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Décryptage - Les droits des personnes LGBTQIA+ sont-ils garantis en Belgique? "Il y a un décalage entre les politiques et la société"

Il y a 21 ans, la Belgique a été le deuxième pays d’Europe (après les Pays-Bas) à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Notre pays a depuis été considéré comme étant précurseur en ce qui concerne les droits des personnes LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer, intersexes et asexuelles). Pourtant, même si le cadre légal se développe, la réalité est toute autre. Un rapport donne des chiffres inquiétants sur le niveau de violence et de harcèlement contre la communauté LGBTQIA+, que ce soit en Belgique ou ailleurs en Europe.

L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a mené une grande enquête auprès de 100.000 personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer (personne dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants) et intersexe (personne qui refuse la binarité de sexe) à travers 30 pays.

L'enquête montre des avancées positives dans la lutte pour l'égalité. Notamment sur le fait de pouvoir s'accepter au quotidien. La Belgique se place d'ailleurs au-dessus de la moyenne européenne. 

 

Pourtant, le rapport révèle que les discriminations, le harcèlement et les crimes de haine envers ces populations restent particulièrement préoccupants.

En Belgique, 53% des personnes LGBTQIA+ évitent de se tenir la main en public pour ne pas avoir de problèmes 

Autre fait marquant : lorsqu'il s'agit de faits de violences et de harcèlement, la moyenne belge est supérieure à la moyenne européenne.

J’ai terriblement peur de la montée du discours politique haineux envers notre communauté et en particulier envers les personnes transsexuelles, et sur les conséquences sur les jeunes.

Anonyme, 22 ans

L'étude souligne d'ailleurs l'importance de sensibiliser les jeunes aux problématiques LGBTQIA+, et de leur offrir un environnement sain à l'école. 67% des sondés affirment avoir été harcelés ou ridiculisés par rapport à leur sexualité.

Une de mes collègues lesbiennes est régulièrement attaquée par un groupe de garçons de son quartier, mais elle n’ose pas porter plainte. Malgré mon insistance ou celle de mes collègues, elle ne le fait pas. Nous essayons de Gardez un œil sur elle, mais elle souffre.

Anonyme, 63 ans

Près d'un Belge sur deux, déclare avoir été harcelé durant l'année qui a précédé l'étude.

La Belgique : un modèle imparfait

Même si globalement la Belgique obtient de bons résultats, par rapport à la moyenne européenne, notre pays chute dans le classement européen pour les droits LGBTQIA+. Chaque année, l'ILGA-Europe, l'organisation faîtière des associations européennes LGBTI+, publie sa "Rainbow Map" pour jauger la situation en Europe.

49 pays européens reçoivent une note sur 100, basée sur les droits des personnes LGBTQIA+. Alors qu’en 2023, la Belgique figurait à la deuxième place, cette année, notre pays chute à la troisième place avec 78 points.

Malte arrive en tête de liste pour la neuvième année consécutive. Avec un score de 83 points, l'Islande passe à la deuxième place avec une augmentation de trois places grâce à sa nouvelle législation.

Les trois pays situés en bas de la carte arc-en-ciel sont la Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Il faut voir le verre à moitié plein, mais à moitié vide aussi.

Pour Jean-François Cannoot, coordinateur de la Rainbow House (collectif d'associations francophones et néerlandophones LGBTQIA), ces classements doivent être nuancés : "Il faut bien se demander : qui est précurseur ? Ce sont les formations politiques qui ont permis de voter l'adoption ou encore le mariage entre personnes de même sexe. Mais lorsqu'on analyse la population, ce n'est pas la même chose. Il y a un décalage qui s'accentue entre les avancées politiques et les mentalités de la société belge."

Malgré son classement, la Belgique reste considérée comme un pays libéral concernant les droits des personnes LGBTQIA+ et continue de progresser sur plusieurs domaines. Notre pays a récemment interdit les pratiques de conversion. Ce sont des thérapies qui visent soi-disant à changer l’orientation sexuelle des personnes LGBTQIA+. La nouvelle législation belge prévoit que cela devienne un délit pénal.

Pour Jean-François Cannoot, coordinateur de la Rainbow House (collectif d'associations francophones et néerlandophones LGBTQIA), d'autres enjeux se dessinent pour les années à venir : "L'interdiction des propos homophobes devrait être explicitement incluse dans la Constitution, avec une attention particulière aux faits de discrimination en ligne. L'expression de la haine en ligne est assez problématique. Les questions de racisme et de xénophobie sont reconnues comme délit de presse et ne doivent plus passer en cour d'assises. Les propos racistes ou sexistes peuvent être poursuivis pénalement. Par contre, pour tout ce qui est homophobie, là, ça reste considéré comme un délit de presse et c'est donc soumis à un traitement et une procédure extrêmement longue. Cette distinction, c'est déjà une discrimination.

Autre enjeu, le cas des personnes non binaires et transgenre: "Si on peut considérer, aujourd’hui, que les gays et les lesbiennes sont égaux en droits, tant civils que familiaux, pour les transgenres, ce n’est pas du tout le cas. Chez nous, il existe une loi qui définit pour les personnes transgenres la prise en charge des actes médicaux et psychiatriques ou de changement d’état civil. Mais il reste beaucoup de zones floues, par exemple les intersexués qui ne veulent pas ou ne peuvent pas choisir. On a encore du chemin à faire, alors que d'autres pays sont plus avancés en termes de droits individuels, civils et sociaux pour toutes ces personnes." En effet, certains pays comme Cuba ou le Népal acceptent la notion de "3e sexe" sur les papiers d’État civil.

Oui, on peut être un garçon, porter du vernis à ongles et porter une jupe

Pourtant, le côté législatif ne résout pas tout: "Il y a aussi la prévention et l'éducation, surtout auprès des jeunes. Il faut normaliser les différentes expressions de genre, et relations. Pour l'instant, il y a des progrès mais ce n'est pas suffisant. On a vu avec l'EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) qu'il y a encore une réticence à aborder ces dimensions. Pour avancer, il faut permettre à la jeunesse de cotoyer l'évolution de la société. Oui, on peut être un garçon, porter du vernis à ongles et porter une jupe. Il faut absolument sortir du cadre binaire, dans lequel plein de personnes ne se retrouvent pas. Il faut juste permettre l'expression libre des différentes identités."

 

 

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