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Déplacer la Joconde ? Trop risqué pour un chef d'oeuvre aussi fragile

Déplacer la Joconde comme l'envisage la ministre de la Culture Françoise Nyssen: une entreprise trop risquée, selon les experts, pour un chef d'oeuvre aussi fragile, icône absolue du Louvre et tableau le plus connu au monde.

La ministre a indiqué jeudi qu'elle allait "étudier sérieusement" un déplacement de ce tableau du début du XVIè siècle dans le cadre d'un "grand plan d'itinérance" d'oeuvres d'art. Elle a rencontré jeudi le président du Louvre Jean-Luc Martinez.

Présentée depuis 2005 derrière une vitre blindée, protégée par un caisson spécial où l'humidité et la température sont contrôlées, "La Gioconda" au célèbre "sourire" voit défiler chaque année des millions de personnes, majoritairement asiatiques. Elle est, avec la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace, l'un des incontournables du plus grand musée du monde (8,1 millions de visiteurs).

Le Louvre a depuis longtemps affirmé qu'un éventuel déplacement de Mona Lisa risquerait de causer des dommages irréversibles à cette oeuvre peinte à l’huile sur un mince panneau de peuplier de 77 cm de haut sur 53 cm de large. Avec le temps, le panneau s’est courbé et présente une fente, visible sur le tableau et qui atteint presque le visage.

Pour le Louvre, La Joconde est l'une des œuvres qui ne pourront plus être déplacées, même à l'intérieur du musée. Ainsi elle ne sera pas exposée dans le cadre de la grande rétrospective que le musée organisera en 2019 pour le cinquième centenaire de la mort de Léonard de Vinci.

La Joconde, dont l'histoire ancienne est très mal documentée, n'a pas quitté la Salle des Etats depuis 1974, année où elle a été exposée au Japon (après un court séjour à Moscou).

Dix ans plus tôt, elle avait traversé l'Atlantique, à l'instigation d'André Malraux, alors ministre de la Culture, et au grand dam des conservateurs du Louvre, obligeant le général de Gaulle à trancher. 1,6 million d'Américains se déplaceront pour admirer, souvent après plusieurs heures d'attente, le portrait supposé de Mona Lisa, exposé pendant trois mois au total, d'abord à la National Gallery of Art à Washington, puis au MoMA de New York.

Ce tableau a connu un épisode dramatique en 1911 lorsqu'il est dérobé par un ouvrier italien aux motivations confuses. la Joconde était loin d'être la star qu'elle est aujourd'hui et sa disparition n'est signalée que plusieurs jours après le vol. Elle sera retrouvée en bon état deux ans plus tard.

- La Tapisserie de Bayeux, un précédent -

Le Louvre possède quatre autres tableaux de Vinci et trois d'entre eux - la "Sainte Anne", "La Belle Ferronnière" et "Saint-Jean Baptiste" ont été restaurés pendant une période de six ans. A quand le tour de "La Joconde" ?. "Ce n'est pas d'actualité", répondent invariablement les responsables du musée.

A l'instar de son auteur, génie de la Renaissance dont on sait peu de choses, l'histoire de La Joconde n'est pas simple: "ni l'identité du modèle, ni la commande du portrait, ni le temps pendant lequel Léonard y travailla, voire le conserva, ni encore les circonstances de son entrée dans la collection royale française ne sont des faits clairement établis", affirme Le Louvre.

Il s'agirait du portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, marchand d'étoffes florentin, dont le nom féminisé lui valut le "surnom" de Gioconda. Léonard l'aurait emporté avec lui en France. À sa mort, le tableau serait entré dans la collection de François Ier.

Françoise Nyssen justifie son projet "grand plan sur l'itinérance" par la nécessité de "lutter contre la ségrégation culturelle", l'un de ses objectifs politiques.

Aux fortes réticences des conservateurs et experts sur un éventuel déplacement, elle répond: il y a eu "la même réaction quand on a proposé de sortir la Tapisserie de Bayeux". L'Elysée a décidé de prêter cette tapisserie à la Grande-Bretagne en 2022 à l'occasion d'importants travaux de restauration du musée qui l'abrite.

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