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Le président Emmanuel Macron, qui doit s'adresser aux Français mercredi, a prévenu mardi soir que "la foule" qui manifeste contre la réforme des retraites n'avait "pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain à travers ses élus", selon des parlementaires de son camp.
"La foule, quelle qu'elle soit, n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain à travers ses élus", a-t-il dit. "L'émeute ne l'emporte pas sur les représentants du peuple", se posant en garant de "l'ordre démocratique et républicain".
Le chef de l'Etat s'exprimait devant les parlementaires du camp présidentiel conviés à l'Elysée, après l'adoption par le Parlement de son texte via l'article 49.3 de la Constitution et au terme d'une journée ponctuée par des réunions de consultation.
Très silencieux depuis le début de la crise sur la réforme des retraites, le chef de l'Etat français doit s'exprimer à la mi-journée (un horaire inhabituel) dans une interview en direct sur deux chaînes de télévision, n'envisage ni de dissoudre le Parlement, ni de remanier le gouvernement, ni de convoquer un référendum sur les retraites, ont fait savoir ses troupes.
Le président va parler aux Français pour "apaiser", "bien conscient du moment trouble", mais sans "se précipiter", a résumé un participant à une réunion du camp présidentiel mardi à l'Elysée.
Or, sa stratégie pour rebondir s'annonce difficile, la colère restant très vive dans le pays, et le gouvernement d'Elisabeth Borne, qui a échappé de justesse à une motion de censure lundi, apparaît très affaibli.
- Colère et violences -
Emmanuel Macron "a mis le feu et fermé toutes les issues", a dénoncé mardi le dirigeant de La France Insoumise (LFI, gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting dans l'Ariège (sud-ouest).
"Je ne participerai pas à éteindre le feu" de la contestation contre la réforme des retraites en France, a prévenu de son côté la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen.
Si la contestation sociale, encadrée par les syndicats pendant deux mois, est restée pacifique, les signes de radicalisation se multiplient depuis plusieurs jours.
Mardi soir encore, des échauffourées ont éclaté entre jeunes manifestants et forces de l'ordre, notamment à Paris où 46 personnes ont été interpellées.
Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, "plus de 1.200" manifestations "parfois violentes" ont eu lieu en France depuis jeudi, date de l'utilisation du 49.3 pour adopter la réforme contestée des retraites et sa mesure la plus décriée, le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans.
"Utiliser la Constitution pour faire passer une réforme est toujours une bonne chose", a dit le président pour justifier le recours à cette arme constitutionnelle décriée par les opposants à son texte, assurant qu'il n'y avait "pas de majorité alternative".
Il a promis d'"avancer" désormais sur "la santé, l'école et l'écologie", tout en organisant "la société du plein emploi".
Alors que des syndicats d'avocats, de magistrats et des politiques de gauche dénoncent des violences policières, la Première ministre a rappelé mardi à l'Assemblée "le devoir d'exemplarité" des forces de l'ordre.
- Grèves et réquisitions -
Outre la grève reconductible des éboueurs dans plusieurs villes, dont Paris où 9.300 tonnes d'ordures empestent certains quartiers, le trafic routier a été perturbé mardi en Bretagne (ouest) par des blocages.
Du côté des raffineries, plusieurs sites restent bloqués. Mais le gouvernement a fait évacuer le terminal pétrolier de Donges (ouest) et annoncé de premières réquisitions de personnels pétroliers à Fos-sur-Mer (sud). Environ 12% des stations-service sont à court de carburant en France.
"Rien n'entame la détermination des travailleurs", a prévenu la CGT, avant une nouvelle journée d'actions à l'appel de l'ensemble des syndicats prévue jeudi. Entre 600.000 et 800.000 manifestants, dont 40.000 à 70.000 à Paris sont attendus par les autorités.
Le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT Laurent Berger s'est dit de son côté inquiet des "violences" qui pourraient s'exprimer du fait de l'adoption d'une loi qui n'avait "pas de majorité".
Politiquement aussi la pression sur l'exécutif ne retombe pas, et le rejet d'une motion de censure à seulement neuf voix près a redonné de l'énergie aux oppositions, de gauche, de droite et d'extrême droite.
Le député de la gauche radicale Alexis Corbière a lui appelé le président Macron à ne pas "refaire une espèce de 49.3 verbal" lors de son entretien télévisé. S'"il revient à la télé pour dire la même chose, +je m'en fiche de votre opinion, j'impose+, la manif de jeudi sera encore plus forte", a-t-il prédit.
Avec ses alliés, il compte notamment sur des recours devant le Conseil constitutionnel. La gauche demande en outre un référendum.
Le Rassemblement national (extrême droite) a lui aussi déposé mardi son recours devant le Conseil constitutionnel pour "que ce texte tombe dans les oubliettes de l'histoire et soit mis à la poubelle".