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Le meurtrier présumé du journaliste mexicain Javier Valdez - spécialiste reconnu du narcotrafic et pigiste pour l'AFP - assassiné en mai 2017, a été arrêté, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur mexicain, Alfonso Navarrete.
"Tout à l'heure, ils ont arrêté l'auteur présumé du meurtre du journaliste Javier Valdez, qui a malheureusement perdu la vie l'année dernière à Sinaloa", a écrit M. Navarrete sur son compte Twitter.
Les porte-parole du ministère de l'Intérieur n'ont pas fourni plus de détails sur cette interpellation conduite conjointement par la police et le parquet.
Ce journaliste réputé, âgé de 50 ans, a été tué le 15 mai 2017 en plein jour près de son bureau à Culiacan dans l'Etat de Sinaloa (nord-ouest), fief du cartel du narcotrafiquant Joaquin "El Chapo" Guzman, désormais incarcéré aux Etats-Unis.
"S'il est démontré qu'il s'agit réellement du coupable, nous aurons besoin de savoir pourquoi ils l'ont tué, et surtout qui a donné l'ordre" a commenté à l'AFP Griselda Valdez, la veuve du journaliste, après l'annonce de cette arrestation.
"Il va s'agir d'un travail très long, et nous exigerons d'avoir beaucoup de détails" prévient cette femme qui a, pour des raisons de sécurité, été contrainte de quitter l'Etat de Sinaloa avec son fils pour s'installer dans la capitale.
"Evidemment, je me mets à imaginer qu'il est possible que ce crime soit résolu" poursuit-elle.
Correspondant du quotidien La Jornada et cofondateur de l'hebdomadaire Riodoce, Javier Valdez était pigiste depuis une décennie pour l'AFP.
Il couvrait notamment la guerre de succession au sein du cartel de Sinaloa depuis l'extradition en janvier 2017 vers les États-Unis de Joaquin "El Chapo" Guzman.
Son travail d'investigation sur le narcotrafic lui avait valu d'être distingué par le comité de protection des journalistes (CPJ) en 2011 à New York.
- Grand frère à l'éternel chapeau -
Valdez était une figure, avec son éternel chapeau sur la tête et sa chronique hebdomadaire "Mala Yerba" (Mauvaise herbe) mêlant journalisme et prose.
Doté d'un sens de l'humour à toute épreuve, ce journaliste prolifique était l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Con una granada en la boca" ("Une grenade dans la bouche") et de "Miss Narco".
Toujours prêt à aider les journalistes de passage, il aimait aussi transmettre son métier aux plus jeunes.
"Vous devez sortir dans la rue. Vous n'allez pas vous contenter de répéter ce que disent les fonctionnaires. Vous devez enquêter", répétait le professeur à ses élèves, a raconté peu après sa mort Karen Bravo, désormais reporter sur une chaîne de télévision locale.
"Ce n'était pas un professeur, c'était un grand frère, un ami dans la salle de classe" selon cette jeune journaliste.
Javier Valdez paraissait parfois téméraire à vouloir publier toutes les enquêtes, mais jamais irresponsable, indiquait de son côté son ami Andres Villareal, chef des informations de Riodoce.
Dans son travail quotidien, pour arriver à la version finale de son texte, "il était très prudent, très exhaustif".
Pour sa chronique, il avait développé "cette combinaison entre le travail journalistique d'investigation et la prose", en racontant de petites histoires de narco sous la forme de fictions, raconte le directeur de Riodoce, Ismael Bojorquez.
Lorsqu'on est journaliste, "on ne peut pas ne pas parler de narcotrafic dans un Etat comme le Sinaloa", selon Bojorquez, même si l'on doit chaque jour surmonter sa peur.
- Prix Breach-Valdez -
Depuis l'assassinat de Valdez, plusieurs initiatives ont vu le jour au Mexique pour perpétuer sa mémoire, exiger l'arrestation des coupables ou encore soutenir les journalistes mexicains.
Fin mars, l'ONU et l'AFP ont annoncé le lancement d'un prix annuel de journalisme à la mémoire de la reporter Miroslava Breach et de Javier Valdez, tous deux assassinés en 2017 dans ce pays.
Le prix Breach-Valdez, auquel sont également associés l'Unesco et l'ambassade de France au Mexique, vise à "reconnaître la carrière de journalistes mexicains qui se sont distingués dans la défense des droits de l'homme".
Il sera remis le 3 mai à Mexico, à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse.
Plus de 100 journalistes ont été tués au Mexique depuis 2000, selon les associations de défense de la liberté d'expression.
En 2017, au moins 11 d'entre-eux ont été tués dans le pays, selon l'ONG Reporters sans frontière.