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Décryptage - Racisme, sexisme et homophobie dans nos stades: pourquoi cette hausse de la violence dans le monde du football?

452, c'est le nombre impressionnant de signalements pour discrimination enregistrés par l'Union Belge de football la saison dernière. C'est une hausse de 21% par rapport à la saison précédente. Comment expliquer cette violence dans nos stades ?

Jules n'a que 10 ans, il joue au football à Gosselies depuis 6 ans. Si chaque match est un plaisir, il ne cache pas sa frustration : "Une fois, quand je jouais contre Ciney, il y a des parents qui étaient là, comme si c'était un match de Champions League. Ils se sont énervés sur nous parce que leur équipe perdait", nous raconte-t-il lors d'un entraînement. Malgré les interpellations des coaches, Jules l'admet, "c'est difficile à gérer".

L'administrateur de l'académie et aussi coach Benedetto Cordova est témoin de ces agressions verbales de la part des supporters. Les insultes sont souvent du même ordre : "Surtout, sur leur nationalité et leur couleur de peau", rapporte-t-il. "Il suffit de voir à la télé comment ça fonctionne. C'est vraiment le public qui peut faire des âneries... Quelque chose d'incroyable quoi", regrette Benedetto.

Thelma Boudart est coach dans ce même club et joueuse. Elle aussi, a dû essuyer certaines remarques désagréables. "Quand on se déplace, parfois, il y a des supporters qui insultent, qui disent 'tu ressembles à un garçon', 'tu es homosexuelle'. D'office des préjugés, mais qui ne sont pas agréables à entendre. On est là pour jouer au foot, on n'est pas là en tant que pro. C'est dur d'entendre des choses comme ça", déplore-t-elle.

Le nombre de signalements en hausse

Lors de la saison dernière, l'Union belge de football a recensé pas moins de 452 signalements pour discrimination. C'est une hausse de 21.5% par rapport à la saison précédente, qui était alors de 375. "Ça peut être un supporter, un parent qui crie ou bien qui a un comportement discriminatoire. Ça peut aussi se passer sur le terrain, de coéquipier à coéquipier. Mais souvent, on remarque que ce sont plutôt les personnes au bord du terrain qui ont des propos discriminatoires", détaille Samia Ahrouch, responsable de l'inclusion à l'Union belge.

Sexisme, homophobie, antisémitisme ou islamophobie... Les types de discriminations sont nombreux, mais c'est le racisme qui prédomine. 85% des signalements auprès de l'Union belge concernent des cas de racisme.

Ça a un impact sur la façon dont on se perçoit nous-mêmes et on perçoit les autres

Les agressions verbales de ce type marquent souvent les joueurs, aussi bien amateurs que professionnels, rappelle Samia Ahrouch. "Ça a un réel impact. Je pense que même si on se dit que ça ne fait rien, finalement, ça a quand même un impact sur la façon dont on se perçoit nous-mêmes et on perçoit les autres", assure-t-elle.

Toutefois, les chiffres communiqués pourraient ne pas être représentatifs, car beaucoup d'incidents ne sont pas signalés. "Ça ne veut pas dire que les autres formes de discriminations ne sont pas présentes", nuance Samia Ahrouch. "Peut-être qu'on va moins vouloir ou penser à les signaler, parce que ce sont des choses qui sont trop banalisées dans notre société aujourd'hui. Si quelqu'un dit 'tu n'as rien à faire sur le terrain' ou 'les filles, ça ne joue pas au foot'. Une fille peut avoir tellement entendu ça, qu'elle, ou même les gens autour, ne vont pas penser à réagir. Mais ça aussi, c'est une forme de discrimination", insiste-t-elle.

D'où vient la violence verbale dans les stades ?

Les comportements racistes dans les stades ne datent pas d'hier. "Je crois qu'il faut peut-être remonter aux années 70, en Grande-Bretagne, dans le contexte particulier de cette société qui était en grande difficulté. Apparaissaient alors les premiers joueurs noirs qui étaient originaires des colonies britanniques. Les supporters les prenaient souvent à partie par des insultes, des cris de singe ou des jets de bananes", explique le sociologue de l'ULiège Marco Martiniello. "Ce sont des choses que l'on retrouve aujourd'hui, après 50 ans et c'est assez lamentable"

La nouveauté, que le sociologue juge "préoccupante", c'est que le phénomène semble s'être répandu. "Maintenant, ce qu'on voit, c'est qu'au-delà de ce qui se passe dans le football professionnel, il y a beaucoup de comportements inspirés par le racisme qui sont observables au niveau du football amateur et au niveau des jeunes, notamment", analyse Marco Martiniello.

Il serait étonnant qu'il n'y ait pas d'expression de racisme dans le football

Les agressions verbales, voire physiques, dans les stades ne le surprennent pas, au contraire. "Il serait étonnant qu'il n'y ait pas d'expression de racisme dans le football, puisque le football fait partie de la société". Marco Martiniello confirme cette phrase bien connue : "Le stade est le miroir de la société".

Bien que l'augmentation constatée par l'Union belge soit à nuancer, car elle est basée sur le nombre de signalements et pas du nombre d'agissements, Marco Martiniello n'estime pas que la situation va en s'améliorant : "Je pense que les choses allaient peut-être mieux jusque dans les années 90, peut-être 2000. Maintenant, la situation troublée au niveau mondial, la situation géopolitique mais aussi économique que l'on vit dans tous les pays et notamment dans le nôtre aujourd'hui, expliquent en partie le regain de comportements discriminatoires, du racisme, notamment dans le sport", affirme le professeur à l'ULiège.

On a l'impression qu'il y a un retour de la politique dans certains stades de football

La preuve de cette évolution, c'est le retour de la politique parmi certains groupes de supporters. "Après avoir été longtemps dépolitisés dans les années 80-90, aujourd'hui, on a l'impression qu'il y a un retour de la politique dans certains stades de football. Ils sont influencés par des mouvements d'extrême droite, qui essayent de, en quelque sorte, reprendre possession de certaines tribunes, comme c'était le cas dans les années 70, notamment en Angleterre".

Des mesures de plus en plus mises en place

En revanche, ce qui a aussi évolué, c'est l'attitude des clubs et des fédérations vis-à-vis de ces agissements. L'Union belge a créé, en 2021, l'action "Come Together", afin de combattre "toutes les formes de discrimination" et promouvoir "l'inclusion dans le football belge". C'est dans ce cadre qu'a été mis en place, notamment, le point de signalement, qui est de plus en plus utilisé.

Comment cela fonctionne exactement ? Une fois qu'un signalement a été reçu, la victime est contactée. "On regarde toujours avec la personne la situation et le contexte. Et puis, nous allons regarder s'il y a moyen de mettre une médiation en place ou si des structures dans le club peuvent faire en sorte que ce genre de faits ne se reproduise plus", explique Samia Ahrouch

Lorsque les faits sont estimés plus "graves", le signalement peut être envoyé au "parquet" de la fédération. "Il va faire sa recherche et le transférer à la Chambre Nationale pour la lutte contre la Discrimination et le Racisme (CNDR). Les juges peuvent prononcer des sanctions très sévères, allant de minimum six mois de suspension à deux ans de suspension", ajoute-t-elle.

Les arbitres ont d'ailleurs l'obligation de mentionner dans leurs rapports de match, y compris lorsqu'ils n'en ont pas été eux-mêmes témoins, les incidents racistes, homophobes, sexistes. Leurs signalements filent ensuite à ce "parquet" de la fédération.

Des mesures alternatives

Mais d'autres sanctions existent, moins répressives. 40 % des dossiers traités ont abouti à des "mesures alternatives". L'Union belge les teste depuis un an, avec comme objectif, de changer les mentalités "à travers l'éducation et la sensibilisation". Concrètement, des parcours sont par exemple organisés en collaboration avec la caserne Dossin, l'Africamuseum de Tervuren ou la Rainbow House, à Bruxelles. Certaines personnes se retrouvent obligées de lancer un projet de sensibilisation sur ces thématiques au sein du club. "Je suis convaincue qu'à long terme, on ira beaucoup plus vers un changement de mentalité qu'avec des sanctions pures et dures", estime Samia Ahrouch.

Le monde du football peut faire plus pour contribuer à décrédibiliser le racisme, la violence et le sexisme

Ces efforts sont salués par Marco Martiniello. Il pense tout de même que l'éducation et la répression peuvent aller plus loin encore : "On ne peut pas demander au football de résoudre tous les problèmes de la société, mais je crois que le monde du football peut faire plus pour contribuer à décrédibiliser le racisme, la violence et le sexisme. Une prise de conscience semble avoir eu lieu. Il faut aller beaucoup plus loin".

Et puis, le sociologue insiste sur le fait que la justice doit agir lorsque c'est nécessaire : "Ce n'est pas parce que vous êtes sur un joueur de foot que vous pouvez agresser quelqu'un ou inciter à la haine raciale à l'encontre d'autres joueurs. On voit souvent que le monde du foot essaye d'abord de résoudre ses problèmes en interne. Et ça, ce n'est pas toujours non plus, à mon avis, la meilleure solution", dit Marco Martiniello.

Ce mercredi, l'Union belge a lancé une nouvelle campagne contre les discours haineux en ligne. Plusieurs vidéos de sensibilisation ont été publiées, dans lesquelles Toby Alderweireld et Séverine Parlakou, partagent entre autres leur histoire.

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Commentaires

1 commentaire

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  • beaucoup trop de drogues et d'alcoolisme dans les supporters !! faudrait des contrôles à l'entrée et autour des stades en pré match !!

    abdoule carolo
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