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La torture et les détentions "inhumaines" en Syrie en procès en Allemagne

Des coups de pied, de câble électrique, des électrochocs, des détenus jetés dans des cellules surpeuplées dans des conditions "inhumaines": la justice allemande s'est penchée jeudi sur les tortures attribuées au régime de Bachar al-Assad, à l'ouverture d'un procès historique de deux anciens membres présumés des services de renseignement syriens.

Anwar Raslan, 57 ans, présenté comme un ancien colonel de la Sûreté de l’État ayant déserté en 2012, répond depuis jeudi de crime contre l'humanité devant la Haute Cour régionale de Coblence pour le premier procès au monde des exactions attribuées au régime de Damas depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.

La justice allemande l'accuse d'être responsable de la mort de 58 personnes et de la torture de 4.000 autres dans le centre de détention d'Al-Khatib dit aussi branche 251, à Damas entre le 29 avril 2011 et le 7 septembre 2012.

A côté de lui dans le box des accusés, Eyad al-Gharib, 43 ans, le visage en partie couvert par une capuche et un masque de protection, est jugé pour complicité de crime contre l'humanité notamment pour son rôle dans l'arrestation et l'emprisonnement de 30 personnes à l'issue d'une manifestation à l'automne 2011 à Douma, dans la banlieue de Damas.

Visage impassible, barré de fines lunettes, le principal accusé, qui dirigeait le service "enquêtes" des renseignements intérieurs, n'a pas souhaité s'exprimer mais indiqué par l'intermédiaire de son avocat qu'il livrerait une déclaration écrite "sous peu".

- 'Rôle central' -

Placé comme l'ensemble de la salle derrière une vitre en plexiglas en raison de la pandémie de coronavirus, le procureur Jasper Klinge a assuré que cet ancien militaire, arrivé en Allemagne comme demandeur d'asile le 26 septembre 2014, "connaissait l'ampleur des tortures" perpétrées dans le centre de détention dont il avait la charge, insistant sur le "rôle central" des services de renseignement dans la répression sanglante du soulèvement populaire à partir de mars 2011.

Les meurtres de détenus dans cette prison "251, située dans le nord de la rue de Bagdad à Damas" ont "été perpétrés sous sa direction et sa responsabilité" afin d'extorquer "des aveux et des informations sur l'opposition", selon l'accusation.

Le procureur a qualifié les conditions de détention d'"inhumaines", décrivant des cellules de "50 m2 dans lesquelles s'agglutinaient 140 prisonniers dans une chaleur incroyable" et qui ne pouvaient ni s'asseoir, ni s'allonger.

Devant six des nombreuses victimes qui se sont portées partie civile, le procureur a aussi évoqué les électrochocs auxquels ont été soumis les détenus, notamment une femme arrêtée en mai 2011 à Damas. Au cours d'un interrogatoire, elle sera également violée.

- Récit effroyable -

Pendant près d'une heure, la Cour a ainsi écouté le récit effroyable des horreurs qu'ont vécues 24 anciens détenus qui ont témoigné devant les enquêteurs allemands. C'est notamment sur la base de leurs déclarations que des poursuites ont pu être engagées.

Pour juger ces deux Syriens, l'Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un État de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l'endroit où ils ont été commis.

Auparavant le procureur était revenu sur les débuts du soulèvement populaire en mars 2015, d'abord dans la ville de Deraa puis à Damas, dans le sillage des printemps arabes en Tunisie et en Egypte.

Il a souligné la répression "de plus en plus brutale" des manifestations, avec des morts, puis le basculement dans "un conflit armé", qui a fait 380.000 morts en neuf ans et jeté des millions de Syriens sur les routes de l'exil. Quelque 700.000 d'entre eux ont trouvé refuge en Allemagne.

A l'issue de la première journée d'audience, les parties civiles ont exprimé leur désir de voir enfin une justice rendue pour ces crimes.

"C'est la première fois que je fais l'expérience d'un procès équitable. Nous voulons révéler la vérité sur la torture en Syrie qui continue encore aujourd'hui", a confié le Syrien Hussein Ghrer, ancien détenu d'Al-Khatib

"Ce procès est aussi important pour ceux qui sont encore en prison ou sont morts, pour rétablir leur dignité", a salué une autre victime, Wassim Mukdad.

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