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Le compte-à-rebours est lancé: après un retard de plusieurs mois, Iliad doit débarquer avant le 21 juin en Italie, où il lui sera toutefois difficile de réaliser le même exploit que dans l'Hexagone en 2012, même s'il ne cache pas ses ambitions.
En pleines difficultés en France, avec une chute de ses abonnés au fixe, Iliad arrive en Italie avec la volonté d'y conquérir une part de marché d'au moins 15%, voire à terme de 25%, dans la téléphonie mobile.
C'est en effet sur ce seul segment que la maison mère de Free sera présente dans un premier temps.
Son objectif: révolutionner le marché italien, comme il l'avait fait en France en lançant il y a six ans des offres mobiles à deux euros.
Le mot d'ordre: des "offres simples, transparentes, sans coûts cachés", sur lesquelles il garde pour le moment le secret le plus total.
Selon Iliad, le marché italien est "concurrentiel" mais présente "de fortes opportunités pour un nouvel entrant".
Il met ainsi en avant le fait que la dépense moyenne mobile par habitant y est de 19,1 euros contre 17,6 euros en France, soit 1,5 euros de plus par mois.
Autres chevaux de bataille: le "manque total de transparence" des offres actuelles, "une convergence limitée" et des "opportunités dans le marché fixe", sur lequel il entend débarquer dans un deuxième temps.
- Segmentation du marché -
"Le marché des télécoms italien a toujours été assez bloqué (...) Les nouveaux entrants n'ont jamais été en mesure ou n'ont jamais voulu changer les règles du jeu, il y a à peu près la même approche, le même type d'offres d'un opérateur à un autre. Et donc cela reste un marché encore relativement profitable", explique à l'AFP Massimo Colombo, professeur d'économie de l'innovation à l'école de commerce de Polytechnique à Milan.
Il estime de fait qu'"il y a de l'espace pour y entrer avec une stratégie marketing complètement différente".
Étonnamment, ce sont les opérateurs italiens eux-mêmes qui ont laissé entrer le loup dans la bergerie, puisque la fusion entre Wind et 3 (Tre) n'a pu être validée par la Commission européenne qu'à la condition qu'ils cèdent une partie de leurs fréquences à un tiers.
Wind Tre, Telecom Italia (Tim) et Vodafone sont actuellement au coude à coude, avec chacun environ 30% du marché mobile, le reste étant aux mains de Poste Mobile (autour de 4%) et d'autres MVNO (opérateurs virtuels).
Avec l'entrée d'Iliad, Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l'université Bocconi de Milan, s'attend à une "plus grande concurrence sur le segment d'entrée de gamme, celui des MVNO" et parallèlement à une "accélération du mouvement de segmentation entre les deux marchés, avec un positionnement vers le haut des offres des autres opérateurs" qui se préparent à la 5G.
Ainsi, "Telecom Italia a lancé une deuxième marque, Kena, pour rivaliser avec Iliad et les MVNO sur les prix, tout en positionnant sa marque Tim sur les services ajoutés, les contenus", note-t-il.
- 'Différences culturelles' -
D'après lui, Iliad ne pourra pas révolutionner le marché comme en France: dans l'Hexagone, "le marché était encore en train de croître, les smartphones étaient à peine arrivés. En Italie, le marché est mature et en déclin".
Il estime que le trublion pourra atteindre une part de marché de 10 ou 15% en volume (nombre de sim) mais pas en valeur.
De son côté, M. Colombo souligne que "l'Italie est un pays compliqué pour les étrangers. Si les pays européens peuvent paraître se ressembler, il y a des spécificités dans la réglementation, le rôle des institutions, la culture et les comportements des gens, et les approches à adopter".
Et "le danger est de sous-estimer ces différences".
Les Italiens ont par exemple "la culture" du prépayé, qui représente quelque 85% des cartes sim en circulation, contre 15% pour les abonnements.
"Si Iliad veut changer les règles, il faudra qu'il développe une stratégie commerciale sur mesure", note M. Colombo.
D'après M. Carnevale Maffè, l'Italie a aussi un "modèle d'acquisition très traditionnel, avec une grande importance des magasins et peu de ventes sur internet".
Ce qui impliquera pour Iliad d'avoir un vrai accès physique à la clientèle, via des partenariats avec des magasins. Mais "cela est coûteux et attaquera des marges qui seront déjà basses".