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A Paris, le système de collecte "hybride" des déchets mis à mal par la grève

Moitié privé, moitié public, le système historique de collecte des déchets à Paris est mis à mal par la grève contre la réforme des retraites, les arrondissements gérés par les agents de la mairie étant plus touchés que les autres.

Pour qui remonte la rue de Belleville (nord-est) depuis le début de la grève reconductible, le 6 mars, le constat est frappant: côté gauche, celui du XIXe arrondissement, la situation est sous contrôle, tandis que les ordures s'entassent à même le sol côté droit, où débute le XXe arrondissement.

Dans le premier, la collecte des déchets est assurée par un prestataire privé, tandis que les agents de la Ville sont chargés du second.

Un contraste qui se répète ailleurs dans la capitale. Au point que la maire (Horizons) Delphine Bürkli du IXe arrondissement, lui aussi en régie et très touché par le mouvement, a appelé à la "solidarité entre arrondissements" pour mutualiser les moyens.

En temps normal, c'est un équilibre parfait: les services municipaux assurent la collecte dans la moitié des arrondissements, tandis qu'une poignée d'opérateurs privés se partagent l'autre moitié.

Un compromis qui remonte à l'époque de Jacques Chirac, premier maire élu de la capitale en 1977, année d'une "grève géante de la CGT", se souvient Philippe Goujon, un de ses anciens adjoints.

"Il a dit: +plus jamais ça+, et fait cette réforme assez habile", résume l'actuel maire LR du XVe arrondissement, interrogé par l'AFP.

"Paradoxe" de cet "héritage", reconnaît l'élu LR David Alphand, "les arrondissements de droite sont davantage orientés vers la régie", tandis que ceux du Nord-Est parisien, fiefs de la gauche, sont aux mains d'entreprises privées.

- "Système à deux vitesses" -

Même si des salariés des entreprises privées sont aussi "en grève" contre la réforme des retraites, souligne l'adjointe (PS) à la propreté Colombe Brossel, le débat est relancé.

"Ce système à deux vitesses n'a que trop duré", lance le maire LR du XVIIe arrondissement Geoffroy Boulard qui demande "la privatisation" du service dans son secteur, pétition à l'appui.

"Personne ne comprend rien" à cette "organisation hybride" désormais "complètement inéquitable", a fustigé en Conseil de Paris Delphine Bürkli, demandant une remise à plat.

"Régie totale", lui a répondu l'élu communiste Nicolas Bonnet-Oulaldj avant que la maire socialiste Anne Hidalgo ne mette fin au suspense.

"Je ne reviendrai pas sur ce modèle très intelligent inventé à l'époque par Jacques Chirac", a déclaré l'ex-candidate du PS à la présidentielle, pour qui ce "modèle souple" a permis de "mutualiser des moyens pour répondre à des situations qui pouvaient avoir un impact sanitaire devant des écoles, des crèches..."

La campagne des élections municipales de 2026 va-t-elle relancer le débat?

Autre élu Horizons, Pierre-Yves Bournazel, favorable à la délégation au privé, souligne que la Chambre régionale des comptes a, en 2011 et 2017, "préconisé" la privatisation qui permettrait un "coût de la collecte à la tonne plus faible" et un "meilleur niveau de performance" du service.

- "Réaffecter" les agents? -

Et à droite, si la probable candidate Rachida Dati ne s'est pas personnellement exprimée en ce sens, les maires de son groupe ont réclamé dès 2021 "l'externalisation de cette collecte à des entreprises privées comme aux acteurs de l'économie solidaire et durable" afin de "réaffecter près de 700 agents sur le nettoyage des rues".

En faisant adopter un "pacte parisien de proximité", Anne Hidalgo avait alors promis plus de moyens pour les maires d'arrondissement, notamment pour la propreté.

Mais la demande de Geoffroy Boulard de pouvoir utiliser cette enveloppe en recourant à une collecte privée, dès le début de la grève, est restée lettre morte parce que la maire "soutient le mouvement social", retient-il.

La menace d'un basculement vers le privé, Mohammed Touati, chauffeur de camion-benne et délégué CGT, a "toujours entendu ça" depuis 20 ans qu'il officie.

L'équilibre public-privé, qui "se passe bien en temps normal", a été choisi "pour qu'au moins la moitié de Paris soit ramassée" en temps de grève, résume le gréviste, qui juge irréaliste de vouloir "récupérer tous les arrondissements" en régie.

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