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Thaïlande: le Premier ministre appelle au calme après la disqualification de Pita

Le Premier ministre sortant en Thaïlande, le général Prayut Chan-o-cha, a appelé au calme jeudi après le rejet définitif par le Parlement de la candidature à sa succession du progressiste Pita Limjaroenrat, vainqueur des dernières élections dont le programme est jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie et l'armée.

Le parti de Pita, Move Forward (MFP) est arrivé largement en tête lors du scrutin du 14 mai grâce au soutien massif d'une jeunesse avide de changements profonds dans le royaume gouverné par les militaires depuis quasiment une décennie.

Mais la journée de mercredi, forte en rebondissements, a douché leurs espoirs, entre suspension de Pita comme député en raison de soupçons d'irrégularités et interdiction de présenter sa candidature une deuxième fois au poste de Premier ministre.

Son projet de réformer la sévère loi sur la lèse-majesté a tracé une ligne jaune avec les sénateurs, qui refusent tout compromis avec Move Forward, jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie.

Près d'un millier de manifestants se sont rassemblés dans la soirée autour du monument de la démocratie dans le centre de Bangkok pour exprimer leur colère face à la décision des députés et sénateurs conservateurs d'écarter de facto Pita, 42 ans, de la politique pour une durée indéterminée.

Le général Prayut, arrivé au pouvoir en 2014 par un coup d'Etat, et qui est toujours en poste depuis les élections pour assurer l'intérim, a déclaré qu'il "comprenait" la frustration des partisans de Move Forward, a rapporté son porte-parole.

Il a appelé à la retenue et affirmé que "tout le monde doit travailler pour faire avancer la Thaïlande de manière démocratique aux côtés de la monarchie", a déclaré Rachada Dhnadirek.

La Thaïlande risque de s'enfoncer dans une crise politique en l'absence de candidat déclaré après la mise à l'écart du progressiste.

- Quelle coalition pour gouverner ? -

Son parti a jusqu'au bout défendu son projet de réformer la stricte loi de lèse-majesté, qui protège le roi et punit jusqu'à 15 ans de prison toute critique de la monarchie.

Il représente également une menace pour les grands monopoles familiaux qui jouent un rôle prépondérant dans l'économie du royaume.

Sa coalition de 8 partis, majoritaire à l'Assemblée nationale, doit maintenant tenter de se mettre d'accord sur un nouveau nom, probablement issu du Pheu Thai, le parti arrivé en deuxième position aux élections législatives.

L'homme d'affaires Srettha Thavisin (60 ans), au profil plus consensuel, est le mieux placé pour prendre la suite, mais la présence de Move Forward parmi ses soutiens pourrait dissuader les sénateurs et ainsi le pousser à s'allier avec des mouvements plus conciliants avec l'armée.

Le Pheu Thai est un poids-lourd de la politique thaïlandaise, dirigé en sous-main par la famille Shinawatra, qui compte parmi ses membres deux anciens premiers ministres évincés par des coups d'État militaires en 2006 et 2014.

"Le Pheu Thai va avoir sa chance maintenant", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Thitinan Pongsudhirak.

"Et la prochaine étape sera l'orchestration du gouvernement de coalition dirigé par le Pheu Thai pour exclure Move Forward", a-t-il ajouté.

- Risques de troubles civils -

"Jusqu'à présent, nous restons fidèles au MFP", a déclaré le chef du parti, Cholnan Srikaew, en ajoutant que "si nous voulons gagner, nous devons avoir suffisamment confiance en nous".

Afin d'obtenir les votes nécessaires au Sénat, le Pheu Thai pourrait chercher des soutiens ailleurs au Parlement, probablement parmi les partis pro-armée.

Mais la décision de rompre avec Move Forward peut être coûteuse pour le Pheu Thai à l'avenir, selon la politologue Napisa Waitoolkiat. "Ils marchent sur une corde raide".

Maintenir une présence militaire dans le prochain gouvernement est porteur de risques de troubles civils, alors que beaucoup d'électeurs ont voté pour tourner la page de l'armée du pouvoir.

"Il y aura des manifestations plus importantes que celles de 2020, car le pouvoir s'en prend au parti qui a remporté le vote populaire", a déclaré à l'AFP Patsaravalee Tanakitvibulpon, un leader de la contestation à l'époque. "Les gens ne le supporteront pas."

La Thaïlande, où subsistent de fortes inégalités, affiche l'un des taux de croissance les plus faibles d'Asie du Sud-Est, qui appelle à des réformes structurelles d'ampleur.

Les milieux économiques s'inquiètent d'une instabilité prolongée, qui pourrait impacter le secteur vital du tourisme.

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