harrison, le sénateur Lindsey Graham, un allié de Donald Trump, a provoqué l'indignation la semaine dernière en parlant du "bon vieux temps de la ségrégation".

"C'est tout simplement raciste et ça ne devrait pas être dit... même si c'était une blague", estime Marcus McDonald, 23 ans, militant du mouvement "Black Lives Matter".

Malgré tout, plusieurs habitants de Caroline du Sud disent que des jours meilleurs sont à venir.

En juin, une statue de John Calhoun, ardent défenseur de l'esclavage, a par exemple été retirée d'un parc du centre-ville de Charleston où elle avait été installée il y a 133 ans.

Mais ce ne fut pas de tout repos: l'opération, par l'écrasante chaleur du Sud, prit 17 heures, selon des médias locaux.

"Tout comme le racisme, il était profondément enraciné là-bas", avait réagi d'après la même source le maire de Charleston, John Tecklenburg.

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