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Décryptage - En Afrique, les homosexuels risquent la peine de mort

Le 28 février dernier, le Parlement du Ghana a adopté un projet de loi durcissant les peines contre l’homosexualité. Toute personne appartenant à la communauté LGBT+ risquera une peine de trois ans de prison, voire beaucoup plus en cas de promotion ou de soutien d’activités LGBT+. Le Ghana rejoint ainsi la cohorte de pays africains qui sanctionnent l’homosexualité, ils sont 31 sur 54. Dont quatre (Somalie, Ouganda, Mauritanie, Nigéria) vont jusqu’à la peine de mort. 

Le vote du Parlement ghanéen doit encore être approuvé par le président ghanéen, mais il ne fait aucun doute qu’il le sera. Le Ghana deviendra ainsi un des États du monde le plus homophobes. Mais en Afrique, il ne fait que suivre un mouvement qui tend à se généraliser. Ainsi, en 2023, l’Ouganda s’est doté d’une loi prévoyant la prison à perpétuité pour homosexualité, et même la peine de mort en cas de récidive. Le Kenya pourrait adopter une loi semblable, et en Tanzanie, qui prévoit déjà une peine incompressible de 20 ans, certains députés réclament la pendaison.

D’après Samira Daoud, la directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, interrogée par Radio France Internationale, "on observe une tendance au durcissement des lois existantes… Au Sénégal, il y a eu en 2022 une tentative d’adopter une loi encore plus répressive à l’égard des personnes LBGT+. Ce texte est d’autant plus inquiétant qu’il pourrait servir de modèle dans la région de l’Afrique de l’Ouest." 

En effet, jusqu’à présent, ces lois sont surtout répandues dans les pays d’Afrique autrefois colonies anglaises. Elles reposent pour l’essentiel sur une réinterprétation de la loi contre la sodomie en vigueur autrefois dans le droit britannique. Une loi abolie en 1967 au Royaume-Uni.

Un discours anti-occidental

Ironie de l’histoire, la plupart des pays africains qui sanctionnent l’homosexualité le font au nom d’une authenticité africaine qui s’affranchirait de l’influence occidentale. Ainsi, pour la présidence du parlement ougandais, "l’Occident ne viendra pas gouverner l’Ouganda." L’idée générale est que l’homosexualité n’existerait pas à l’état naturel en Afrique et qu’elle serait importée de l’Occident.

Cela va parfois très loin. Ainsi, au Burundi, un territoire autrefois sous mandat belge (de 1919 à 1962), le président Evariste Ndayishimye a appelé en décembre dernier à lapider les couples homosexuels. Selon lui, le mariage pour tous est une pratique abominable : "Personnellement, je pense que si on voit ce genre d’individus au Burundi, on devrait les mettre dans un stade et les lapider avec des pierres.

Et ce ne serait pas un péché pour ceux qui le feront !" Pour information, le Burundi n’a aucune tradition musulmane, c’est un pays profondément catholique. 

Heureusement, il y a quelques exceptons. Certains Etats de l’Afrique subsaharienne ont récemment dépénalisé l’homosexualité. L’Angola en 2019, le Gabon en 2020, le Botswana en 2021 et, précurseur en la matière, l’Afrique du Sud, qui a légalisé le mariage pour tous en 2006, bien avant la France. Mais ce sont des exceptions et souvent des terres d’accueil pour les homosexuels des pays voisins, pourchassés, molestés, souvent expulsés de leurs maisons ou licenciés de leur travail à cause de leur orientation sexuelle.   

Dans la fuite, le salut ? 

Nombreux sont les membres de la communauté LGBT+ qui cherchent à obtenir l’asile en Europe pour y vivre en toute sécurité. La persécution pour orientation sexuelle est l’une des causes qui devraient permettre l’obtention du statut de réfugié au même titre que l’origine ethnique, la religion, les opinions politiques, la nationalité ou l’appartenance à un groupe social spécifique. En France, depuis une loi de novembre 2015, l’homosexualité est considérée comme l’appartenance à un groupe social. L’obtention du droit d’asile ne devrait donc pas poser problème pour les membres de la communauté LGBT+ originaires de pays où ils risquent la prison voire la peine capitale.

Mais ce n’est pas si simple, pour obtenir cette reconnaissance, une personne LGBT+ doit démontrer qu’elle a été persécutée ou qu’elle craint d’être persécutée en raison de son orientation sexuelle. Le premier cap à passer, et pour certains le plus difficile, est d’affirmer et de prouver son homosexualité devant des Européens souvent très éloignés des contextes culturels dans lesquels évoluent les candidats réfugiés.

D’autant que ces demandeurs d’asile sont souvent accueillis ou aidés par des compatriotes déjà installés en Europe, mais qui ignorent leur orientation sexuelle, à laquelle ils seront probablement hostiles. Ils se retrouvent ainsi coincés entre l’obligation de prouver leur homosexualité aux autorités européennes et la nécessité de la dissimuler à leur entourage. Sans oublier la pudeur naturelle… Comment prouver l’intime à un fonctionnaire dont souvent, on ne connaît ni la langue, ni la culture ? 

LGBT+, le bouc émissaire idéal

Ceux qui ne tentent pas l’exil cherchent tant bien que mal à survivre dans leurs pays, soit dans la clandestinité, soit dans la lutte. Car malgré les risques, il existe des associations de défense des homosexuels dans les pays où les LGBT+ sont pourchassés. C’est le cas notamment en Ouganda. Ainsi Isaac Mugisha, l’un de ces activistes ougandais, a déclaré à RFI que pour lui, il n’était pas question de "retourner dans le placard … Je ne veux pas abandonner, je veux me battre. Mais choisir de rester revient à dire, je vais bientôt mourir."

Car les forces que lui et les siens affrontent sont impitoyables. Pour de nombreux dirigeants africains, promettre des lois pour réprimer les LGBT+, c’est "accroître sa popularité à moindre coût". Il est plus facile de discriminer les homosexuels que de construire des écoles, des routes et des hôpitaux….    

     


 

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