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Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin met la barre à droite en défendant un maintien de l'ordre musclé face à des manifestants qu'il classe à "l'ultragauche", relançant les spéculations sur ses ambitions alors qu'Elisabeth Borne sort affaiblie du 49.3 sur les retraites.
L'alliance de la gauche au sein de la Nupes "prend la pente de cette ultragauche des années 1970" qui posait des bombes, a même dénoncé dans le JDD le locataire de la place Beauvau.
Gérald Darmanin explique voir "une complaisance très inquiétante des mouvements politiques" à l'Assemblée à l’égard des violences qui ont éclaté dans de récentes manifestations, et refuse de "céder au terrorisme intellectuel de l'extrême gauche qui consiste à renverser les valeurs: les casseurs deviendraient les agressés et les policiers les agresseurs".
De quoi faire bondir l’opposition, à l’instar du député et coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard, qui a critiqué lundi les "outrances" du ministre de l'Intérieur, assurant que LFI n'est "pas d'extrême gauche".
Pour lui Gérald Darmanin est d’abord "en campagne" pour "remplacer (Elisabeth) Borne à Matignon".
Il la "joue Premier ministre fin de mandat" et "a réussi à avoir la confiance des parlementaires, ce qui était son point faible dans le mandat précédent", analysait, avant même la crise des retraites, un cadre de la majorité.
- "Faim" -
En l'occurrence pendant que Mme Borne multipliait les concertations politiques et syndicales sur sa réforme contestée des retraites, l'ancien député UMP issu du courant "droite populaire" cultivait sa proximité avec la droite, recevant régulièrement des députés y compris de son ancienne famille politique, pour préparer notamment la loi immigration.
"Ceux qui parlent avec les LR, c’est (Gérald) Darmanin et (Sébastien) Lecornu" note un député Renaissance.
Un atout pour M. Darmanin, tant la droite est la clé des votes à l'Assemblée où le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative.
"Gérald, il a passé le statut de traitre" aux yeux de LR, "il est compatible", avance un ministre qui le soutient et pousse pour un profil plus "politique" à Matignon afin de "faire passer des réformes".
L'intéressé rappelle sa pensée politique, le "gaullisme social", dans la Revue des Deux mondes d'avril, en hommage à l'ancien ministre Philippe Séguin: "ferme sur l'autorité" et "social sur l'économie".
Gérald Darmanin est aussi un proche de l'ex-président Nicolas Sarkozy qui plaide pour un accord entre Emmanuel Macron et LR.
Mais ses détracteurs le jugent trop "clivant", il est honni par les féministes. "C'est un homme de coups. Il n'a pas de profondeur", glisse un conseiller ministériel.
Gérald Darmanin "c'est un homme de pouvoir qui aime le pouvoir, et qui a encore faim", estime un élu macroniste. Pourtant l'intéressé se défend d'être "candidat à aucun autre poste".
- "Tableau Excel" -
"Nous avons une très bonne Première ministre qui est courageuse et qui a une énorme qualité: elle fait passer l’intérêt général devant son intérêt particulier", a-t-il appuyé dimanche en souhaitant qu’elle "reste" à Matignon.
Il estime même dans le JDD qu’il "vaudrait mieux l'aider que de lui mettre des peaux de banane".
N'a-t-il pas lui-même accompagné Elisabeth Borne dans son fief du Nord début février pour échanger avec des salariés sur les retraites ?
C'est lui qui a alors pris le micro pour répondre aux questions les plus arides.
Une offre de service qui masque mal les critiques voilées.
Le gouvernement "a parfois un petit côté tableau Excel qui explique aux gens de quoi ils ont besoin sans les écouter", a-t-il déploré sur RTL vendredi, alors que la Première ministre, polytechnicienne, est perçue comme très "techno".
Sans le dire publiquement, il aurait aussi préféré un vote sur la réforme, plutôt que le 49.3, qui a attisé la contestation et fragilisé Elisabeth Borne.
D'autres divergences affleurent. Celui qui trouvait Marine Le Pen "un peu molle", ne veut pas choisir "entre la peste et le choléra", soit LFI et le RN, tandis que la Première ministre refuse de mettre un signe égal entre les deux partis.
Et quand Elisabeth Borne dit à sa ministre Marlène Schiappa que "ce n’est pas du tout approprié" dans le contexte de poser dans PlayBoy, Gérald Darmanin affirme avec ironie qu’"être une femme libérée, ce n'est pas si facile".