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L'opposant russe Alexeï Navalny, la bête noire du Kremlin, a affirmé mercredi qu'il risquait la prison à vie dans des affaires "absurdes" pour "extrémisme" et "terrorisme", en pleine vague de répression parallèle à l'offensive en Ukraine.
Au moment où M. Navalny comparaissait par visioconférence au cours d'une audience à Moscou, un autre opposant de premier plan, Evguéni Roïzman, plaidait non coupable à l'ouverture de son procès pour avoir "discrédité" l'armée à Ekaterinbourg (Oural).
La superposition de ces deux affaires illustre l'accélération de la répression en Russie, avec la multiplication ces dernières semaines de procès et de condamnations qui ont laminé toute forme d'opposition.
Lors de l'audience de mercredi, M. Navalny a fustigé des "accusations absurdes" portées contre lui, affirmant qu'il risquait jusqu'à 35 ans de prison dans le cadre de poursuites pour "extrémisme" aux contours encore flous.
Par ailleurs, l'opposant, qui purge actuellement une peine de neuf ans de prison pour "fraude", a dit avoir appris qu'un autre dossier pour "terrorisme" était en train d'être constitué, dans lequel il dit risquer la prison à vie.
Les autorités n'ont pas commenté cette dernière affaire. Une juge a donné jusqu'au 5 mai à M. Navalny pour examiner les quelque 700 pages du dossier pour "extrémisme", ce qui signifie qu'une date de procès devrait bientôt être annoncée.
Les affaires pénales impliquant les opposants sont souvent entourées d'un grand secret en Russie, les accusés et le public ne recevant des informations qu'au dernier moment et au compte-gouttes.
M. Navalny est incarcéré depuis 2021 après avoir survécu de justesse à un empoisonnement qu'il impute au pouvoir. Ses soutiens accusent le Kremlin de s'acharner contre ce militant qui s'est fait connaître grâce à des enquêtes anti-corruption.
- "Pas peur" -
A près de 1.800 km à l'est de Moscou, à Ekaterinbourg, se déroulait au même moment la première audience dans un procès attendu, celui de l'ancien maire charismatique de cette grande ville de l'Oural, Evguéni Roïzman.
L'ex-édile âgé de 60 ans est accusé d'avoir "discrédité" l'armée russe dans une vidéo qu'il avait diffusée sur YouTube en juillet 2022 en critiquant l'offensive en Ukraine.
Il risque jusqu'à cinq ans de prison, en vertu d'une loi votée en Russie dans la foulée du déclenchement de l'offensive en Ukraine fin février 2022.
Lorsque le juge lui a demandé s'il reconnaissait sa culpabilité dans l'affaire, Evguéni Roïzman a répondu "non", soulignant qu'il s'expliquerait plus longuement après la présentation des chefs d'accusation.
M. Roïzman, qui fut maire d'Ekaterinbourg entre 2013 et 2018, est apparu souriant et détendu, portant un jean bleu et un T-shirt blanc. L'audience s'est déroulée dans une petite pièce du tribunal Oktiabrski de cette cité.
"Ce qui se passe est clair", a éludé M. Roïzman en s'exprimant à la presse après l'audience. Le procès doit reprendre le 10 mai.
Evguéni Roïzman est considéré comme l'une des dernières grandes figures de l'opposition à être restées en Russie et à avoir, pour l'instant, échappé à une lourde peine de prison.
Inculpé en août pour "discréditation" de l'armée russe, il n'a pas été placé en détention provisoire mais s'est vu interdire d'utiliser internet et de donner des interviews.
"Je ne me fais pas d'illusions, je n'ai pas peur", avait-il affirmé à l'AFP en juillet dernier. A Ekaterinbourg, il conserve une grande popularité qui, selon des observateurs, l'a protégé un temps des foudres du Kremlin.
Alexeï Mossine, responsable local de l'ONG Memorial, dissoute en Russie, était venu mercredi à l'audience pour soutenir M. Roïzman. "Ils jugent un homme qui a appelé un chat un chat", a affirmé à l'AFP M. Mossine.
Déjà éprouvée par les précédentes vagues de répression, l'opposition russe est laminée depuis l'assaut en Ukraine. Les derniers grands détracteurs de Vladimir Poutine ont émigré ou reçu de lourdes peines.
Mercredi, le Parquet a requis douze ans de prison contre Lilia Tchanycheva, une ancienne responsable de l'organisation d'Alexeï Navalny, arrêtée fin 2021 et accusée "d'extrémisme".
Dans une protestation commune, plusieurs ONG russes réputées, dont Mémorial et OVD-Info, ont annoncé mardi avoir saisi la Cour suprême pour demander l'annulation d'une vingtaine de condamnations administratives pour "discréditation" de l'armée. Mais leur démarche, essentiellement symbolique, n'a quasiment aucune chance d'aboutir.