Accueil Actu

Localiser, surveiller, sauver: le Cross Gris-Nez, veilleur des migrants en mer

"Quelle est votre position? Combien d'enfants à bord? Allô? Allô? Monsieur?": au Cross Gris-Nez, qui pilote le sauvetage en mer, un opérateur traite un nouvel appel d'un migrant tentant de rallier l'Angleterre. Sur le bateau, les enfants sont malades, il veut de l'aide.

La conversation, en anglais, est hachée. "Où êtes-vous? Envoyez-moi une photo. Êtes-vous d'accord pour rentrer en France?", demande l'opérateur depuis la grande salle vitrée, au pied du phare du Cap Gris-Nez face aux côtes anglaises.

Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross), déclenche finalement les sauveteurs en mer de Berck-sur-Mer pour secourir l'embarcation.

Cette fin de nuit, les deux opérateurs du "pôle sauvetage" ont les yeux fixés sur une kyrielle d'écrans pour surveiller au plus près le détroit du Pas-de-Calais. En prévention, un remorqueur et deux patrouilleurs sont mobilisés.

Chaque embarcation avec son heure de détection, sa localisation, sa description ou encore le nombre de passagers ou s'ils ont des gilets de sauvetage est aussi répertoriée sur un écran géant. Les informations proviennent des appels de migrants, des signalements d'autres bateaux, des associations....

Le jour se lève, le brouillard cache les falaises de Douvres. Les appels téléphoniques s'emballent, venant parfois de la même embarcation. Il faut recouper les informations, un "renfort migrants" est appelé.

- "Veuillez nous accompagner" -

"Quel est le problème ?", "Le moteur fonctionne ?", "Avez-vous besoin d’assistance ?", les questions fusent.

Dès lors qu'un départ est identifié, "on s'assure que les personnes en mer ne risquent pas leur vie", résume Marc Bonnafous, directeur du Cross. Chaque alerte fait l'objet "d'une analyse poussée" pour "prioriser" les "opérations de sauvetage".

Un travail "délicat" car ces embarcations clandestines, fragiles et surchargées, sont "difficiles à localiser", souligne Véronique Magnin, porte-parole de la préfecture maritime de la Manche et mer du Nord.

Les migrants "savent comment fonctionne le sauvetage en mer", affirme-t-elle. Parfois, "ils nous appellent pour se signaler en détresse mais veulent seulement être escortés jusqu'aux eaux britanniques". Certains le font dès le départ, dans l'espoir de sécuriser leur traversée d'une dizaine d'heures.

Comme ce migrant qui apparaît sur la messagerie WhatsApp du Cross: "S’il vous plaît, nous sommes en mer. Nous avons besoin de votre aide. Veuillez nous accompagner".

Si les migrants ne demandent pas d’assistance "on ne les contraint pas, on s'approche, on regarde s'ils ont des gilets de sauvetage, une route cohérente, si l’embarcation flotte bien" et "on surveille" jusqu'au relais des Britanniques, indique Mme Magnin.

- "On ne fait pas la police" -

A terre, "les forces de sécurité intérieure font de la lutte contre l’immigration clandestine, en mer on ne fait que du sauvetage", insiste Marc Bonnafous. "Nous sommes le Samu de la mer, on ne fait pas la police", on a "suffisamment de naufrages pour ne pas créer de risques supplémentaires".

Depuis les premières traversées en 2016, le directeur souligne "l'industrialisation" du phénomène, avec des bateaux "de plus de 12 mètres chargés de 30 à 50 personnes". Au moins 28.395 migrants ont ainsi rallié les côtes anglaises en 2021, selon les chiffres britanniques.

Depuis quatre ans, "plus de 50.000 migrants ont été secourus" dans le détroit, précise M. Bonnafous, leur prise en charge occupant désormais majoritairement le Cross, chargé de la sécurité des bateaux français à travers le globe.

Mais la traversée, périlleuse, prend aussi des vies: en 2021, 38 migrants sont morts, dont 27 dans un même naufrage le 24 novembre, qui a profondément marqué le Cross.

M. Bonnafous se souvient de l'appel du préfet maritime: "Ca y est, ce qu'on redoutait est arrivé".

Ce jour-là "il y a eu plus de 40 opérations de sauvetage côté français, tous les appels ont été enregistrés, tous les enregistrements ont été communiqués à la justice", affirme-t-il.

"Nous n'avons pas pu déterminer si les gens qui ont fait naufrage nous avaient appelés car on n'a pas leur numéro. Mais ce jour-là, tous les appels reçus ont été traités", assure-t-il, alors qu'une enquête se poursuit sur les circonstances du drame.

À lire aussi

Sélectionné pour vous