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"La chute du gouvernement afghan est une victoire pour les milieux islamistes": Didier Leroy livre son analyse sur une possible attaque terroriste à Kaboul

L'aéroport de Kaboul est pour l'instant contrôlé par 6.000 soldats Américains. Dans les rues alentours, des postes de contrôles et des patrouilles des talibans lourdement armés sèment la panique. Selon les Etats-Unis et l'Union Européenne, l'aéroport pourrait être la cible d'une attaque terroriste du groupe Etat Islamique. Le spécialiste de l'Afghanistan et de l'E.I, Didier Leroy, chercheur à l'école royale militaire et l'ULB, était l'invité du RTL INFO 13h pour livrer son analyse sur la situation. 

Pourquoi doit-on craindre une attaque de l'Etat Islamique sur l'aéroport de Kaboul? 

On redoute cela sur base d'un bilan fait par les troupes américaines qui sont bien placées pour faire ce genre d'évaluation. Ce n'est pas non plus contre intuitif de redouter que l'acteur Etat Islamique trouve ici une belle opportunité pour faire parler de lui. A travers ces dernières années, la mouvance Daeshiste, si je puis dire, n'a pas super collé manifestement, autant qu'on aurait pu le redouter, au sein de la société afghane comme a pu percoler la mouvance Al-Qaédiste qui a toujours ses liens avec l'acteur taliban. 

Ici on a un contexte de débâcle américaine, qui est déjà une victoire en soit, depuis la perspective djihadiste de l'EI. Et voilà une gigantesque cible molle, les "soft target" que sont ces civils amassés aux abords de l'aéroport qui pourrait très facilement être ciblés et donc, générer une formidable caisse de résonnance étant donné aussi la condensation de journalistes internationaux qui se trouvent actuellement à Kaboul. 

Les talibans sont des islamistes intégristes, le groupe Etat Islamique aussi, alors pourquoi s'attaquer entre eux? 

Le paysage islamiste est extrêmement hétérogène. Dans le cas de la situation afghane actuellement, on a bien entendu l'acteur taliban qui est sunnite, islamiste, djihadiste, en phase avec Al-Qaïda, c'est notoire, qui s'est fait félicité par des mouvances islamo-fréristes (salafistes) comme ça a été le cas au départ du Soudan notamment, mais qui ne peut pas trop se rapprocher de l'acteur Daesh, Etat Islamique, puisque celui-ci est en porte à faux manu militari sur différentes zones de guerre avec Al-Qaïda.

Et aussi pour des raisons surtout de clash d'ego: c'est des leaders qui entre eux se sont montrés en confrontation notamment sur le territoire syrien. Cette rupture, qui a aussi des dimensions idéologiques, se retrouve aux quatre coins du monde musulmans là où il y a des Etats affaiblis et donc des affrontements. C'est le cas au Sahel notamment où on a eu des maigres signes de réalignement entre ces deux mouvances rivales.

Mais d'une manière générale, on a un rift ici qui est assez prégnant, il faut aussi se rendre compte que les talibans, s'ils commençaient à flirter un peu trop avec le groupe Etat Islamique, ils se mettraient toute la communauté internationale à dos puisque Daesh n'a jamais été là pour se faire des copains. 

Il y a un risque effectivement un risque sur l'aéroport de Kaboul mais doit-on craindre des répercussions en Occident voire en Europe par exemple? 

La chute du gouvernement afghan tel que pensé par la présence américaine, est une victoire en soit pour les milieux islamistes, en tout cas dans les grandes lignes. Voilà ce qui redonne du baume au coeur aux djihadistes de tout poil. Ca c'est une certitude. 

Maintenant, l'acteur Daesh a tellement fait l'objet d'une obsession sécuritaire par les acteurs occidentaux notamment, qu'il est extrêmement affaibli. C'est toujours le cas en Irak et en Syrie où il est présent, il mène des attaques au quotidien, mais de faible intensités, et le groupe attend que son moment réapparaisse. 

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