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Crimes contre l'humanité: réclusion à perpétuité requise à Paris contre trois cadres du régime syrien

La réclusion criminelle à perpétuité a été requise vendredi contre trois hauts responsables du régime syrien jugés par défaut devant la cour d'assises de Paris pour complicité de crimes contre l'humanité et de délit de guerre.

Ce procès, le premier en France pour juger les crimes du régime de Bachar al-Assad, constitue "une grande avancée pour les victimes qui ont légitimement soif de justice", a souligné dans ses réquisitions l'avocate générale, qui a par ailleurs observé que c'était "un signal pour toutes les victimes syriennes".

La magistrate a demandé qu'Ali Mamlouk, ex-chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ex-directeur des très redoutés services de renseignement de l'armée de l'Air, et Abdel Salam Mahmoud, ex-directeur de la branche investigation de ces services, soient condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Elle a aussi réclamé le maintien des effets des mandats d'arrêt internationaux les visant.

Ces trois hommes, qui se trouvent vraisemblablement encore en Syrie, étaient absents au procès et donc jugés par défaut, une possibilité offerte dans le système judiciaire français. Ils n'ont par ailleurs mandaté aucun avocat pour les défendre à l'audience.

En raison de leur place dans la chaîne hiérarchique, ils sont soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick.

Ces deux Franco-Syriens ont été arrêtés à Damas en 2013 et transférés dans le centre de détention de l'aéroport de Mezzeh, tenu par les redoutés services de renseignement de l'armée de l'Air. Ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018.

Mais les investigations menées par le pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont permis de considérer qu'il était "suffisamment établi" qu'ils avaient subi des tortures et qu'ils en étaient décédés.

Au-delà de leur cas, c'est le caractère massif et systématique des exactions commises par le régime syrien sur sa population civile qui a animé les débats de ce procès inédit dans l'histoire de la justice française.

Les faits dont ont été victimes Mazzen et Patrick Dabbagh "s’inscrivent dans un contexte dans lequel des dizaines, voire des centaines de milliers de Syriens peuvent se reconnaître", selon la représentante du ministère public.

- "Crimes du présent" -

Elle s'est employée à démontrer que le régime de Bachar al-Assad menait "une politique répressive d’Etat, mise en oeuvre par les plus hauts niveaux" de la hiérarchie et "déclinée localement dans chaque gouvernorat". Les accusés constituent, comme Bachar al-Assad, "les architectes de ce système".

Lors de ce procès entamé mardi, plusieurs experts et rescapés des geôles syriennes ont défilé à la barre pour décrire le système politique et carcéral syrien et raconter les horreurs subies en détention.

Des photos du dossier César, du nom d'un ex-photographe de la police militaire qui s'est enfui de Syrie en 2013 en emportant 46.000 photographies effroyables de corps torturés, ont été diffusées à l'audience.

"Ce ne sont pas des crimes du passé que vous allez juger, ce sont des crimes du présent", avait, plus tôt dans la journée, lancé à la cour Me Clémence Bectarte, qui défend notamment des membres de la famille des deux victimes et le Centre syrien pour les médias, qui s'est aussi constitué partie civile dans cette affaire.

Elle a souligné que ce procès représentait pour des milliers de Syriens l'"espoir" de trouver "un espace de justice tant la situation en Syrie reste marquée par une totale impunité".

Ali Mamlouk est notamment devenu conseiller spécial de Bachar al-Assad.

Il a "une valeur d'exemple pour la mémoire, contre l'oubli, mais aussi pour le présent et pour l'avenir", a abondé Me Patrick Baudouin, avocat avec Me Bectarte de la Fédération internationale pour les droits humains.

Le verdict est attendu en fin de journée. Si les accusés étaient condamnés et si à l'avenir ils venaient à être arrêtés, ils pourraient soient acquiescer à la peine, soit faire opposition, ce qui conduirait à mener un nouveau procès, en première instance et en leur présence cette fois-ci.

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