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Décryptage - Pourquoi les humains sont-ils dépourvus de leur queue? Des scientifiques ont trouvé la réponse

Depuis des millénaires, c'est une question qui intrigue scientifiques et curieux: pourquoi les humains n'ont-ils pas de queue? Une récente étude américaine nous offre enfin des réponses. Et révèle l'impact d'une mutation génétique survenue il y a environ 25 millions d'années... Une véritable avancée scientifique!

Vous le savez, l'humain est dépourvu de queue, au même titre que ses plus proches cousins, les grands singes aussi appelés "humanoïdes" comme les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans ou encore les bonobos. Les petits singes, eux, ont conservé le privilège de posséder cet appendice.

Alors depuis des millénaires, les scientifiques tentent de trouver des réponses: pourquoi les êtres humains ont-ils perdus leur queue? Si de nombreuses théories ont été étudiées, il manquait un élément: comprendre comment nous l'avons perdue. 

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Une équipe de généticiens américains vient de démontrer récemment que c’est arrivé du jour au lendemain à un primate, il y a 25 millions d’années... Alors que ses parents avaient une queue, lui est né sans. Et c'est ainsi que l'évolution a continué.

C'est ce qu'on apprend dans une étude de la NYU Grossman School of Medicine, publiée dans la revue "Nature" le 28 février dernier. Les humains, mais aussi les grands singes, ont perdu leur queue après une mutation génétique charnière survenue il y a 25 millions d'années. C'est à ce moment-là que notre existence, ainsi que celle de nos plus proches cousins, a pris un tournant majeur, ouvrant la voie à la bipédie (se déplacer sur ses deux membres postérieurs, ndlr).

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Un "gène sauteur" à l'origine de cette mutation génétique

A l'origine de cette mutation génétique: un "gène sauteur", d'après les auteurs de l'étude. Ces "gènes sauteurs" sont en fait des fragments d'ADN capables de se déplacer ou de se copier d'un endroit à un autre sur les chromosomes, comme le définit l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). 

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont analysé près de 140 gènes impliqués dans le développement de la queue chez les animaux et ont ensuite comparé les génomes de 6 primates, incluant les hommes, avec 15 espèces de singes pour essayer d’identifier les différences clés. Et ils ont remarqué que les primates sans queue (humains, chimpanzés, gorilles, etc.) avaient un fragment d’ADN en plus... ce fameux "gène sauteur", le "AluY" !

Ces fragments d'ADN "AluY" se sont déplacés dans le gène TBXT, qui joue un rôle crucial dans la formation de la queue. C'est cette mutation génétique du gène TBXT, survenue il y a 25 millions d'années, qui a causé la perte de notre queue. 

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Schémas sur la mutation génétique qui explique l'absence de queue chez les humains © RTL info, source: Xia, B., Zhang, W., Zhao, G. et al., “On the genetic basis of tail-loss evolution in humans and apes” (2024)

Les chercheurs ont remarqué que cette mutation (l'insertion de fragments d'ADN "AluY" dans le gène TBXT) était absente chez les primates qui possèdent encore une queue aujourd'hui. Cela suggère donc un lien direct entre cette modification génétique et l’absence de queue chez les humains et les grands singes de nos jours. 

Des souris sans queue 

Pour vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont modifié génétiquement des souris avec différentes versions du gène TBXT. Les souris, modifiées génétiquement avec le gène TBXT et le gène sauteur AluY (comme chez l'humain et les grands singes), ont développé des queues plus courtes, voire pas de queue du tout (voir schémas ci-dessous).

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Mutation génétique sur des embryons de souris et résultat de l'étude © Xia, B., Zhang, W., Zhao, G. et al., “On the genetic basis of tail-loss evolution in humans and apes” (2024)

Si cette mutation génétique semble donc bien être à l'origine de notre absence de queue, les chercheurs se montrent prudents. Même si les modifications génétiques ont bien eu une incidence sur la longueur de la queue des souris, les chercheurs notent que les morphologies de queue des souris génétiquement modifiées sont trop différentes pour qu'elles puissent à elles seules expliquer notre coccyx, de taille uniforme.

Il est donc probable que d'autres gènes soient associés à la perte de la queue, estiment les chercheurs. 

Le coccyx, une trace du passé 

Si nous avons perdu notre queue au fil du temps, rappelons qu'à l'état embryonnaire, nous en possédons bien une. Notre queue est visible à partir de la 5e semaine jusqu'à la 8e semaine, où elle disparaît ensuite totalement pour ne laisser que le coccyx, comme un vestige du passé. 

Charles Darwin a été le premier à reconnaître ce changement dans notre ancienne anatomie. Dans son livre "Origine des espèces", publiée en 1859, le naturaliste et paléontologue anglais notait déjà la présence du coccyx chez les humains et les grands singes, qui selon lui constituait "une queue rudimentaire".

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Il arrive d'ailleurs, bien que rarement, que des bébés naissent avec une pseudo-queue composée de muscles, de nerfs, de vaisseaux sanguins et de tissus conjonctifs, mais sans os ni cartilage. Le journal Le Monde relatait un cas similaire en 2021. Ces pseudo-queues ainsi que le coccyx sont cependant les seuls témoins de nos ancêtres munis de queue. 

La perte de la queue, avantage ou inconvénient? 

Mais la mutation génétique à l'origine de la perte de notre queue n'est pas dénuée d’effets secondaires. Les chercheurs se sont rendus compte que cette mutation génétique provoquait parfois des anomalies de la moelle épinière.

Les souris porteuses de la mutation ont ainsi été affectées par davantage de malformations, comme le "spina bifida", qui se traduit par l'absence de fermeture postérieure de la colonne vertébrale. Cette fissure, qui touche environ un nouveau-né pour 1.000 naissances, engendre la formation d'une sorte de poche sur le dos du fœtus et provoque des méningites à répétition et des troubles moteur. Sa cause reste non identifiée aujourd'hui... 

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Schéma de la malformation "spina bifida" © Centers for Disease Control and Prevention via Wikimedia Commons

Il est donc difficile de comprendre quel avantage nous avons bien pu tirer de la perte de queue. Mais il est évident que si cette mutation a perduré, c'est qu'elle présente un intérêt, peut-être en matière de locomotion ou de reproduction.

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