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Fatoumata Diawara, afro-pop et cause des femmes

"Trouver de belles mélodies pour passer des messages": la chanteuse malienne Fatoumata Diawara dresse un pont entre musique traditionnelle africaine et pop anglo-saxonne pour y faire traverser ses combats, comme celui contre l'excision.

Une chanson peut-elle faire évoluer les mentalités ? C'est oui pour l'artiste qui sort le 12 mai "London Ko", contraction de Londres et Bamako, clin d'œil à sa complicité avec Damon Albarn, cerveau anglais de Blur et Gorillaz, collaborateur sur cet album.

Un jour, pour un documentaire, Fatoumata Diawara aborde le thème des mutilations génitales avec une quinzaine de femmes dans un village malien.

"Elles étaient surprises que quelqu'un leur parle de ça dans un lieu public, en plus devant une caméra, elles étaient bloquées, alors j'ai pris ma guitare, j'ai chanté mon expérience, crié ma souffrance, elles l'ont entendue, puis on a pu en parler", raconte-t-elle à l'AFP, rencontrée à Paris.

Le plus intéressant, c'est la réaction d'un homme, le chauffeur qui la raccompagne après le tournage. "Il m'a dit, +au début je t'ai détesté quand tu as parlé de ça, mais depuis votre discussion entre femmes, je ne suis plus la même personne+", se souvient la chanteuse, qui avait failli succomber à son excision, enfant.

- "Une personne, puis dix" -

"Je le sais, il ne fera pas exciser sa fille: c'est la puissance de la musique, on touche une personne, puis dix, puis une centaine, ainsi de suite, petit à petit", souffle la quadragénaire.

L'excision, en Afrique et ailleurs, est au cœur de la chanson "Sete", en langue bambara, avec un chœur d'enfants de Brooklyn pour des couplets en anglais à portée internationale.

D'autres causes défilent. "Seguen", contre la domination masculine au sein du couple, "Moussoya" pour la place centrale de la femme dans la société, trop souvent minorée.

Le tout sans accent dramatique. "London Ko" veut faire vibrer, danser, et penser dans un même mouvement. D'autres thèmes sont plus légers comme "Mogokan", ode à l'amitié.

Des amis de Fatoumata Diawara, on en trouve sur ce disque, comme Matthieu Chedid, dit -M-, qui pose sa voix sur "Massa Den". La Malienne et le Français ont déjà travaillé ensemble, notamment sur l'album "Lamomali" (2017), du nom d'un collectif créé à l'initiative de -M-.

Et puis, il y a le titre "Nsera", où l'on retrouve celui qu'elle appelle son "frère", Damon Albarn, qu'elle connaît via le projet Africa Express monté par l'Anglais pour épauler des artistes africains.

- "A vie entre nous" -

"La connexion a été assez flagrante tout de suite avec Matthieu, Damon ça a pris un petit peu plus de temps, mais tous deux m'ont respectée tout de suite", décrypte-t-elle.

"Parfois, certains mecs avec qui tu travailles te font comprendre qu'à leurs yeux, tu n'es +qu'une femme, donc tu vas faire les chœurs+, avec eux, non, Matthieu et Damon te mettent au même niveau qu'eux, entre compositeurs".

Damon Albarn n'a cessé de solliciter Fatoumata Diawara, que ce soit pour le tube "Désolé" de Gorillaz, ou pour d'autres pas de côté. Comme l'opéra-pop "Le vol du Boli" co-crée avec le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako (la chanteuse joue dans son film "Timbuktu").

"Pour +Le vol du Boli+, ça faisait deux ans que Damon et Abderrahmane travaillaient sur le projet quand ils m'ont contactée pour me dire +on veut le faire avec toi, on attendra dix ans s'il le faut, si ce n'est pas toi, on ne le fait pas+".

Albarn est si content du résultat qu'il propose ses services à la chanteuse pour le futur "London Ko". L'Anglais co-signe et co-produit au total 6 des 14 titres.

"Et Abderrahmane va sortir un film et veut absolument que je chante dessus; avec eux, il y a toujours une suite, c'est à vie entre nous", conclut l'artiste.

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