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Le président Ashraf Ghani, symbole de la faillite de l'Afghanistan

Le président Ashraf Ghani, qui a fui l'Afghanistan dimanche peu avant l'entrée des talibans dans Kaboul, est un économiste longtemps présenté comme un expert en États faillis, mais qui sera devenu en quelques années l'image même de la faillite de son pays, en dépit de l'aide internationale.

Se disant convaincu que "d'innombrables patriotes auraient été tués et que Kaboul aurait été détruite" s'il était resté en Afghanistan, Ashraf Ghani, 72 ans, s'est envolé pour une destination inconnue, reconnaissant que "les talibans ont gagné" dans un message posté sur Facebook.

Le groupe de médias afghan Tolo a suggéré qu'il s'était rendu au Tadjikistan.

Après avoir été élu en 2014 et réélu en 2019 sur la promesse de redresser l'Afghanistan et d'en finir avec la corruption qui gangrénait le pays, il n'aura finalement tenu aucune de ces deux promesses et aura été contraint de quitter le pouvoir, à l'issue d'une offensive éclair des talibans, qui ont pris le contrôle de toutes les grandes villes du pays en dix jours.

Ashraf Ghani a grandi en Afghanistan, avant de s'exiler en 1977 aux États-Unis, où il étudie à l'université Columbia de New York, pour devenir professeur de sciences politiques et d'anthropologie dans les années 1980. Il entre ensuite à la Banque Mondiale en 1991.

Il revient en Afghanistan juste après la chute des talibans à la fin 2001, d'abord comme conseiller spécial de l'ONU avant de devenir un des architectes du gouvernement d'intérim.

Entre 2002 et 2004, il est le très actif ministre des Finances du président Hamid Karzaï, installant une nouvelle monnaie, réformant la fiscalité, encourageant la diaspora afghane à revenir au pays et assurant le lien avec les bailleurs de fonds internationaux qui financent le gouvernement.

- Reclus dans son palais -

Il y fait également campagne contre la corruption qui gangrène les nouvelles institutions du pays, et gagne une réputation d'homme inflexible mais aussi parfois caractériel.

"Il n'a jamais laissé personne l'approcher de trop près", a écrit l'essayiste pakistanais Ahmed Rashid qui le connaît depuis près de trente ans. Malheureusement, ses fréquentes explosions de colère et son arrogance vis-à-vis de ses compatriotes afghans ont fait de lui un personnage détesté".

Après avoir largement échoué lors de l'élection présidentielle de 2009, où il n'arrive que quatrième avec moins de 3% des voix, Ashraf Ghani fait campagne en 2014 sur fond de polémique.

Il choisit parmi ses deux colistiers le très controversé Abdul Rashid Dostom, chef de guerre accusé d'avoir fait massacrer de centaines de prisonniers talibans en 2001.

Loin d'être donné gagnant après le premier tour, où il n'obtient que 31,6% des voix, loin derrière les 45% réunis par son adversaire Abdullah Abdullah, il sort finalement largement vainqueur du second tour (55% des votes) d'un scrutin entaché d'irrégularités.

Son accession au pouvoir se fera via un accord de partage du pouvoir avec M. Abdullah, devenu chef d'un gouvernement d'unité nationale sous l'égide de Washington.

Il est réélu en 2019, avec 50,64% des voix au premier tour, mais son élection est là encore contestée.

- "Marionnette" -

Avant de se lancer dans la course présidentielle, M. Ghani supervisait le transfert de responsabilité des troupes de la coalition de l'Otan aux forces afghanes.

Ses relations avec Washington, qui promettaient d'être bonnes, se sont envenimées après que les États-Unis ont décidé d'entamer des négociations bilatérales avec les talibans à Doha.

L'allié américain l'a exclu de ces pourparlers en raison du refus des talibans de le voir y prendre part, avant de le forcer à libérer 5.000 insurgés dans le cadre de ces négociations de paix qui n'auront jamais abouti.

Toutes ses offres de paix, à l'exception d'un éphémère cessez-le-feu en juin 2018, marquant la fin du ramadan, ont été refusées par les rebelles, qui qualifient son gouvernement de "marionnette" de Washington.

Ghani avait appelé à combattre les talibans "pendant des générations" si les pourparlers de paix devaient échouer, dans un pays entré en guerre il y a plus de quarante ans.

Marié à Rula, d'origine chrétienne maronite libanaise, rencontrée alors qu'il étudiait à l'université américaine de Beyrouth et avec qui il a eu deux enfants, Ghani avait récemment vaincu un cancer de l'estomac.

"Je ne compte pas mener une vie isolée", avait-il dit à l'AFP avant de devenir président. Mais il aura finalement fait le contraire, restant de plus en plus reclus dans son palais, où il ne faisait plus confiance qu'à une poignée de collaborateurs.

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