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L'ONU a appelé samedi à la fin des violences en Irak, au cinquième jour d'un mouvement de contestation marqué par la mort de près de 100 personnes, en grande majorité des manifestants, et qui réclame le départ du gouvernement accusé de corruption.
De nouvelles manifestations ont eu lieu dans l'après-midi et en soirée dans différents quartiers de Bagdad et dans des villes du sud du pays.
Les forces de sécurité ont dispersé un important rassemblement dans l'est de la capitale, où les manifestants ont fait face à des tirs à balles réelles et de gaz lacrymogènes, selon des correspondants de l'AFP.
Dans le sud du pays, des protestataires ont mis le feu au QG de six partis politiques à Nassiriya. Des milliers de personnes ont aussi défilé dans les rues de Diwaniya, où de nombreux tirs ont été entendus.
"Cinq jours de morts et de blessés (...) Il faut que ça cesse (...) J'appelle toutes les parties à s'arrêter et à réfléchir", a écrit Jeanine Hennis-Plasschaert, cheffe de la mission de l'ONU en Irak, sur Twitter.
- "Rendre des comptes" -
"Ceux qui sont responsables des violences doivent rendre des comptes", a-t-elle ajouté.
Selon un dernier bilan de la commission gouvernementale des droits de l'Homme irakienne, la mort de cinq nouveaux manifestants porte à 99 le nombre de personnes tuées en cinq jours, en grande majorité des protestataires. Environ 4.000 personnes ont été blessées.
La plupart des manifestants tués l'ont été par balles, selon des sources médicales, qui avaient indiqué vendredi que six policiers étaient morts depuis le début des manifestations.
Né d'appels sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation proteste contre la corruption, le chômage et la déliquescence des services publics dans un pays en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable, et sorti fin 2017 --avec la proclamation de la victoire sur le groupe jihadiste Etat islamique-- de près de quatre décennies de conflits.
Il constitue le premier test pour le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, en place depuis à peine un an.
Un couvre-feu décrété à Bagdad dans la nuit de mercredi à jeudi a été levé samedi à l'aube, et les magasins ont rouvert dans différents quartiers. Les rues menant à la place Tahrir d'où est partie la contestation étaient néanmoins toujours bouclées par un important déploiement des forces de l'ordre et de véhicules blindés.
"Si les conditions de vie ne s'améliorent pas, la contestation reprendra de plus belle", a prévenu samedi Abou Salah, 70 ans, avant les nouvelles manifestations.
Les autorités ont réclamé du temps aux manifestants pour mettre en place des réformes afin d'améliorer les conditions de vie des 40 millions d'habitants.
Le taux de chômage chez les jeunes est de 25%, soit deux fois celui de l'ensemble de la population active, selon la Banque mondiale.
Une réunion du Parlement consacrée à la crise ne s'est pas tenue comme prévu samedi faute de quorum, les 54 députés de la coalition de l'influent leader chiite Moqtada Sadr, premier bloc à l'assemblée, ayant décidé de la boycotter avec d'autres formations.
Lors d'une conférence de presse, le président du Parlement, entouré de quelques députés, a promis une longue liste de réformes, notamment sur le chômage, mais ces engagements avaient peu de chances de calmer les manifestants, tant la classe politique est discréditée.
Moqtada Sadr, dont la coalition participe au gouvernement, a repris vendredi à son compte la principale revendication des manifestants et appelé le gouvernement à démissionner "pour empêcher davantage d'effusion du sang". Il aussi appelé à "des élections anticipées sous supervision de l'ONU".
- "Antisystème" -
Spontané, le mouvement est présenté par les manifestants comme "non partisan", par opposition aux précédentes mobilisations partisanes, tribales ou confessionnelles.
"Personne ne nous représente (...) On ne veut plus des partis, on ne veut plus de personne qui parle en notre nom", a lancé vendredi un manifestant à l'AFP.
Les responsables irakiens, pour beaucoup aux affaires depuis 2003 après la chute de Saddam Hussein, ont vu se dresser devant eux un phénomène inédit, explique Fanar Haddad, spécialiste de l'Irak.
"Ce sont des manifestations antisystème", affirme-t-il, qui diffèrent des traditionnels défilés pour réclamer électricité ou eau potable, dans un pays pourtant 5e producteur et exportateur mondial de pétrole.
"C'est la première fois", ajoute le chercheur, "qu'on entend des gens réclamer la chute du régime", qui repose sur une répartition confessionnelle et ethnique des postes et a créé népotisme et clientélisme.
Ce qui peut désormais les satisfaire ce sont "des changements majeurs et des décisions radicales, comme le limogeage de grands noms de la politique accusés de corruption", assure à l'AFP Sarmad al-Bayati, expert en questions sécuritaires.