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Dans le centre de l'Inde, des hindous se tatouent de la tête aux pieds pour vénérer le dieu Rama

Loin d'Ayodhya, dans le nord de l'Inde où l'élite fête lundi l'inauguration d'un temple hindou controversé dédié à Rama, des fidèles beaucoup plus pauvres célèbrent le dieu à leur manière, en se faisant tatouer son nom de la tête aux pieds.

Les adeptes du mouvement religieux Ramnami ont longtemps été interdits d'entrée dans les lieux saints hindous en raison de leur basse caste. En signe de défi, ils ont commencé à se tatouer sur le corps le nom du dieu Rama en hindi.

Ces fidèles tatoués, y compris sur le visage, étaient rassemblés dimanche dans l'Etat de Chhattisgarh, dans le centre du pays pour un festival hindouiste.

Le Premier ministre indien a inauguré lui en grande pompe lundi un temple dédié au dieu Rama, construit à Ayodhya, dans le nord de l'Inde sur le site d'une ancienne mosquée démolie par des fanatiques hindous en 1992.

Mais pour les Ramnamis, la dévotion montrée à travers les tatouages est plus forte que n'importe quel bâtiment.

"Pour nous, Rama est partout, dans chaque particule, chaque son", indique Gularam Ramnami, un fidèle de 52 ans.

Pour ceux qui font leurs dévotions au temple d'Ayodhya, Rama "est représenté par une idole". Mais "nous avons fait de nos corps un temple".

De nombreux Ramnamis interrogés dimanche lors de leur festival ont dit voir favorablement l'inauguration du temple dédié à Rama, souvent représenté avec la peau bleue, armé d'un arc et de flèches.

Mais ils ont aussi appelé à la prudence en rappelant l'histoire émaillée de violence du site sur lequel il a été construit.

"Rama n'a jamais détruit une mosquée, et Allah n'a jamais détruit de temple", relève Gularam.

"Nous avons toujours dit qu'il ne faut blesser quiconque, ni par la pensée, ni par les mots, ni par des actes".

Lorsque les ancêtres des Ramnamis se sont vu refuser l'entrée dans les temples il y a plus d'un siècle, ils ont riposté avec une aiguille et de l'encre fabriquée à partir de résidus de lampes à pétrole.

"J'ai consacré mon corps à son nom", indique Setbai Ramnami, une fidèle coiffée d'une couronne de plumes de paon et drapée d'un châle blanc également recouvert du nom de Rama.

"Je ne suis jamais allée dans un temple (...) Je n'ai même pas offert de fleurs à une idole de Rama", explique la septuagénaire issue de la caste des Dalits, autrefois connus sous le nom d'"Intouchables".

En plus de leurs tatouages, les fidèles adoptent le nom du groupe religieux "Ramnami" comme nom de famille, en signe d'engagement total.

- "Nous partirons tous" -

Il a fallu une journée entière à Setbai pour se faire tatouer le visage, mais elle assure ne pas avoir ressenti de douleur car cela a été fait par dévotion. "Un jour viendra où nous partirons tous", dit-elle. "C'est bien que je me sois immergée dans la dévotion (...) c'est comme ça que je veux mourir".

Mais les temps changent aussi pour les Ramnamis.

Les tatouages sur tout le corps sont de moins en moins courants, car certains jeunes adeptes à la recherche d'un emploi limitent les inscriptions aux zones du corps qu'ils peuvent couvrir, tout en disant respecter les autres règles strictes du groupe.

Les Ramnamis sont végétariens, ne boivent pas d'alcool, ne fument pas et cultivent presque tout ce qu'ils mangent.

Contrairement à la plupart des hindous qui choisissent la crémation, les Ramnamis enterrent leurs morts parce qu'ils ne veulent pas que le nom de Rama soit brûlé.

Si de nombreux Dalits et d'autres groupes marginalisés sont toujours confrontés à la violence et à la discrimination en Inde, les Ramnamis affirment que leurs tatouages montrent leurs voeux pour un dieu que tous peuvent vénérer.

"Peu importe qu'on pense que nous appartenons à une caste inférieure, nous appartenons à un pays où les castes et les classes sociales n'ont aucune importance", affirme Gularam.

"Le Ramnami est une idéologie (...) elle n'est pas liée à une caste ou à une religion", selon lui

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