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Les circassiennes très visibles sous chapiteau, moins dans la programmation

Des spectacles explorant le féminin, une génération libérée des clichés de genre: dans le cirque contemporain, les circassiennes brillent plus que jamais, même si les créatrices restent encore moins programmées.

Les pôles nationaux cirque programment des spectacles mis en piste par 70% d'hommes contre 30% de femmes, regrette un récent rapport du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles). Pourtant le milieu, qui a fait sa mue dès les années 70, ne manque pas de pépites et poids-lourds féminins.

Dans "La Nuit du Cirque", organisée jusqu'à dimanche, 26 des 88 spectacles sont conçus et/ou mis en scène par des femmes, 12 sont portés par un duo homme/femme.

Parmi eux, "Les 4 femmes de Dieu" de la Compagnie Mona Lisa --une réflexion intime sur la femme par quatre circassiennes-- "#BalanceTonCorps", sur les stéréotypes de genre avec Sandrine Juglair, une tête d'affiche, ou encore "Dickpole" qui réunit pole dance et travestissement.

Y est programmée Jeanne Mordoj, qui avait fait sensation en 2007 avec son solo "Eloge du Poil", où elle interrogeait la féminité et jonglait avec de faux seins.

"Il y a eu un énorme changement: les jeunes générations sont beaucoup plus égales en termes d'énergie dans le travail, dans leur positionnement, qu'à mon époque où il y avait une vraie différence, et ça c'est magnifique à voir", dit-elle.

A l'Académie Fratellini, qui a succédé à l'Ecole Nationale du Cirque créée par la célèbre clown Annie Fratellini et Pierre Etaix en 1974, elle répète avec deux apprentis une création où ils construisent avec virtuosité des espaces à partir de boîtes à cigares. "La création n'a pas de sexe", souligne l'artiste à l'AFP.

- Une présence exponentielle? -

Le cirque contemporain est né avec la disparition progressive des numéros animaliers, la théâtralisation du spectacle, le mélange des genres, l'introduction de nouveaux agrès, la substitution du chapiteau par une salle souvent frontale.

"Il y a eu une autre révolution", explique Yveline Rapeau, seule femme à diriger deux Pôles Cirque (à Cherbourg et Elbeuf). "Les agrès étaient assez genrés, certains étaient réservés aux hommes, les filles étaient surtout trapézistes et voltigeuses. Puis elles ont donné un coup de pied dans la porte et ont dit +moi aussi je peux faire un spectacle avec les sangles, la trampoline, la roue Cyr ou le mât chinois".

"Dans la tradition, l'homme porte la fille, on ne voyait pas des femmes porter des femmes, on les voit maintenant. Ces cinq, dix ans, il y a une accélération", ajoute-t-elle.

Une accélération aussi au niveau de l'écriture des spectacles, même si elles restent moins programmées.

"On ne peut pas tout révolutionner en même temps; je pense que ça va être exponentiel", affirme Yveline Rapeau. "Il y a des programmateurs qui ne se posent pas la question. Moi je les programme, sans rien céder sur l'excellence ou la qualité".

Elle avait ainsi repéré en 2019 Inbal Ben Haïm, qui a créé "Pli", où elle est suspendue à des morceaux de papier qu'elle noue sur scène. L'artiste de 30 ans dit avoir été accompagnée "presque entièrement par des femmes" dans sa carrière.

Si certains comme le collectif Les Tenaces, créé en 2018 sous le slogan #féministonslecirque, demandent la parité dans les programmations, Valérie Fratellini, directrice adjointe et pédagogique de l'Académie et fille d'Annie, estime qu'il faut "donner du temps au temps".

"Mais à nous de leur dire +on va t'aider avec des cours d'écriture, des rencontres avec des metteurs en scène+", dit-elle.

Au sein de la Compagnie XY, actuellement à La Villette avec "Möbius", un spectacle de portés acrobatiques à couper le souffle entre femmes et hommes, Airelle Caen, acrobate, voltigeuse, et co-fondatrice, estime que le collectif a dépassé la question de genre et contourne les problèmes liés au gabarit des circassiennes.

"Tout n'est pas une question de force; il n'y a rien d'impossible. Mais j'espère que (le milieu) va se réinventer encore et se libérer" des derniers clichés.

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