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Les ex-députés, entre amertume et volonté de rebondir

La défaite dans les urnes, "ce n'est pas un cauchemar, mais c’est la vraie vie": comme Sonia Krimi, quelque 300 députés font leurs adieux au Palais Bourbon, battus ou n'ayant pas sollicité de nouveau mandat.

La rupture est brutale avec cinq années de navettes entre les ors de l'hémicycle et leurs circonscriptions, et se mêlent déception voire colère, soulagement, volonté de rebondir, de retrouver la vie d'avant ou de prendre un peu de recul.

Alors qu'ils étaient nombreux dans la majorité à considérer leur mandat comme un "job" en 2017, certains alors novices ont pris goût à la politique et promettent de rester investis. "Comptez sur moi pour ne rien lâcher", assure l'un, battu de justesse face au RN.

En attendant, l'immédiat ressemble à un licenciement express. "On vient à l’Assemblée, on vide son bureau, on salue tout le personnel, on passe voir si on a droit au chômage, et on découvre que l’on a droit à la moitié de son salaire", ce qui permet "de respirer avant de retourner à la vie professionnelle", constate quant à elle Sonia Krimi, LREM défaite dimanche au second tour dans la Manche.

Les députés sortants peuvent toucher une allocation chômage, calquée sur celle du régime des salariés.

La diplômée en économie et management constate qu'on ne l'a pas oubliée. "Je ne m’attendais pas à recevoir autant de coups de fil avec des propositions de jobs, et là j’ai dit +laissez-moi respirer un peu, parce que je sors de cinq ans d’émotion+".

Mireille Robert, une autre élue du camp présidentiel, battue au premier tour, se dit "finalement très soulagée" de retrouver sa vie d'avant, auprès de son mari viticulteur dans l'Aude.

Car avec la poussée de la gauche radicale et de l'extrême droite, "les cinq prochaines (années) vont être très difficiles" dans l'hémicycle.

Un départ qu'elle dit "sans amertume": la vie de député, c'est "un travail considérable, pour au final peu de reconnaissance".

Après cinq années où elle n'a "pris que 15 jours de vacances et lu que des rapports", Mme Robert se dit impatiente de retrouver son travail de professeur des écoles.

La sexagénaire, "mamie depuis six mois", veut aussi reprendre le chant et le taï-chi, une gymnastique traditionnelle chinoise. "Je vais pouvoir cultiver mon jardin", intérieur et extérieur, se réjouit-elle.

- "La politique, terminé" -

Paula Forteza, élue des Français d'Amérique latine qui ne se représentait pas, a déjà tourné la page. "Prête pour de nouvelles aventures!": l'ancienne cheffe d'entreprise, en rupture de ban avec LREM, a publié sur Twitter une carte "d'ancienne députée" et une photo d'elle souriante avec son bébé, né durant la législature.

Le médiatique écologiste Matthieu Orphelin affirme ne pas regretter la vie de député - il ne s'est d'ailleurs pas représenté.

Mais sa première initiative d'ex-élu a consisté à organiser, avec 35 scientifiques, une formation aux enjeux environnementaux et climatiques pour les nouveaux députés, à deux pas du Palais Bourbon.

"La politique, c’est terminé pour au moins cinq à dix ans", promet-il. "Je veux changer de mode de combat, j'ai envie de revenir au monde militant" associatif, dit l'ancien ingénieur. Sa nouvelle place est déjà trouvée, il vient d'être nommé directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). "Un rêve de gosse, j'ai monté mon premier club nature à 10 ans", se réjouit-il.

L'amertume est plus forte du côté des politiques professionnels battus, surtout si, comme l'ancien ministre de l'Intérieur et ex-patron des députés LREM Christophe Castaner, leur échec symbolise le vote sanction infligé au président Macron.

Le désormais ancien député des Alpes-de-Haute-Provence a le goût des haïkus, ces brefs poèmes japonais évoquant choses et sentiments dans un style savamment codifié.

Plutôt qu'un long discours, l'ancien pilier de l'hémicycle vient d'en publier un sur Instagram, sybillin:

"Tourne la page. D'un souffle de vent chafouin. L'été s'annonce".

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