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En Ukraine, les Roms en état de siège

Des vêtements tachés de sang gisent autour de tentes, avec des jouets et des chaussures d'enfants. Ce camp rom de l'ouest de l'Ukraine a été la cible d'une attaque meurtrière, dernier épisode en date d'une série de violences contre cette communauté.

Le 23 juin, une dizaine d'assaillants cagoulés, armés de bâtons et de couteaux, a attaqué le camp près de la ville de Lviv, tuant un homme de 24 ans et blessant quatre autres personnes dont un enfant, selon les autorités ukrainiennes.

Au total, depuis avril, plus de six attaques similaires ont visé des camps de Roms situés près de Kiev et dans l'ouest du pays, faisant à chaque fois plusieurs blessés.

Les victimes de la dernière attaque vivent désormais dans un refuge temporaire offert par les autorités de Lviv. Traumatisés, ils refusent de discuter avec des journalistes.

Avec l'aide d'un prêtre proche de la communauté rom, des journalistes de l'AFP ont pu accéder à un autre camp, caché dans une des forêts près de Lviv. Bien que difficile d'accès, le camp, qui abrite quatre familles, a lui aussi été victime d'une violente attaque, début mai.

"Ils nous ont d'abord jeté des pierres. Puis ils nous ont attaqué avec des bâtons. Ils frappaient tout le monde, même les enfants", raconte à l'AFP Micha, 34 ans, à la silhouette élancée et aux cheveux noirs.

Puis "ils ont mis le feu au camp. Les enfants se sont cachés tels des souris dans les buissons", se souvient Klara, 39 ans, mère de huit enfants.

"Nous avons très peur de nouvelles attaques. Nous ne savons pas si nous pouvons rester ici", ajoute-t-elle, les larmes aux yeux et son nourrisson au sein.

- Ultranationalistes -

Après l'attaque du 23 juin, la police a détenu huit personnes, dont sept mineurs, âgés entre 16 et 17 ans. L'organisateur présumé de ce raid a 20 ans.

Selon la police, les suspects font partie d'un groupuscule intitulé "Sobre et en colère", lié au bataillon Azov de volontaires, le plus souvent ultranationalistes, qui combattent les séparatistes prorusses dans l'est du pays.

Le groupuscule accumule aussi des références avec les symboles fascistes, intitulant par exemple sa chaîne Youtube "Lemberg Jugend" (la Jeunesse de Lviv, en allemand), semblant s'inspirer des Jeunesses hitlériennes.

La chaîne, qui a été supprimée depuis l'attaque, diffusait des vidéos reprenant les symboles du mouvement néo-nazi d'extrême-droite "Division misanthrope".

Le groupuscule a aussi posté des slogans et des images inspirés de l'idéologie nazie sur sa chaîne Telegram, où quelques dizaines d'abonnés suivaient leurs publications.

- Protection policière -

En avril, un autre groupe d'extrême-droite, C14, a lancé des pierres et pulvérisé du gaz contre des Roms installés dans un parc de Kiev. Ils ont ensuite mis le feu aux tentes, selon la police.

Les Roms faisaient "des feux de camps et coupaient des arbres", ils volaient les habitants du quartier, affirme Evguen Karas, à la tête de C14. Le groupuscule a agi "en réaction à une violation de la loi", assure-t-il.

Pour justifier leurs attaques, les ultranationalistes accusent les Roms de vols, explique une femme rom de 55 ans, prénommée Klara et vivant dans le camp dans la forêt près de Lviv.

"Mais nous ne volons rien. Nous expulsons du camp ceux qui volent", assure-t-elle. "Pourquoi la police n'attrape-t-elle pas ceux qui volent ?"

Depuis l'attaque du 23 juin, les camps de Roms ont tous été placés sous protection policière, selon les forces de l'ordre.

Mais pour les militants d'organisation de défense des droits de l'Homme, les autorités, par leur inaction, ont donné aux agresseurs le sentiment qu'ils pouvaient s'en prendre aux Roms en toute impunité.

"Quand les agresseurs voient que personne n'est tenu responsable, ils continuent à agir de la sorte", soupire Zola Kondur, vice-présidente d'une fondation rom en Ukraine.

Le problème dépasse les seules attaques, dit-elle: les autorités doivent aider les Roms à trouver du travail, à améliorer leurs conditions de vie et faciliter l'accès à l'éducation des enfants, plaide-t-elle. L'Ukraine a besoin d'"une attitude amicale envers (...) les différentes minorités ethniques", martèle-t-elle.

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