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La sélection du jury dans le procès du meurtre de l'Afro-Américain George Floyd s'est terminée mardi à Minneapolis, ouvrant la voie aux débats de fond dans ce dossier historique.
"Nous avons quinze jurés, quatorze siégeront", a déclaré le juge Peter Cahill après onze jours d'interrogatoires serrés, qui ont illustré la difficulté de constituer un jury impartial dans cette affaire extrêmement médiatisée.
Reflétant la diversité de la métropole du nord des Etats-Unis, ce panel compte quatre personnes noires, dont deux immigrés, et deux personnes métisses. Seuls douze d'entre eux rendront le verdict, les autres sont suppléants en cas d'imprévu.
Ils devront se prononcer à l'unanimité sur la culpabilité du policier blanc Derek Chauvin qui, le 25 mai, est resté agenouillé sur le cou de M. Floyd, quadragénaire noir, pendant près de neuf minutes.
Les débats de fond, qui seront scrutés avec attention aux Etats-Unis, commenceront lundi et devraient durer trois ou quatre semaines. Les jurés se retireront alors pour délibérer sur les trois chefs d'inculpation retenus, dont meurtre et homicide involontaire.
Aux Etats-Unis, les poursuites contre des policiers pour des violences commises dans l'exercice de leur fonction sont très rares et les condamnations encore plus rares.
Ce procès est donc vu comme un test pour la justice américaine après l'immense mobilisation contre le racisme et les violences policières, qui a suivi la mort de George Floyd.
- "Corrompus" -
Dans ce contexte, le choix de jurés impartiaux a relevé de la gageure.
Pendant deux semaines, une centaine de citoyens tirés au sort ont été soumis à un feu roulant de questions, au 18e étage d'une tour fermée au public et entourée de mesures de sécurité exceptionnelles. Malgré la présence de caméras dans la salle d'audience, leur anonymat a été préservé.
Remis en libertés sous caution, Derek Chauvin a suivi les échanges avec attention, prenant consciencieusement des notes et échangeant fréquemment en aparté avec son avocat Eric Nelson.
Certains jurés potentiels ont demandé à être exclus, submergés par l'importance des enjeux ou pour des raisons personnelles. D'autres ont assumé avoir déjà formé leur opinion, et ont immédiatement été écartés.
La plupart se sont dits capables d'être "justes et impartiaux". Eric Nelson et le procureur Steve Schleicher ont alors tenté de débusquer leurs préjugés inavoués.
Que pensez-vous de la police ? Des grandes manifestations de l'été ? Du mouvement Black Lives Matter (Les vies noires comptent) ?
L'interrogatoire a souvent pris des accents politiques et les avis tranchés -- "les policiers sont tous corrompus" ou les violences contre les suspects noirs "sont toutes politisées" -- ont valu à leurs auteurs d'être remerciés.
Deux jurés, qui avaient passé un premier filtre, ont finalement été exclus après un accord entre la mairie de Minneapolis et la famille de George Floyd, qui recevra 27 millions dollars de dédommagement pour sa mort. "Cela envoie le message que la ville sent qu'il s'est passé quelque chose de mal", avait commenté l'un d'eux.
- "Voir dire" -
A une exception, tous les jurés sélectionnés ont admis avoir vu des portions ou toute la vidéo du calvaire de l'Afro-Américain, filmée par une passante. "Je n'ai pas pu la regarder en entier, ça m'a trop perturbée", a reconnu une quinquagénaire blanche. "Ça aurait pu être moi", a dit un immigré noir francophone.
Mais tous ont exprimé des opinions nuancées. "Les policiers prennent toutes sortes de décisions. Des bonnes et des mauvaises, certaines réfléchies, d'autres par réflexe", a ainsi déclaré une grand-mère afro-américaine.
La phase d'examen des jurés potentiels, dite "voir dire", permet aux parties d'écarter "les dangers potentiels pour leur cause" mais aussi de tester leurs arguments, avait expliqué à l'AFP Steve Tuller, un consultant spécialisé dans cet exercice, à l'ouverture du procès.
De fait, Eric Nelson a sous-entendu à plusieurs reprises que la cause de la mort de George Floyd n'était pas établie. Il compte plaider que l'Afro-Américain est mort d'une overdose au fentanyl.
L'autopsie a montré qu'il avait consommé cet opiacé de synthèse, mais identifié la "compression de son cou" comme cause de la mort.
L'accusation soutiendra pour sa part que Derek Chauvin a fait un usage excessif de la force en connaissance de cause.