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Décryptage - Agustin a payé pour les crimes de son frère dimanche à Schaerbeek: qu'est-ce que la loi du Kanun?

Un homme de 44 ans a été grièvement blessé dimanche soir à Schaerbeek. Un journaliste spécialisé dans les affaires criminelles en Albanie a pris contact avec notre rédaction. Il l'affirme: la victime a payé pour les crimes de son frère, commis 26 ans auparavant. "C'est la loi du Kanun", nous dit-il. En quoi cela consiste? Décryptage.

De nouveaux coups de feu ont été tirés sur la terrasse d'un café rue Joseph Brand à Schaerbeek, dimanche soir vers 22h30. Selon les premiers éléments de l'enquête, le parquet de Bruxelles informe qu'un homme, âgé de 44 ans, aurait reçu plusieurs balles, au niveau de la tête et de la cage thoracique. Ses jours sont toujours en danger. 

Le parquet bruxellois ne communique rien en ce qui concerne le mobile de cette altercation. Mais de notre côté, nous avons mené notre enquête et un journaliste spécialisé dans les affaires criminelles en Albanie a même pris contact avec notre rédaction pour tenter d'avoir plus d'informations. Pour lui, il est clair qu'il s'agit d'un règlement de comptes entre familles rivales. "En Albanie, son frère a été condamné pour le meurtre de deux personnes", nous a-t-il confié. 

Il paye les actes commis par son frère

Notre source est formelle: la victime de l'attaque à Schaerbeek dimanche s'appelle Agustin Kaza, âgé de 44 ans et originaire d'Albanie. On ne sait pas depuis quand il se trouve en Belgique, ni s'il y séjournait illégalement, mais il avait fait l’objet d’un signalement par le passé pour appartenance à une organisation criminelle, ne s’était plus fait connaître des autorités belges depuis plus de 5 ans.

Dimanche, il aurait été visé par ces coups de feu par vengeance pour les actes commis par son frère 26 ans auparavant. "Selon les informations auxquelles nous avons accès ici en Albanie, Agustin Kaza est lié à Martin Kaza. Ils sont frères", nous indique le journaliste spécialisé dans les faits criminels. "Nous tenons ces informations de nos sources au sein de la police albanaise. Mais les autorités n'ont pas encore fait de déclaration officielle", poursuit notre interlocuteur. 

Martin Kaza a été condamné pour le meurtre de deux frères, Dod et Augustin Gjini, le 3 juillet 1997 à Mirdita, une ville au nord de l'Albanie. "À l'époque, on a dit que le meurtre avait été commis par vengeance. En effet, en 1994, dans la ville de Rrëshen, Ndue Kaza, frère de Martin et Agustin Kaza, a été tué", nous explique-t-il.

Ndue Kaza aurait été tué le 7 janvier 1994 par Dod Gjini. Pour venger son frère, Martin Kaza a donc assassiné Dod et Augustin Gjini avant de prendre la fuite. Selon plusieurs médias albanais, Martin Kaza s'est ensuite enfui en Angleterre pour demander l'asile, prétendant être un réfugié de guerre du Kosovo. Là-bas, il aurait utilisé une fausse identité, se faisant appeler Naim Karagjia. 

Ce n'est qu'en juin 2016 qu'il a été arrêté, à Londres. Il a ensuite été extradé de Grande-Bretagne vers l'Albanie en décembre 2017, où il a été condamné à 22 ans de prison pour son double meurtre. 

La loi du "Kanun"

Des médias albanais disent que les faits survenus à Schaerbeek dimanche soir ont été commis par un tueur à gages, dans le cadre d'une vendetta. Ces informations n'ont cependant pas été confirmées par le parquet de Bruxelles, qui continue d'enquêter et qui ne communique pas davantage ce mardi. "La police albanaise et la police belge sont en communication sur cette affaire et sur son passé", nous affirme le journaliste albanais spécialisé dans les faits criminels. 

Mais pour notre interlocuteur, Agustin a été victime de ce qu'on appelle en Albanie la loi du "Kanun". "Ici, de nombreux meurtres sont commis pour des raisons de vendetta. Parce que dans le nord, il y a encore des gens qui suivent la loi du Kanun : Kanun of Lekë Dukagjini", développe-t-il.

Il existe la possibilité de s’en prendre à une autre personne de sa famille, mais qui doit être du même sang

Selon un politologue spécialiste de l’Albanie et de la criminalité organisée que nous avons interviewé, le Kanun était "un texte de droit coutumier dans la société albanaise du Moyen-Âge."

Dans ce texte, on retrouve ce principe de vendetta/vengeance, avec la contrepartie du sang. Il y a une notion de vengeance "transversale". "Si la personne qui nous a fait du mal n’est pas accessible et qu’on ne peut pas exercer notre vendetta directement sur elle ; il existe la possibilité de s’en prendre à une autre personne de sa famille, mais qui doit être du même sang du côté du père", nous explique le spécialiste.  

Attention, le Kanun ne peut s'appliquer au sein de l'habitation de la personne. Cela veut dire que si la personne reste terrée chez elle, on ne peut pas s'en prendre à elle. En Albanie, la loi du Kanun est encore souvent utilisée. "Il y a un an environ, un groupe originaire de Londres a été payé pour venir ici et tuer un homme d'affaires en Albanie, près de 20 ans après, uniquement en raison des lois du Kanun", raconte-t-il. 

"En Albanie, nous avons les lois, la Constitution et le Code pénal. Les lois du Kanun sont très anciennes, mais dans le nord de l'Albanie, vous pouvez trouver quelques familles - même si elles sont peu nombreuses - qui utilisent encore ces lois. Mais gardez à l'esprit que ce ne sont pas des vraies lois, c'est comme quelque chose du passé qu'ils gardent encore", conclut le journaliste spécialisé dans les affaires criminelles.

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