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En ville ou à la campagne, l'étonnant succès de la collecte nationale d'armes non déclarées

"Cette opération, c'est idéal": dans son appartement parisien, Nicolas a posé en évidence sur la table du salon un vieux pistolet de la Seconde guerre mondiale retrouvé au fond d'un placard, que la police est venue chercher après un simple coup de fil.

Sa grand-mère avait découvert l'arme, rouillée et manifestement inutilisable, "en creusant un trou dans son jardin des Landes (sud-ouest) il y a une dizaine ou une quinzaine d'années", raconte Nicolas, 36 ans, qui souhaite conserver l'anonymat.

Elle n'en avait jamais reparlé et c'est en rangeant ses affaires après son décès, il y a quelques mois, que Nicolas était tombé dessus. Sans savoir quoi en faire.

L'opération nationale d'abandon - ou d'enregistrement - d'armes illégales, coordonnée par le ministère de l'Intérieur jusqu'au 2 décembre, est tombée à point nommée. Sans elle, se débarrasser du pistolet "n'aurait pas fait partie des priorités", reconnaît le jeune homme.

D'autant qu'à Paris ou dans sa petite couronne, pas besoin de se déplacer. Pour éviter que trop d'armes circulent en ville, ce sont les policiers qui le font. En l'occurrence, chez la défunte grand-mère de Nicolas, deux fonctionnaires de l'unité de police administrative (UPA) du commissariat du 20ème arrondissement.

Les vérifications d'usage faites, ils remettent au jeune homme un "formulaire simplifié d'abandon d'arme" puis repartent avec le pistolet. Il rejoindra une armoire sécurisée du commissariat avant d'être détruit.

- "Cinq à six millions d'armes" -

L'enjeu est de taille. En France, cinq millions de particuliers possèdent légalement des armes à feu mais il existerait "cinq à six millions d'armes non déclarées", explique Jean-Simon Merandat, chef du Service central des armes et explosifs (SCAE) du ministère de l'Intérieur.

Le plus souvent, ce sont des armes héritées. Entreposées "à la cave, dans le grenier ou un placard", elles sont "souvent non sécurisées", donc dangereuses et sources d'accidents domestiques.

"Le deuxième enjeu (de cette opération), ce sont les vols. Huit mille armes sont volées chaque année dans des cambriolages", reprend Jean-Simon Merandat, qui évoque aussi la lutte contre les violences intra-familiales.

Première en France, la campagne a surpris par son succès. Comme l' avait été une campagne similaire ciblée en martinique en 2014.

Pour son premier jour, vendredi, la minuscule salle de la préfecture de police centralisant les appels parisiens résonnait du bruit ininterrompu des sonneries de téléphones, au point qu'une troisième opératrice a dû être ajoutée à la hâte.

Même constat en province. "C'est un succès auquel on ne s'attendait pas. On a doublé, puis triplé les effectifs", a assuré mardi le préfet délégué pour la défense et la sécurité dans le Rhône, Ivan Bouchier, durant un déplacement au commissariat central de Lyon.

Dans les locaux lyonnais, une quarantaine de personnes patientent, majoritairement des hommes âgés. Parmi eux Eric Jarillot, 62 ans, déjà venu samedi mais qui avait alors fait demi-tour: "Trop de monde".

Il sort de son sac un antique fusil qui tient du mousquet... "Il doit dater au moins de la guerre de Sécession, je n'étais pas né la dernière fois qu'on a tiré avec, c'est sûr! Il était dans la maison de campagne de mes beaux-parents", rigole-t-il.

- "Raisons sentimentales" -

Dans les zones rurales, la campagne est menée avec plus de souplesse: chacun peut se déplacer avec son arme, direction les commissariats ou un des 300 sites ouverts en France pour l'opération.

Au commissariat de Cahors (Lot), Julien Ilbert, vigneron de 42 ans, est venu déclarer son fusil de chasse. "Je le tiens de mon grand-père. Il me l'a offert, avec mon père, quand j'avais 16 ans. Jusqu'à présent, il était dans un angle de la maison à prendre la poussière. Je ne m'en sers pas mais voudrais le garder pour des raisons sentimentales", explique-t-il.

Jean Sablayrolles, un retraité de 74 ans, est lui resté quelques minutes dans le sas du commissariat avec un fusil de chasse dont il souhaitait se débarrasser, enroulé dans une couverture.

"Le fusil était à mon grand-père. Il n'a pas servi depuis 50 ans. Je l'ai récupéré lors d'un déménagement. Depuis, il m'encombrait plus qu'autre chose", déclare-t-il après avoir déposé l'arme.

Une centaine de kilomètres à l'est, au commissariat de Rodez (Aveyron), les fonctionnaires de police pensaient "récupérer beaucoup de vieux fusils" mais avaient, dès le premier jour de l'opération, "enregistré plusieurs armes de poing", selon Lilian Kinache, commandant en charge de la communication.

Lundi, Jean-Simon Mérandat avançait le chiffre de 21.000 armes abandonnées et 600.000 munitions récupérées après trois jours d'opération, auxquelles s'ajoutent plus de 6.000 armes mises en règle.

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