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"Montons un groupe animé": en discutant il y a plus de 20 ans avec son colocataire Damon Albarn, leader de Blur, Jamie Hewlett est passé de la BD aux visuels de Gorillaz, machine à hits incarnée virtuellement.
On doit au quinquagénaire anglais les traits des avatars des musiciens -- baptisés Murdoc, Noodle, Russel et 2D -- dans les clips animés. Hewlett, avec son comparse Albarn, détermine aussi la thématique des albums.
"Plastic Beach" (2010) fut ainsi dédié à la cause environnementale, tandis que "Cracker Island" (2023), 8e et dernier opus sorti, dénonce repli sur soi et réalité manipulée.
"Avec Damon, on parlait des réseaux sociaux mais pas assez pour faire un album, puis on a parlé des cultes, ces nouveaux cultes sous l'ère Trump, Fox News (chaîne conservatrice) ou QAnon (nébuleuse complotiste)", raconte à l'AFP Hewlett, de passage à Paris.
Les deux compères imaginent alors que "Gorillaz a fui le Brexit, un Royaume-Uni à genoux, pour s'installer à Los Angeles". "Et quand Murdoc regarde au-dessus de la grille, il voit ses voisins, une secte guidée par une belle jeune femme. Pour la séduire, il dit au groupe: +formons un culte+", déroule le dessinateur qui vit en France, en Normandie, avec sa femme, l'actrice et l'animatrice télé Emma de Caunes.
- Rembarré par Keith Richards -
Morale de l'histoire, l'ambition du gourou Murdoc "est si ridicule qu'il vaut mieux laisser tomber les cultes et investir dans l'autre, se rencontrer".
Les rencontres, c'est tout Gorillaz, invitant à chaque fois des voix différentes. Stevie Nicks, chanteuse de Fleetwood Mac, ou Beck figurent sur "Cracker Island".
Comme la dégaine de Murdoc, sorte de zombie roublard, s'inspire de Keith Richards, ne faudrait-il pas convier un jour le guitariste des Rolling Stones ? "On l'a approché, il a dit: +Quoi ? Gorillaz ? Allez-vous faire foutre !+", s'esclaffe Hewlett, connu dans sa première vie comme auteur de la BD culte "Tank Girl".
Lou Reed, qui chante sur "Plastic Beach", avait rembarré Hewlett avec les mêmes termes en le voyant la première fois. Reed ne voulait qu'Albarn en studio mais l'interprète de "Walk On The Wild Side" s'est ensuite adouci. "Le public est devenu dingue quand Lou est apparu sur scène avec Gorillaz au Madison Square Garden, lui qui ne sortait plus de l'Etat de New York est même venu avec nous à Los Angeles", se souvient Hewlett.
"Dans les loges, Lou a tapé paume contre paume avec Mos Def, Bobby Womack et m'a même dit: +ça fait plaisir de te voir, j'aime comment tu m'as dessiné+, alors qu'il avait dit +jamais+ au début".
- "Qui d'autre aurait pu faire ça ?" -
Le concept de Gorillaz fait des envieux. "Dès notre second album (+Demon Days+, 2005), une autre maison de disques a voulu son groupe animé, avec un chien cool et un chat groovy, mais c'était préfabriqué, avec des gens censés être les meilleurs dans leur branche mais sans lien entre eux", raille Hewlett.
"Ils ont laissé tomber, c'était de la merde. Nous, on est bons car on est amis depuis longtemps avec Damon et nos invités deviennent des amis". Beck est désormais un habitué.
"Qui d'autre aurait pu faire ça ?", fait mine de s'interroger Hewlett. "Ah, si, Daft Punk, ils étaient cool, quelle idée géniale de ne jamais révéler qui ils étaient vraiment !"
Pour la première interview de Gorillaz en 2001, le magazine britannique Dazed & Confused joue le jeu avec les avatars du groupe qui s'expriment sur plusieurs pages, avec pour seules illustrations les dessins de Hewlett. Même si Albarn sera rapidement démasqué par d'autres médias.
"On est amis avec Banksy - je ne dirai pas son vrai nom - et, dans les soirées où il est, personne ne fait attention à lui et lui s'en fout, il ne dit pas qui il est. Ce genre de personne me redonne foi en l'humanité", conclut Hewlett.