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Décryptage - 25 millions de poulets produits et abattus chaque mois en Belgique: la majorité est exportée chez nos voisins

Les derniers chiffres Statbel sur le nombre d'animaux abattus pour l'alimentation en Belgique sont tombés. Au total en 2023, 26 millions d'animaux ont été abattus par mois. Mais la vedette, c'est le poulet avec plus du trois-quart de ces abattages. La grande majorité est issue de l'élevage intensif chez nous. Mais la plupart de ces poulets ne finissent pas dans nos assiettes... puisqu'ils sont exportés chez nos voisins. Un non-sens pour les associations du bien-être animal comme Gaia. 

En 2023, 26 millions d'animaux ont été abattus par mois pour l'alimentation en Belgique, soit 312 millions sur l'année, d'après les derniers chiffres publiés par Statbel. Des chiffres vertigineux puisque sur ces 312 millions, quelque 300 millions d'animaux sont des poulets. À eux seuls, ils représentent 96% de tous les animaux élevés en Belgique. Ils affichent donc le plus grand nombre d'abattages. Un chiffre qui reste stable d'année en année et qui ne tend pas à diminuer. 

La grande majorité des poulets élevés et abattus dans notre pays sont exportés en Europe et à l'International 

En cause? Les Belges en sont particulièrement friands avec 15,8 kg par personne consommés chaque année, et la demande augmente. Mais pas que... puisque la grande majorité de ces poulets sont exportés chez nos voisins. D'après les chiffres de VLAM (Office Flamand d'Agro-Marketing), le marché le plus important pour le poulet belge est la France, qui détient une part de marché de 39%, suivie par les Pays-Bas (25%), le Royaume-Uni (16%) et l’Allemagne (7%). 

Mais la Belgique exporte aussi son poulet vers les pays africains: la République Démocratique du Congo détient la 6e place, l’Afrique du Sud (7e place) et le Ghana (11e place) enregistrent ces dernières années des exportations en forte croissance. Les Philippines, en 10e position, sont aussi hautement placées dans la liste des marchés d’exportations du poulet belge.

Ainsi, en 2022, la production totale de viande de volaille (poulet, dinde et canards) s'élèvait à 442.000 tonnes en Belgique, d'après l'asbl flamande Fresh from Flanders. Et la grande majorité a été exportée à l'étranger puisque près de 417.000 tonnes ont été vendues principalement en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. La Belgique est même le 10e exportateur mondial de volaille. 

Pour Sébastien de Jonge, directeur des opérations chez Gaia, c'est un non-sens: "On maltraite en Belgique pour exporter... On peut donc tout à fait mieux traiter les poulets sans forcément impacter le marché belge"

90% des poulets abattus en Belgique proviennent d'élevages intensifs 

Car l'autre problème pointé du doigts par plusieurs associations dont Gaia, c'est que plus de 90% des poulets abattus en Belgique proviennent d'élevages intensifs. La majorité de ces poulets proviennent de Flandre qui compte une grande partie des élevages intensifs du pays avec 250 millions de poulets élevés et abattus chaque année. La Wallonie produit les poulets restants, à savoir 50 millions. 

Pour Sébastien de Jonge, "c'est regrettable, ces chiffres font tourner la tête". "Il n'y a aucune avancée au niveau legislatif pour les poulets alors que c'est l'industrie la plus cruelle", pointe-t-il. Dans de nombreuses régions du monde, dont la Belgique, la taille des exploitations a augmenté au fur et à mesure des années afin de pouvoir intensifier la production.

En Flandre, un élevage de poulet compte en moyenne 50.850 animaux. Pour la Wallonie, ce chiffre tombe à environ 25.300 mais reste bien trop élevé. En 30 ans, le nombre de places par exploitation a quadruplé dans notre pays. 

Elevage intensif de poulet © Gaia
Elevage intensif de poulet © Gaia

"C'est de la maltraitance animale industrielle à large échelle", dénonce Gaia. Car dans de tels élevages, les poulets ont "des conditions de vie terribles", explique Sébastien de Jonge. Les poulets sont entassés et ne peuvent pas se déplacer, les hangars sont surpeuplés: on compte en moyenne 23 à 25 poulets par mètre carré, soit un poulet pour une surface équivalente à celle d'une feuille A4 voire moins parfois. Selon plusieurs études scientifiques, il faudrait idéalement limiter la concentration à 11 animaux par mètre carré. 

"Ils ne voient pas la lumière du jour et ne sortent pas. Ils sont aussi dans de mauvaises conditions sanitaires avec par exemple la litière qui n'est pas changée", ajoute-t-il. Pourtant, la loi prévoit que les animaux doivent avoir accès en permanence à une litière sèche et friable, ce qui est loin d'être le cas dans la réalité, d'après les nombreuses enquêtes menées sur le sujet.

Elevage intensif de poulet, les oiseaux beignent dans leurs excréments car la litière n'est pas changée © Gaia
Elevage intensif de poulet, les oiseaux beignent dans leurs excréments car la litière n'est pas changée © Gaia

Les poulets issus d'élevages intensifs sont choisis pour leur génétique: ils grossissent plus vite et sont donc plus rentables 

Pour produire un maximum de viande de poulet en un minimum de temps, le secteur utilise une race spécifique, sélectionnée pour grossir rapidement, et ce dans un objectif de rentabilité. Ainsi, en 40 jours, les oiseaux passent d'un poids corporel de 50g à plus de 2kg en moyenne. Dans les années 50, les poulets n'atteignaient ce poids qu'après 120 jours.

"C'est juste un produit de souffrance, c'est la maltraitance la plus forte", dénonce Sébastien de Jonge. "Les poulets vont grossir plus vite ce qui leur cause divers soucis de santé comme des problèmes articulaires ou des troubles cardiaques", développe-t-il. Une partie des animaux meurt d'ailleurs à cause de ces soucis de santé avant leur âge d'abattage. "Les poulets sont en souffrance phyisque et vivent en plus dans de mauvaises conditions". 

Les poulets issus d'élevages intensifs développent de nombreux soucis de santé © Gaia
Les poulets issus d'élevages intensifs développent de nombreux soucis de santé © Gaia

La qualité du poulet en prend un coup

Cette croissance accélérée a entraîné des problèmes de qualité du poulet. L'asbl Etopia, centre belge de recherche en écologie, détaille sur son site

  • des problèmes répandus de myopathies musculaires telles que la poitrine ligneuse ce qui rend la viande dure et difficile à mâcher ;
  • et les rayures blanches, qui sont en fait la graisse et le collagène qui se figent sur l'extérieur des poitrines de poulet.

"Ces anomalies sont fortement liées à une prise de poids accélérée et à une croissance rapide des muscles de la poitrine chez les races de poulets les plus populaires. L’introduction de races offrant un bien-être plus élevé pourrait réduire considérablement les anomalies de qualité de la viande", peut-on lire sur leur site internet

Alors Gaia demande une réelle réponse politique pour les poulets: "Au niveau législatif, c'est compliqué d’avoir une volonté de changement. On demande un vrai plan au niveau politique pour les poulets de chair. Et au niveau du consommateur, l’information ne passe pas suffisamment, il y a trop de méconnaissance du grand public. Nous, ce qu’on souhaiterait, c’est que le consommateur sache vraiment ce qu’il consomme", précise Sébastien de Jonge. 

Des avancées: le "Better Chicken Commitment", un engagement des grandes enseignes pour le bien-être animal des poulets 

Mais heureusement, il y a des avancées et on évolue vers un mieux, explique Sébastien de Jonge: "La plupart des grandes enseignes comme Carrefour, Delhaize, ou Colruyt se sont engagées d’ici 2026 pour les poulets via le "Better Chicken Commitment", qui est une charte pour mieux traiter les poulets. C'est un énorme pas en avant et on est ravis de voir que les chefs d'entreprise s'engagent". 

Certains fast-foods se sont aussi engagés comme KFC, Burger King ou encore Subway. Par contre, du côté de McDonald, on fait la sourde oreille: "Ils refusent de s'engager", pointe Sébastien de Jonge.

Le "Better Chicken Commitment" prévoit notamment des hangars avec moins de densité, que les poulets puissent sortir et voir la lumière du jour... Voici quelques points de cette charte:  

  • Recourir à des races dont l’intérêt pour le bien-être animal a été démontré ;
  • Respecter des normes plus élevées en ce qui concerne l'environnement des poulets, dont : de la lumière naturelle, complétée si nécessaire pour atteindre au moins 50 lux d’intensité lumineuse. Au moins deux mètres de perchoirs utilisables et deux substrats à picorer pour 1000 oiseaux ;
  • Mettre en œuvre une densité d’élevage maximale de 30kg/m2 ;
  • Aucune cage ou système multi-étages ;
  • Adopter l'étourdissement par atmosphère contrôlée, ou une autre technique qui n'implique pas un accrochage des poulets vivants.

En signant cette charte, les enseignes s'engagent d'ici 2026 à vendre du poulet issus d'élevages qui respectent le bien-être animal.

Des solutions pour éviter les élevages intensifs existent

Sébastien de Jonge est formel: de manière générale, on peut se passer des élevages intensifs. "Il y a déjà des labels où il y a des densités plus larges. C'est un choix de consommation", dénonce-t-il. Un poulet fermier Label Rouge, par exemple, est élevé au minimum 81 jours avant l'abattage, soit deux fois plus longtemps qu'un poulet standard issu de l'élevage intensif. Le poulet bénéficie aussi d'un espace conséquent, avec une densité de 11 poulets maximum par mètre carré (contre 23 en moyenne par mètre carré pour un élevage standard). 

"Un éleveur qui travaille sous le cahier des charges Label Rouge est par définition engagé dans la durabilité et la préservation de l’environnement. Les élevages Label Rouge sont en effet pratiqués dans de vastes parcours extérieurs enherbés, des prairies obligatoirement aménagées de végétaux: arbres, arbustes ou haies", précise Gondola sur son site

Afin de respecter le bien-être animal, il faudrait donc que les élevages de poulets respectent à minima les conditions des élevages Label Rouge. 

La suite des chiffres Statbel

Voici le nombre moyen d'animaux abattus par mois en 2023 par espèce :

  • 25 millions de poulets
  • 780.000 porcs
  • 64.000 bovins
  • 57.000 dindes
  • 6.000 moutons
  • 5.000 unités d’autres types de volailles
  • 3.000 canards
  • 3.000 chèvres
  • 120 chevaux

Les porcs représentent la plus grosse part en poids :

  • Malgré le malaise dans le secteur porcin, celui-ci reste le plus gros contributeur d'animaux abattus avec une part de 58% en termes de poids. Chaque année, il représente 930 millions de kg de poids abattu.
  • Le secteur des poulets contribue à hauteur de 26%, avec 421 millions de kg de poulets abattus soit 421.000 tonnes.
  • Le secteur bovin détient une part de 15% en poids, avec un total de 240 millions de kg de bovins abattus.

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Commentaires

5 commentaires

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  • Est-ce bien raisonnable ? Les agriculteurs et éleveurs bloquent les denrées en provenance d'autres pays, donc, pourquoi produire autant dans de drôle de conditions (pas pour les poulets) et les exporter? Plutôt que d'en faire moins de meilleure qualité ?

    Serge Michaux
     Répondre
  • On manifeste contre l'importation venant de l'étranger, mais nous-même on exporte.

    roger rabbit
     Répondre
  • C'est vrai qu'en France ou je fais la majorité des mes courses et même à Tenerife où nous étions en vacances, on trouve des volailles et fruits belges moins chers qu'en Belgique. Et chez nous c'est l'inverse, bizarre.

    Mick Mick
     Répondre
  • On exporte des poulets et on en importe. Et les agriculteurs rouspètent !

    Roger STEYLS
     Répondre
  • Cela existe depuis trop longtemps cet abominable élevage intensif, attention il y a beaucoup de mensonges dans tout ce qu'on nous racontent, il y a agriculteurs, éleveurs et ils sont pas tous les mêmes.... Méfiance quand vous achetez votre viande, d abord en consommez moins et de meilleure qualité Svp

    Jean Palax
     Répondre