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Le Jikji, trésor coréen conservé et exposé par la France

Bien avant Gutenberg, les Coréens ont inventé l'imprimerie: un livre de 1377, le Jikji, trésor historique, est exposé à Paris jusqu'au 16 juillet, suscitant un vif intérêt au Pays du matin calme qu'il a quitté pourtant dans l'indifférence il y a plus d'un siècle.

Il fait partie des nombreuses pièces de l'exposition "Imprimer! L'Europe de Gutenberg" à la Bibliothèque nationale de France (BnF), où il voisine avec d'autres volumes extrêmement rares et précieux, tous venus du Vieux Continent.

C'est "le premier imprimé à partir de caractères mobiles métalliques encore conservé", explique à l'AFP une commissaire de l'exposition Caroline Vrand, conservatrice au département des estampes et de la photographie.

Autrement dit, ce livre montre que des Coréens ont été les inventeurs de l'imprimerie, quelque trois quarts de siècle avant l'Allemand Johannes Gutenberg et sa fameuse presse typographique de 1455.

"Gutenberg n'a sans doute pas eu connaissance de cette invention coréenne", avance la BnF. Il perfectionne plutôt des techniques en vigueur en Europe, "où l'on sait imprimer et reproduire l'image à partir de 1400 environ à l'aide d'une matrice gravée, d'abord sur bois, puis sur cuivre".

- Ère Xuanguang -

Unique au monde, le Jikji est un élément crucial de son patrimoine que la Corée du Sud semble avoir perdu pour longtemps.

Les médias sud-coréens se sont penchés de nouveau sur l'histoire de ce manuel d'enseignement du bouddhisme, en caractères chinois ("hanja"), de "l'an 7 de l'ère Xuanguang". Sur ses deux tomes, seul subsiste le second.

Plusieurs journalistes coréens étaient présents à la visite de presse de l'exposition mardi, la veille de son ouverture. L'agence de presse Yonhap a souligné que ce livre n'avait pas été montré depuis 1973.

La République de Corée souhaiterait le revoir sur son territoire un jour, dans le cadre d'un prêt qui reste à négocier.

"Avec cette exposition comme occasion, si nous collaborons et bâtissons une bonne relation fondée sur la confiance, je pense que nous pourrions avoir une chance précieuse de voir le Jikji en Corée à l'avenir", a déclaré la présidente de la Fondation pour le patrimoine culturel coréen à l'étranger, Kim Jung-hee, lors de sa venue à l'exposition.

Les conditions dans lesquelles ce livre est parvenu en France sont rappelées aux visiteurs.

Le premier diplomate français en poste à Séoul, Victor Collin de Plancy, qui arrive en Corée en 1887, l'y a acheté à une date et à un vendeur inconnus.

- 180 francs -

À cette époque, personne ne mesure son importance historique. Mais lui va se faire une idée plus précise. "Collectionneur de livres anciens, il acquit le Jikji, et constata avec émotion que l'ouvrage remontait à l'ère Xuanguang (1371-1378)", lit-on sur le site internet de la BnF.

Le Jikji est montré à l'Exposition universelle de Paris en 1900. Collin de Plancy doit quitter en 1906 une Corée devenue protectorat japonais l'année précédente. Il vend le livre, avec le reste de sa riche collection personnelle, lors d'une vente aux enchères à l'Hôtel Drouot en 1911.

L'acheteur est un autre collectionneur, Henri Vever. Il paie 180 francs, l'équivalent de plus de 60.000 euros aujourd'hui, selon l'Insee.

Après sa mort, la famille de ce joaillier lègue le volume à la Bibliothèque nationale en 1950.

La première à localiser ce joyau, à la fin des années 1960, fut Park Byeong-seon, une chercheuse coréenne installée à Paris qui recensait les richesses de son pays dans la capitale française.

Cette historienne contribua au retour en Corée du Sud d'autres trésors de la BnF, les manuscrits royaux de la dynastie Joseon, prêtés par la France depuis 2010. Mais, contrairement au Jikji, ils avaient été emportés par la force, lors d'une expédition militaire française en 1866.

En outre, l'exposition de la BnF présente de nombreux objets témoignant des débuts foisonnants de l'imprimerie, qui révolutionnera la diffusion de la culture et des textes religieux.

Parmi eux, une réplique de la presse conçue par Gutenberg, prêtée par le musée qui lui est consacré à Mayence (ouest de l'Allemagne), deux exemplaires de sa Bible ou encore le plus ancien bois gravé occidental connu, le "Bois Protat" (vers 1420).

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